Dictionnaire historique des académiciens de Lyon

Préface
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La recherche est faite par sous chaîne, insensible à la casse et aux accents.

Aubert Pierre (1642-1733)

par Dominique Saint-Pierre.

 1642, fils de Jean Aubert, greffier en chef de la sénéchaussée et siège présidial de Lyon, et de Marie de Billy, et petit-fils d’André Aubert, notaire à Saint-Julien-Molin-Molette (Loire). Il s’était distingué, dit-on, en écrivant un roman, Retour de l’île d’amour, à l’âge de 16 ans, après avoir lu par hasard un roman intitulé : Le Voyage de l’île d’amour. Son père l’aurait fait imprimer à son insu. Tout d’abord avocat consultant, car il n’aurait pu plaider en raison de ses infirmités (Balteau), docteur en droit, il devient juge du tribunal de la Conservation (cité en 1699 et 1703), puis procureur du roi pour la Conservation des privilèges des Foires de Lyon et procureur du roi en la juridiction de police de Lyon. Échevin de la ville en 1700, il reste sur la liste des avocats à la Cour des monnaies, Sénéchaussée et siège présidial, dont il est doyen, qui joue alors le rôle de bâtonnier, de 1724 à sa mort. Il a joué aussi le rôle de censeur pour l’imprimerie lyonnaise (voir par exemple son approbation du Supplément du Dictionnaire oeconomique de Chomel en 1712). « Il faut avouer que M. Aubert était né avec le talent de la parole ; on trouverait, à la vérité, bien des choses à corriger si l’on voyait par écrit les discours qu’il prononçait. Mais la manière de débiter sauve tout cela ; l’inflexion de la voix, le ton, un moment de silence forment souvent la suite et la liaison d’un discours et en cachent les défauts. » (Dugas*, 29 avril 1722) [contradiction avec les infirmités dont parle Balteau ?]. Il meurt à Lyon, paroisse Saint-Pierre-le-Vieux, le 19 février 1733 sur les huit heures du soir (lire les circonstances de sa mort dans la lettre qu’écrit Dugas le même jour à Bottu de Saint Fonds*). Il est inhumé le 20 par « Bure doyen et comte de Lyon dans la cave de monsieur Bouilloud de son consentement ».

 Le 22 mai 1731, il avait passé avec le consulat un accord aux termes duquel il léguait à la ville sa bibliothèque de 6 200 volumes, estimée entre 30 000 et 40 000 livres, en échange d’une rente viagère annuelle de 2 000 livres (il ne reçut que deux annuités). La ville prend conseil auprès de Claude Gros de Boze, secrétaire perpétuel de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, qui donne un Mémoire sur l’établissement, la conservation et l’accroissement d’une bibliothèque publique, et en particulier pour la ville de Lyon. Est ainsi fondée une bibliothèque à l’hôtel de Fléchères, ouverte au public le 1er décembre 1733. Le premier bibliothécaire est Claude Brossette* qui, dès le 22 décembre, verse les volumes de sa propre bibliothèque, contre une rente viagère.

 Comme échevin, il bénéficia de la distribution de jetons (en argent et en cuivre) aux armes du Prévôt (Louis Dugas) et des quatre échevins (pour Aubert : d’azur au chevron d’or, au chef du même) datés de 1699 (Tricou 1955, n° 99, p. 49 et pl. IV ; Morin-Pons, p. 68 et pl. IX).


Académie et manuscrits

Aubert ne fait pas partie des sept fondateurs de l’Académie, mais il en est dès 1705 le 16e membre (Bollioud-Mermet le note par erreur dès 1700, Ac.Ms271). D’une très grande activité, il en est directeur [président] en 1714, puis en 1720, 1721 et 1726. Comme il est goutteux (voir Nouvelles Littéraires 9, 1719, p. 135), les réunions du lundi se passent parfois à son domicile (plutôt que chez Dugas ou au Palais du Gouvernement) et l’archevêque y assiste (30 avril 1714, 8 et 15 mars 1717, 29 août 1718, 27 novembre 1724).

