Pierre Jacques Victor Marie Villard est né à Lyon 2e, 43 rue Grenette, le 1er juin 1857, fils de Jean Jacques Philippe dit Joannès Villard (Lyon, 10 mars 1819-4 novembre 1891), marchand bonnetier, juge au tribunal de commerce de Lyon, et de Marie Anne Balmont (Lyon, 11 décembre 1826-1896), dont le père était tireur d’or. Son grand-père, Pierre Joseph Philippe Vilar (1784-1845), né 6 mai 1784 à Err en Cerdagne (Pyrénées Orientales), qui s’était installé comme marchand bonnetier à Lyon où il est mort le 24 mai 1845, avait francisé son nom catalan en Villard. Pierre est le frère d’Émilie Jeanne Marie Villard (1852-1929, épouse René Ribollet) et de Marie (1858-1932, épouse de Jean Louis Maurice Piaton (1853-1917) ; il épouse à Lyon 2e le 4 janvier 1885 la sœur de celui-ci, Marie Louise Antoinette Piaton, née à Lyon 2e le 19 mai 1865, décédée le 26 février 1893, petite-fille d’Antoine François Michel* (Villard est par alliance l’oncle de Louis Tavernier*, l’arrière-grand-oncle de Marguerite Yon-Calvet* et, deux fois, de Bruno Permezel*). Sans enfant.
Atteint d’un cancer du pancréas (voir Journal d’Auguste Isaac 16 avril 1930 : Isaac 2002), il est décédé à Lyon le 21 juillet 1930 à son domicile. Il est inhumé à Loyasse (allée 10, 4e section) dans la tombe Balmont-Villard [inscription en bas de la stèle : « FAMILLE BALMONT », famille de sa mère, concession du 4 septembre 1863 ; sur la stèle, le nom de Pierre Villard se trouve dans la colonne de droite].
Après des études secondaires classiques au lycée [Ampère] de Lyon, « où il fut un brillant élève » (Gouilloud 1930), accumulant en particulier des prix d’histoire et de géographie, il obtient en 1874 le 1er prix d’histoire au Concours Général des Lycées de France ; en 1875 il a le prix d’honneur de philosophie au lycée de Lyon. Ses études supérieures le mènent à une licence de lettres et à un doctorat en droit. À 20 ans, lui est décerné un prix de droit civil ; une médaille en argent (conservée dans les archives familiales) porte d’un côté, dans une couronne de laurier, l’inscription : « 2me ANNÉE / DROIT CIVIL / 1877 / MR VILLARD / PIERRE JACQUES VICTOR MARIE / NÉ LE 1er JUIN 1857 / À LYON RHÔNE », autour de la couronne : « ORDONNANCE DU XVII MARS MDCCCXL : MINISTÈRE DE L’INSTRUCTION PUBLIQUE » ; au revers une femme assise de face (allégorie de la faculté), appuyée sur des livres de droit, entourée de l’inscription « UNIVERSITÉ DE France » ; sous ses pieds : « FACULTÉ DE DROIT / DE LYON » ; en très petits caractères à gauche : « FAROCHON » [le sculpteur médailleur parisien Eugène Jean-Baptiste Farochon, 1812-1871], à droite « FACIEBAT » ; sur le dos des livres les titres : « PANDECTES, INSTITUTES, [MONTES?]QUIEU, CUJAS, CHARTES, CODE CIVIL… ». En 1885 il obtient son doctorat en droit grâce à une « thèse remarquée » (Gouilloud 1931, p. 320) sur Les Attributions et la responsabilité des administrateurs dans les sociétés anonymes, publiée en 1885.
Quelque temps avocat à la cour d’appel de Lyon, il se retire très vite pour se consacrer à ses voyages et à ses recherches, comme sa fortune personnelle le lui permet. Domicilié d’abord 49 rue de la République avec ses parents, puis 2 rue Sala, puis 29 quai Tilsitt, il s’installe définitivement au bord de la Saône : 6 quai d’Occident [act. quai Maréchal-Joffre] à Lyon 2e. En 1885, ses parents lui font dans son contrat de mariage donation de l’immeuble situé 5 rue des Remparts-d’Ainay, Lyon 2e. À la mort de sa mère en 1896, il hérite, en indivision avec la sœur (célibataire) de sa mère, de la « propriété rurale et d’agrément » le Château d’eau – « Le Vernay » pour la famille – à Caluire (Rhône), au 70 [aujourd’hui 154] quai Clemenceau ; c’est une belle maison du xviiie siècle aux jardins en terrasses (devenue « La Séréna », résidence en copropriété depuis 1986 ; cf. Lavigne-Louis 2010, p. 42-56). Il loue aussi un appartement 4 rue Chalgrin à Paris 16e. Membre actif de beaucoup de sociétés dont il fut administrateur ou président, il les soutient généreusement par des dons financiers réguliers, ainsi que toutes les œuvres charitables qui s’adressaient à lui (e.g. sociétés de lutte contre le cancer, en mémoire de son père décédé d’un cancer du larynx). Dans son testament daté du 13 juillet 1930, parmi d’autres bénéficiaires, il lègue 20 000 francs à l’académie de Lyon (sans lier ce legs à un prix qui pérenniserait son nom, comme le souligne P. Gouilloud, 1931, p. 324).
