Henri Léonard Jean Baptiste Bertin est né et baptisé à Périgueux le 24 mars 1720, paroisse Saint-Silain ; parrain : Philippe de Chastanet ; marraine : Henri Mellet de Fayolle. Son père, Jean (Périgueux 1679-Paris 1754), est déjà une personnalité : chevalier, avocat au parlement de Bordeaux en 1711, trésorier et contrôleur du trésorier particulier des invalides de la marine des port et amirauté de Bordeaux en 1712, président trésorier de France conseiller du roi en ses conseils, maître des requêtes honoraire de son hôtel, conseiller honoraire au parlement de Bordeaux, premier baron du Périgord, comte de Bourdeilles, seigneur des terres de Badefols, Annesse, Lamothe Vergé, La Tour de Boveix et autres lieux, propriétaire des forges d’Ans en Périgord ; il a spéculé à grande échelle avec les billets de la banque de Law. De son épouse, Lucrèce de Saint-Chamans (1685-1786), dame de Frateaux, il a eu quatorze enfants, dont Charles Jean de Bertin (1711-1774), évêque de Vannes en avril 1746, et l’abbé Louis Augustin de Bertin (1717-1794), président aux enquêtes de la cour du parlement de Bordeaux en 1759, conseiller d’État de janvier 1761 à 1764, supérieur de la communauté des carmélites de Saint-Denis et aumônier des dames de France en 1770. Il avantage Henri Léonard en lui donnant la moitié de ses biens, le déclarant aîné de la famille, alors qu’il n’est que le douzième enfant, au détriment de Louis Mathieu (1707-1779), marquis de Frateaux, qui, s’opposant fermement à son père et mêlant maladroitement le roi et la marquise de Pompadour à son infortune, est envoyé à la Bastille, où il meurt après 27 ans de captivité. Henri Léonard meurt à Spa le 16 septembre 1792, peu après avoir appris l’arrestation du roi.
Il étudie le droit à Paris (1737-1738). Reçu avocat au parlement de Bordeaux en janvier 1741, puis, le 12 mai de la même année, pourvu d’un office, avec dispense d’âge, de conseiller du roi en son grand conseil, il succède en 1745 à son père, qui résigne à son profit son office de maître des requêtes. Comme commissaire, il instruit le 19 novembre 1746 le procès de Mahé de La Bourdonnais, gouverneur des îles de France et de Bourbon, arrêté par Dupleix. Selon Voltaire, c’est Bertin qui fit rendre justice à l’accusé. Devenu conseiller honoraire du grand conseil du roi, il préside ledit conseil en décembre 1749. Le 14 novembre 1750, il est nommé intendant du Roussillon, mais il est révoqué à la suite d’une querelle avec le comte de Mailly, commandant en chef de la province. Le 14 mars 1754, il est nommé « intendant de justice, police et finances de la ville et généralité de Lyon ». Il conçoit la digue de la Tête d’Or, le canal de Givors, l’exploitation des mines de la Loire, et il développe la sériciculture, industrie qu’il pratique personnellement. Du 29 octobre 1757 au 21 novembre 1759, il occupe le poste de lieutenant général de police de Paris. Il est intendant de la cassette particulière du roi à partir du 20 décembre 1762. De novembre 1759 au 13 décembre 1763, appuyé par le secrétaire d’État Phélypeaux, il est contrôleur général des finances, succédant à É. de Silhouette. Il réorganise la fiscalité pour financer la guerre de Sept ans. Mme de Pompadour, qui l’appelait mon contrôleur à moi, aurait dit : « C’est un petit homme qu’il est impossible de maîtriser. Lorsqu’on le contrarie, il n’a qu’un mot sur les lèvres : “Cela ne vous convient pas : je m’en vais” ». Sur sa proposition, la manufacture de Sèvres est rattachée à la couronne en 1759, et la Société d’agriculture de la généralité de Paris est fondée en 1761. Quand il quitte les finances, un cinquième secrétariat d’État est créé pour lui, le petit ministère ; chargé de la Compagnie des Indes, des manufactures et mines, du commerce, de la navigation maritime et des archives, il est surnommé la cinquième roue du Conseil. C’est à ce titre qu’il crée, avec Bourgelat qu’il a connu à Lyon, l’école vétérinaire de Lyon (arrêt du Conseil du roi du 4 août 1761), la première du monde, et en 1766 celle d’Alfort. Il encourage de même les écoles d’agriculture d’Annel, ouverte en 1771 près de Compiègne, et d’horticulture de Melun, sous la houlette de Moreau de La Rochette. Physiocrate, passionné d’agriculture, partisan de la libre circulation des bestiaux (édit du 27 avril 1763) et des grains (édit du 25 mai 1763), il favorise la mise en valeur de nouvelles terres (édit du 1er juin 1762 exonérant de droits les