Joseph Louis Gillet est né le 20 novembre 1843, 12 rue d’Enghien à La Guillotière [la commune sera annexée par Lyon en 1852], fils de François Gillet (Bully 10 décembre 1813-18 octobre 1895) et de Marie Pierron (Saint-Clément-sur-Valsonne 18 mai 1812-Bully 12 août 1892). Témoins : Jean Marie Fournel, marchand de vin, et Antoine Favrat, teinturier à Lyon. Son père François – fils de Michel Gillet (1785-1863) cultivateur au lieudit Montagny à Bully et de Jeanne Marie Recordet –, fondateur de la maison Gillet et fils, a été ce célèbre teinturier lyonnais qui, après avoir fait ses débuts chez l’industriel Antoine Michel*, employait alors une trentaine d’ouvriers, puis 80 en 1850, 900 en 1873 sur le site de Bonneterre à Villeurbanne, et près de 300 ouvriers dans l’usine-mère du quai de Serin à Lyon. Il fut conseiller municipal de Bully et président du comice agricole de L’Arbresle. Il avait acheté le château de Bully en 1885 à la famille Génissieux, château restauré en 1900 par Gaspard André*.
Joseph, domicilié alors 8 quai de Serin, épouse à Lyon 2e le 14 août 1865 Marie Mathilde Perrin (Firminy [Loire] 15 août 1845-1908), fille de Gilbert Perrin, notaire de Firminy, et de Marie Catherine Octavie Chaleyer. Ils auront : Marguerite (Lyon 20 juillet 1866-26 mai 1959), épouse d’Henri Balaÿ (1860-1925) et qui a hérité le château de la Baticolière à Saint-Cyr-au-Mont-d’Or, acheté par son père en 1890 ; Edmond Gilbert Marie (Lyon juillet ou 19 septembre 1873-Paris 15 octobre 1931), maire de Bully, administrateur du Crédit Lyonnais, régent de la Banque de France ; Marie François Paul (Lyon 21 octobre 1874-Paris 27 octobre 1971), président de Progil, administrateur de Péchiney et propriétaire de la « Villa Gillet » ; Charles (26 novembre 1879-Lausanne 30 mai 1972), époux de Marcelle Garin, fille de Joseph Garin*, et dont un fils, Renaud, présidera Rhône-Poulenc de 1973 à 1979. Joseph Gillet décède le 9 avril 1923 à Paris, et il est inhumé à Bully.
Élève des Chartreux, il fait un long stage à l’école de chimie de Wiesbaden en 1860, devient associé de son père en 1869 et lui succède en 1895, en association avec son frère François. Après la mort de ce dernier, il dirige l’entreprise avec son gendre Henri Balaÿ, en associant ses trois fils, Paul, Charles et Edmond. Joseph Gillet diversifie l’activité de l’entreprise familiale avec l’apport de nouvelles branches d’activité comme l’impression, l’apprêt, le gaufrage, puis absorbe la concurrence. En 1904, l’entreprise Gillet et fils prend une orientation nouvelle avec la création d’une filiale, la Société de la soie artificielle d’Izieux (commune intégrée depuis 1964 à Saint-Chamond) destinée à fabriquer de la matière première adaptée à la passementerie et à la rubanerie. En 1911, le groupe Gillet fonde avec le groupe Carnot le comptoir des textiles artificiels (CTA), qui se spécialise dans la rayonne et s’installe à Vaulx-en-Velin. Le groupe se tourne également vers la chimie avec une prise de participation dans la direction des Usines du Rhône et dans celle de Kuhlmann. Pendant la Première guerre mondiale, Joseph Gillet transforme les usines en atelier de production de chlore pour la préparation des explosifs. Chaque jour, c’est par dizaines de milliers que les obus fabriqués à Lyon étaient transportés par des trains qui roulaient sur les lignes de tramways, des arsenaux aux usines Gillet, ou inversement. En 1919, la société des produits chimiques Gillet et Fils, plus connue sous le nom de Progil, se lance dans la fabrication de la bakélite ainsi que dans celles de tannins naturels et synthétiques pour l’industrie du cuir, de phosphates alimentaires, d’insecticides pour l’agriculture, de bitume pour le revêtement routier. La Rhodiaceta naît en 1922, apportant un marché de vente et un réseau commercial alors que la société des usines chimiques du Rhône fabrique l’acétate, une nouvelle matière première. À cette époque le groupe Gillet emploie 2 000 salariés sur le site de Villeurbanne, crée des habitations, dites à bon marché (HBM), dans les quartiers de la Ferrandière, de Cusset et de la Poudrette (rue de la Soie). C’est en fait un exemple, parmi de nombreux autres, que la bienfaisance occupe une place importante dans la vie de l’entrepreneur du xixe siècle, le devoir social incombant à ceux qui dirigent la vie économique puisqu’alors l’État-providence n’existait pas. Joseph Gillet, Édouard Aynard* et les frères Mangini fondent la Société anonyme de logements économiques dont le but est de construire des habitations à loyers modérés (HLM) pour les familles modestes. Les mêmes noms figurent parmi les sociétaires du premier conseil d’administration du Sanatorium lyonnais créé en 1897 dont l’objectif est curatif et préventif dans la lutte contre la tuberculose.