Homme de culture, érudit et nourri de lectures assidues, il pratiquait plusieurs langues étrangères, en particulier anglais et allemand. L’inventaire de sa bibliothèque établi à sa mort par Claudius Roux*, notaire général de l’Académie qui en a été chargé, fait état d’ « environ 18 000 volumes » [NB. Cl. Roux ne peut préciser, ayant égaré ses meubles, ses livres et ses dossiers dans la catastrophe de la rue Tramassac, lors de l’éboulement de la colline de Fourvière le 13 novembre 1930]. Homme de conviction, Pierre Villard était passionné par les idées sociales et le sort des ouvriers, se montrant parfois en rupture avec les opinions habituelles de son entourage : « mes idées […], qui s’éloignent parfois de l’orthodoxie classique » (écrit-il par euphémisme dans un rapport à la Société d’économie politique…, séance du 1er déc. 1905), et il était clairement dreyfusard. Il est lié au monde politique et économiste de son temps, comme on le voit par exemple à travers le Journal de son ami Auguste Isaac* (Isaac 2002), député du Rhône 1919-1924, qui fut ministre du Commerce et de l’Industrie en 1920-1921. Les travaux de Pierre Villard sont d’un sociologue et d’un économiste, s’intéressant aux questions relatives au monde du travail, et à tout ce qui touche aux problèmes sociaux. Il est pour son temps un grand voyageur. Son intérêt pour les civilisations étrangères et la géographie l’emmène en Espagne, Grèce, Hollande, Autriche, Norvège, et il visite également les Indes, la Palestine, l’Égypte… ; des séjours en Allemagne, Angleterre, États-Unis lui permettent de multiplier ses enquêtes sur l’économie et les sociétés. Il en tire une réflexion riche et raisonnée sur l’histoire sociale contemporaine, dans tous les pays sur lesquels il a porté son observation, et ceci en « Bourgeois libéral […], sans parti-pris […, faisant] le partage si difficile entre l’utopie et la réforme raisonnable » (Journal d’Auguste Isaac). Au cours des années, il a présenté régulièrement les résultats de ses enquêtes et de ses réflexions à la Société d’Économie politique et d’Économie sociale de Lyon, restant en phase avec l’évolution internationale qui marque la fin du xixe et le début du xxe siècle : 1884, étude sur la loi des Syndicats professionnels qui venait d’être votée ; 1893, les Expériences communistes aux États-Unis ; 1894, le Programme du Parti socialiste en Allemagne ; 1895, L’idéal collectiviste ; 1898, La Crise agraire en Angleterre ; 1899, l’Histoire de l’industrie lyonnaise à la fin du xviiie siècle ; 1903, Les retraites ouvrières en Allemagne ; 1905, Le socialisme en Nouvelle-Zélande… Il s’est appliqué à étudier les origines du socialisme, à travers les communautés des saint-simoniens en France, les théories « communistes » du grand industriel anglais Robert Owen, ou les expériences américaines (dans l’Indiana ou dans l’Iowa)... Après la guerre, lors de son discours de réception à l’académie de Lyon, il décrit l’ « Expérience communiste de la Révolution russe » de mars 1917, conforté dans son opposition au marxisme, qui apparaîtra bien dans son dernier article en 1928 sur Le dixième anniversaire du communisme russe.
« Pacifiste intellectuel », selon la formule employée en 1912 par Auguste Isaac * (2002, p. 199), Pierre Villard s’investit activement dans l’Association de la Paix par le Droit, fondée à Nîmes en 1887 et dont « le pacifisme s’inspire d’idées juridiques, internationalistes, voire positivistes », et il en devient le président à Lyon. Cette attitude se renforce après la guerre. Dès 1918, il apporte son concours à Léon Bourgeois et Paul Appell pour soutenir la nouvelle Société des Nations, et devient président de la section lyonnaise de l’Association française pour la Société des Nations qui, à son invitation, tient à Lyon son assemblée générale de 1924 ; comme le note encore Auguste Isaac* (2002), « nous n’étions pas d’accord sur l’efficacité de la Société des nations, qui me laissait très sceptique : […] pour lui elle représentait la fin de la guerre qu’il avait en horreur, comme il avait horreur de toute souffrance […]. Pour lui toute guerre était un crime… ». Il fut aussi président de la section lyonnaise de l’Association des Relations Extérieures. La note que lui consacre Joseph Buche* dans le compte rendu de la séance académique de rentrée à l’automne 1930 parle de lui en ces termes : « Notre académie […] conservera le souvenir de ce délicat lettré, de ce grand économiste, de cet apôtre de la paix, de cet homme de cœur qui l’honorait ».