défricheurs pendant 27 ans dans les landes de Bordeaux ; édit du 28 septembre 1768 pour le Dauphiné), et la culture du sainfoin et de la garance de Smyrne. Il crée le cadastre en 1763 pour un meilleur recouvrement de l’impôt foncier. Il fait paraître en 1766 une Instruction sur la destruction des loups, et en 1767 sur celle des mulots ; en 1770, un Procédé de vinification ; en 1764 et 1771 une Instruction sur l’influence fâcheuse que l’ergot du seigle peut exercer sur l’économie humaine. Sur sa proposition, Turgot accorde une pension de 12 000 livres à Poivre*, revenu des îles sans fortune en 1770. Il fait faire des copies des chartes de la Bibliothèque royale et crée le Dépôt général des chartes. À la demande du père Joseph Marie Amiot, il obtient, sur la cassette personnelle du roi, le financement du travail des jésuites à Pékin, après que l’ordre a été interdit. C’est à ses frais que sont fondus les caractères pour l’impression du Dictionnaire tatar-mantchou-français, chez Didot en 1789. En 1774, il assure pendant un mois l’intérim entre le duc d’Aiguillon et Vergennes au ministère des Affaires étrangères. Il fait imprimer en 1778 le mémoire de Parmentier Sur les moyens de prévenir les disettes, et fait créer par le roi l’École de boulangerie, rue de la Grande-Truanderie. En 1778, l’un de ses premiers commis, auquel il avait confié l’intendance de la manufacture de Sèvres est interné à Charenton pour malversations ; un autre est soupçonné en 1779 de détournements dans la gestion de la cassette du roi défunt. La rumeur accuse Bertin d’avoir utilisé ces fonds pour embellir son château de Chatou et entretenir sa maîtresse, la vicomtesse de Noë, Marguerite-Elisabeth-Flavie de Cohorn de La Palun. Il démissionne le 26 mai 1780 et se retire à Chatou, en Yvelines, dont il était seigneur depuis 1762, où il fait des expériences agricoles. Il n’abandonne la responsabilité de la cassette du roi que le 16 février 1781. Il conserve la direction de la correspondance littéraire avec Pékin, et supervise jusqu’en 1789 la rédaction des Mémoires concernant les Chinois. À l’été 1791, il vend sa propriété de Chatou, donne Bourdeilles à l’un de ses neveux, et émigre à Aix-la-Chapelle.
Le 28 mai 1754, Charles Borde*, directeur, adresse à Bertin, nouvel intendant de Lyon, les compliments de l’Académie des sciences et belles-lettres : « Vous étiez nommé dans les cœurs longtemps avant que de l’être par la cour ». Bertin fait une réponse bienveillante et laconique. Il manifeste son désir d’appartenir tant à l’Académie des sciences et belles- lettres qu’à la Société royale. Dans la première, il est élu académicien honoraire le 27 mai 1755 ; il prend séance et remercie le 3 juin. Le 9 décembre, il exprime le vœu de devenir académicien ordinaire ; il est élu le 16 décembre. Le 13 janvier 1756, Pernetti, directeur, fait l’éloge de Bertin, nouveau membre. Le 22 novembre 1757, Bertin, nommé lieutenant général de police de Paris, demande une place d’académicien honoraire. Dans la seconde, à la séance du 23 mai 1755, Deville* indique le souhait de Bertin ; le 30 mai, on décide qu’il remplira la première place vacante ; le 6 juin, il remercie d’avoir été élu académicien ordinaire. Le 18 novembre 1757, il demande à passer membre associé et envoie « des graines de plantes curieuses qui se trouvent dans le Roussillon » ; demande acceptée le 25 novembre 1757. Après la réunion des deux académies, il figure sur la liste des académiciens vétérans de l’Académie des sciences, belles-lettres et arts de Lyon. En 1774-1776, l’Académie sollicite ses bons offices dans la recherche d’un emplacement pour accueillir les livres légués par Adamoli. Il s’exécute volontiers et adresse une lettre à Bellecize, prévôt des marchands de Lyon. Il agrée la proposition de réunir ces ouvrages avec ceux de la Bibliothèque de la ville… à condition d’en convenir ainsi avec l’Académie ! Il n’y a pas d’autre trace de son activité académique à Lyon. Il aurait fait don à l’Académie « d’un herbier contenant les plantes des Pyrénées, que Barère avait préparé après avoir obtenu, en 1725, une chaire de botanique à Perpignan, sa ville natale » (Heuzé). Bertin fut par ailleurs membre honoraire de l’Académie royale des sciences le 28 novembre 1761, vice-président en 1763 et 1769, président en 1764 et 1770, honoraire lors de la réorganisation du 23 avril 1785, et membre de l’Académie des inscriptions et belles-lettres le 5 avril 1772.