Il présente : Dissertation sur la fonction de dapifer qui est un office établi dans le Chapitre de l’Église Cathédrale de Saint-Jean de Lyon (16 avril 1714). – Dissertation sur les prosélytes des Hébreux (16 avril 1714). – De l’abolition des Romains (30 avril 1714). – Sur les superstitions des Romains au sujet de la foudre (30 juillet 1714). – Examen de l’ode 4 du livre 1er d’Horace : Acris hiems soluitur (3 août 1714). – Dissertation De Litteris Canonicis seu formatis (1714). – Nouvelle explication du mot sub ascia (5 janvier 1715). – Sur les vestales (3 juin 1715). – Dissertation sur les pleureuses à gages de l’antiquité, lue à la séance du 16 mars 1716 (Nouveau Recueil de pieces fugitives d’Histoire, de Littérature, 1717, p. 99-109 ; abrégé dans Nouvelles littéraires de la Haye 3, p. 324). Le 20 avril 1716, il lit une « lettre en forme de dissertation écrite par l’abbé Tavernet, grand vicaire de la Gironde, sur l’origine des pairs et sur leur dignité », puis une « dissertation, non achevée, sur les anciennes lettres que s’écrivaient les évêques les uns aux autres » (Nouvelles littéraires de La Haye 4, p. 55-56). – Examen de deux questions de Plutarque : Pourquoi les Romains présentaient-ils de l’eau et du feu aux nouvelles mariées. Pourquoi on allumait cinq flambeaux dans la solennité des noces (15 février 1717). – Sur la 1re épigramme de Martial, Liv. 6 (14 avril 1717). – Observations critiques sur le prologue de l’Amphitryon de Plaute (13 juin 1718). – Dissertation sur les Jeux scéniques (29 août 1718). – Discours contenant des réflexions sur les ouvrages historiques de Tacite (2 décembre 1718). – Sur la superstition des Romains à l’égard des personnes frappées par la foudre (22 août 1719). – Il n’approuve pas que l’Académie « soit ouverte à tous les étrangers qui passeront en cette ville » (Dugas, 28 avril 1719). – Il lit un discours contenant l’explication de ces mots du Digeste : Tesseras frumentarias (20 janvier 1720). – un Discours contenant des observations sur le passage d’Horace « Sunt quibus unum opus est intactae Palladis urbem Carmine perpetuo celebrare » (13 mai 1720 ; Ac.Ms126 f°102-103). – Le 26 août 1720, il se rend à pied avec l’archevêque et les autres académiciens au Petit collège, invités par les jésuites pour assister aux thèses soutenues par les écoliers. – Juin 1722 : « M. Aubert a entretenu aujourd’hui l’assemblée sur la question, si les anciens se servaient d’étriers à cheval. Le croiriez-vous ? Ce sujet m’a paru curieux et intéressant et la dissertation était pleine de traits agréables » (Dugas à Saint Fonds, 1722 [et non 1732 comme le dit la Bibliothèque française]).

Il est présent à la première séance publique de l’Académie à l’archevêché le mardi 12 décembre 1724. Le 13 août 1726, il propose que les dissertations lues à l’Académie soient imprimées, délibération qui n’eut aucune suite. Ses ultimes tributs sont : Sur la charge ou l’office de dapifer (14 janvier 1727). – Réflexions sur l’Électre de Sophocle (1er juin 1728). – Sur la crainte attribuée à Énée, Virgile justifié, séance publique du 8 mars 1729, réception de M. Aulas (Ac.Ms126 f°104-106, publié dans Continuation des mémoires de littérature et d’histoire 10, p. 295-303). – Sur les picquenics (28 février 1730). – Observations critiques sur le poème de Malherbe « Les larmes de Saint-Pierre » (13 juin 1730). – Sur le nœud et le dénouement des pièces de théâtre (20 juin 1730). – Quelques réflexions pour justifier Énée, le héros de Virgile, du reproche qu’on lui a fait de pusillanimité (10 avril 1731). – Dissertation sur l’usage des étriers : « M. Aubert lut cette pièce à l’Académie de Lyon le mardi 17 juin 1732. Il était alors dans sa 92e année » (Bibl. française 18, 1733, p. 316-319).

Bibliographie

Dumas. – Pernetti. – J. Balteau, DBF. – Dugas et Saint Fonds, passim. – A. Dubreuil, Les anciens bâtonniers de l’ordre des avocats de Lyon, p. 20, Lyon : Rey, 1914. – Yann Sordet, « L’amour des livres au siècle des lumières, Pierre Adamoli et ses collections », Mém. Docum. École Chartes 60, 2001, p. 58. – L. B. D., « Lettre à M. de la R. contenant quelques particularités sur la personne et la vie de M. Aubert, doyen des avocats de Lyon », Mercure de France, mai 1733, p. 935-943.

Publications

Recueil de factums sur divers points de droit civil, de coutumes et de discipline ecclésiastique, Lyon : Anisson et Posuel, 1710, 2 vol., puis en 1728. – Dictionnaire de la langue française, ancienne et moderne, de Pierre Richelet, augmentée de plusieurs additions d’histoire, de grammaire, de critique, de jurisprudence, et d’un nouvel abrégé de la vie des auteurs cités dans tout l’ouvrage, Lyon : Bruyset frères, Paris : J. Estienne; 1728, 4 vol. (« Des personnes habiles paraissent faire beaucoup de cas des additions qui sont en grand nombre dans le corps du Dictionnaire : on en est redevable à M. Aubert », Suite de la Clef, mars 1729, p. 160 ; une lettre de Saint Fonds du 23 février 1722 montre que ce dictionnaire occupait déjà Aubert et certains de ses confrères). Il a aussi donné des « dissertations dans les mémoires et journaux du temps » (voir ci-dessus).