Il est élu à l’Académie de Lyon le 1er juin 1915, sur rapport d’Auguste Isaac*, dans la section de philosophie et d’économie politique, au fauteuil 7, section 1 Lettres, en remplacement de Jean Perrin* ; la rupture de la guerre reporte à 1918 son entrée officielle. Son discours de réception, le 23 avril 1918, colle à l’actualité : Les expériences communistes et la Révolution russe (MEM 16, 1919). Autres interventions : 11 avril 1916, Le pangermanisme et le général de Bernhardi ; 13 mars 1917, Compte rendu du journal hebdomadaire illustré publié en Allemagne par le professeur Edouard Engel pendant les premiers mois de la guerre ; 11 juillet 1917, Sur un manuel scolaire d’histoire publié en Allemagne ; 15 février 1921, Sur un voyage en Russie bolchevique ; 28 mars 1922, Étude d’une lettre de Rathenau au Kaiser ; 30 janvier 1923, Étude sur les mémoires de Guillaume II.
Son éloge funèbre est prononcé par le docteur Gouilloud, président, à la séance du 4 novembre 1930. Son testament comporte un legs (20 000 francs) à l’académie de Lyon.
Il participait activement à de nombreuses sociétés, dont il fut administrateur ou président : administrateur de l’hôpital auxiliaire Saint-Louis (pendant la guerre) ; membre de la Société d’économie politique et d’économie sociale de Lyon, président 1906-1912 ; membre de la Société de géographie de Lyon depuis 1889, président de 1912 à 1920 ; membre de la Société d’anthropologie de Lyon depuis 1890 ; président de l’Association française de la Paix par le Droit ; président de la section lyonnaise de l’Association française pour la Société des Nations depuis 1920 ; vice-président de l’Association des Relations extérieures, membre de l’Association des Amis de l’Université, président de 1920 à 1930 ; membre du Conseil de l’université de Lyon.
Chevalier de la Légion d’honneur en 1928 (LH/2716/43).
Nombreuses notices nécrologiques dans la presse et les revues spécialisées. Citons : André Allix, « Nécrologie : Pierre Villard », Les études rhodaniennes 6, 1930, n° 6/3, p. 340. – Docteur [Paul] Gouilloud, « Éloge funèbre de Pierre Villard », MEM 20, 1931, p. 319-326. – Auguste Isaac, Journal d’un notable lyonnais 1906-1933, textes choisis et annotés par Hervé Joly, Lyon : BGA Permezel, 2002. – M. Lavigne-Louis, Châtelains et vie de château autour de Lyon (1840-1940), Lyon : BGA Permezel, 2010. – Archives familiales Permezel.
Histoire des relations politiques de la France et de la Maison d’Autriche depuis 1740 jusqu’en 1780, Concours général de 1874 classe de rhétorique, 1er prix d’histoire obtenu par Pierre Villard, Lyon : Vingtrinier, 1874, 20 p. – De Impensis in res dotales factis. Théorie des récompenses sous le régime de la communauté légale, thèse latine pour la licence en droit, Lyon : Mougin-Rusand, 1879, 121 p. – Droit romain : De la confiscation à Athènes et à Rome. Droit français : Des attributions et de la responsabilité des administrateurs dans les sociétés anonymes, thèse pour le doctorat, Paris : F. Pichon, 1884. – Les Attributions et la responsabilité des administrateurs dans les sociétés anonymes, thèse université de Lyon, Paris : librairie Cotillon, 1885. – Les expériences communistes aux États-Unis, Lyon : Bonnaviat, 1893, 34 p. – Eugène Richter, Où mène le socialisme. Journal d’un ouvrier, traduction de l’allemand par P. Villard, Paris : libr. H. Le Soudier, 1894, 82 p. – La situation économique du monde en 1906, Lyon : Bonnaviat, 1906, 41 p. – La grève des chemins de fer et le syndicalisme, Lyon : Bonnaviat, 1910, 36 p. – Le pangermanisme, Lyon : Bonnaviat, 1916, 36 p. – « Les expériences communistes et la Révolution russe », Discours de réception à l’académie le 23 avril 1918, MEM 16, 1919, p. 338-362. – Communisme, bien-être et liberté, 2e éd., Lyon : imprimerie Rey, 1919. – Le dixième anniversaire du communisme russe, Lyon : Bonnaviat, 1928, 22 p. – Nombreux rapports publiés par la Société d’Économie politique et d’Économie sociale de Lyon de 1884 à 1905.