Gazette de France. – Prévost, DBF. – Gustave Heuzé, « Éloge de Bertin », in Mém. Soc. centrale Agric. France 127, 1888, p. 207. – Georges Bussière, « Henri Bertin et sa famille », Bull. Soc. Hist. Archéol. Périgord 31, 32, 36, 1905-1909. – G. Caire, « Bertin, ministre physiocrate », Rev. Hist. Économ. Sociale 3, 1960. – Claude Joseph Blondel, « Henri Bertin, ministre de deux rois, rénovateur de l’agriculture française », Rev. Acad. Agric. Sci., Belles-Lettres Arts Orléans 2, novembre 2002. – Dieter Gembicki, Histoire et politique à la fin de l’Ancien Régime, Jacob-Nicolas Moreau (1717-1803), Paris : Nizet, 1979. – Françoise Bayard, Joël Félix et Philippe Hamon, Dict. des surintendants et contrôleurs généraux des finances, Paris : Impr. Nation., 2000.
Son portrait par Alexander Roslin (1768) a été gravé par Louis Jacques Cathelin. Morin-Pons note à son propos : « L’Académie de Lyon eut particulièrement à se louer des bons offices de Bertin qui contribua à lui obtenir la jouissance dans l’hôtel de Ville de diverses salles appropriées à ses séances et destinées à recevoir la bibliothèque Adamoli devenue publique à certains jours. En 1789, la Compagnie fit placer son buste donné par l’abbé Perrichon, dans une des pièces contiguës à la bibliothèque, avec ces mots : H.-L.-J.-B. Bertin, ministre d’État, membre et bienfaiteur de l’Académie. » (Morin-Pons, p. 92).
Afin de remercier Bertin qui avait usé de son influence pour obtenir l’aide financière de Louis XV, pour la construction des deux bâtiments de la nouvelle manécanterie, les chanoines comtes de Lyon firent frapper une médaille à son effigie commémorant la pose de la première pierre de l’un des bâtiments (27 octobre 1768) par l’abbé de Jouffroy d’Uzelles, au nom de Bertin. Le Chapitre en confia l’exécution à Charles-Norbert Roettiers, auteur de la médaille à l’effigie de Louis XV distribuée la veille pour le premier bâtiment. Connue en bronze, la médaille présente le buste de Bertin portant les insignes de l’ordre du Saint-Esprit (Morin-Pons, p. 86-92 et pl. XII). Comme intendant, il bénéficia de distribution de jetons à ses armes (écartelé au 1er d’azur à l’épée haute d’argent garnie d’or ; aux 2e et 3e d’or au plant de trois roses de gueules sur un tertre de sinople, au chef d’azur chargé de trois étoiles d’or ; au 4e d’azur au lion d’or) offerts par la Ville (Tricou 1947, p.44-45, pl. II).
Lettres de Versailles des 22 janvier 1776 et 18 janvier 1778 (Ac.Ms268-III f°148 et 211). Selon le Dictionnaire des surintendants, « la Bibliothèque nationale détient un volume des lettres de Bertin avec divers correspondants dont la marquise de Pompadour (Nouv. Acq. Fr. 6498), ainsi que plusieurs notes manuscrites dans la collection Moreau. Sa correspondance ministérielle est dispersée dans les séries H et F12 des Archives nationales. La Bibliothèque de l’Institut conserve enfin douze volumes de sa correspondance avec les deux pères chinois de Pékin ».