En 1928, la société des usines chimiques du Rhône et les établissements Poulenc frères se rapprochent pour créer Rhône-Poulenc, un groupe chimique et pharmaceutique. Entre 1929 et 1937 le chiffre d’affaires de teinturerie réalisé dans l’agglomération lyonnaise diminue de 75%. Les établissements Gillet et Fils et les blanchisseries et teintureries de Tahon réunis doivent faire face à des grèves dont l’une, qui démarra le 20 mars 1937, dura 50 jours. Pour la première fois après la reprise du travail, il est question de fermer définitivement le site, et l’année suivante l’effectif passe à cinq cents personnes. À la déclaration de guerre, l’entreprise fournit l’armée en uniformes de couleur kaki. Le site de Villeurbanne ferme définitivement ses portes en 1966, les locaux sont démolis en 1969 et sur l’emplacement, 950 logements et 20 000 m2 de bureaux sont édifiés, ce qui donna naissance au quartier de La Perralière.
Membre de la Commission administrative de la condition publique des soies. Membre de la Commission administrative du laboratoire d’études de la soie. Secrétaire du Conseil d’administration de l’école supérieure de Commerce. Membre du Conseil d’administration de la Société d’enseignement professionnel du Rhône. Vice-président du conseil d’administration du Crédit Lyonnais. Président de l’Union des producteurs et consommateurs de matières colorantes. Conseiller municipal de Bully. Chevalier de la Légion d’honneur. Membre fondateur de la Société botanique de Lyon, de la Société de géographie de Lyon et de la Société d’économie politique de Lyon.
Les Gillet jouèrent avec Jules Raulin*, Victor Grignard* et Jean Coignet*, un rôle décisif dans la création de l’école de Chimie industrielle de Lyon (1883), partisan convaincus d’une alliance nécessaire entre l’université et l’industrie, en orientant la chimie vers les besoins industriels selon le modèle allemand, ce qui est une première en France. L’école de Chimie industrielle participa ainsi largement à l’essor de la chimie lyonnaise en une période où la concurrence était vive avec la chimie allemande. Plusieurs de leurs descendants y ont été formés : Edmond et Paul Gillet, fils de Joseph Louis, Renaud Gillet, leur neveu. Joseph Gillet créa en 1919, avec d’autres industriels (Émile Guimet*, Alexandre Franc, Marius Berliet…) la Fondation scientifique de Lyon et du Sud-Est dont les premiers présidents furent Joseph, Edmond puis Paul Gillet. Le prix Lucien Chatin de la Fondation scientifique de Lyon et du Sud-Est a été décerné de 1969 à 1990 par l’Académie de Lyon à un doctorant qui a eu la meilleure application industrielle.
Une rue de Villeurbanne porte le nom de Joseph-Louis Gillet (entre la rue Château-Gaillard et l’impasse Comby). Le quai Serin est devenu en 1973 le quai Joseph-Louis-Gillet. Un drame intime de la famille Gillet après la Première Guerre mondiale a été exploité par Henri Béraud dans son roman Ciel de Suie, et par Christian-Jaque dans son film Un revenant sorti le 18 octobre 1946, avec Louis Jouvet et Gaby Morlay.
Élu le 7 décembre 1920 au fauteuil 9, section 1 Sciences, sur un rapport d’Henri Tavernier*. Installé le 15 février 1921 (discours de bienvenue du président Ennemont Morel*, daté du 11 février, dans le dossier académique). Son éloge funèbre a été prononcé le 17 avril 1923 par Antoine Sallès*, président de l’Académie.
Éloge funèbre de Joseph-Louis Gillet, prononcé le 17 avril 1923 par Antoine Sallès, président de l’Académie, Lyon : Rey, 1923. – Bruno Benoît, DHL. – Gabrielle et Louis Trénard, DBF. – « Éloge funèbre », par l’Association des anciens élèves de l’École centrale lyonnaise, Bull. Assoc. anciens élèves ECL, n° 182, avril 1923, p. 33-35. – Bernadette Anglereau et Catherine Pellissier, Les dynasties lyonnaises, des Morin-Pons aux Mérieux, du xixe siècle à nos jours, Paris : Perrin, 2003. – Marcel Peyrenet, La dynastie des Gillet : les maîtres de Rhône-Poulenc, Paris : Sycomore, 1978. – Bernard Tassinari, La soie à Lyon : de la Grande fabrique aux textiles du xxie siècle, Lyon : ELAH, 2005. – Pierre Cayez et Serge Chassagne, Les patrons du Second Empire, Lyon et le Lyonnais, Picard, 2006. – Dict. hist. des patrons français, 2010. – Hervé Joly, Les Gillet de Lyon, Genève : Droz, 2015.
Une plaquette rectangulaire à son effigie, gravée par Frédéric Vernon, a été frappée en 1911 ; au revers, vue des usines, et l’inscription célèbre : CINQUANTE ANNÉES DE TRAVAIL – 1861-1911.