Jean Joseph Augustin Ernest Faivre est né le 16 mars 1827 à Pontailler-sur-Seine (Côte-d’Or), fils de Jean Auguste Hilaire Faivre (1798-1872), notaire (ultérieurement maire de Pontailler et chevalier de la Légion d’honneur), et de Catherine Ernestine Dumont. Il est marié à Grenoble le 24 septembre 1861 à Louise Ursule Devallée, fille de Jacques Eugène Devallée (1792-1871), ancien proviseur, maire de Saint-Nazaire (Isère), et de Marie Joséphine Teynard. Le couple aura au moins quatre enfants : Paul Eugène Ernest Augustin, né à Grenoble le 6 juillet 1862, docteur en médecine (Paris 1890), qui se spécialise dans l’hygiène publique et publie plusieurs ouvrages consacrés à l’hygiène et aux mesures prophylactiques ; Abel Marie Augustin, (Lyon 3e 13 juin 1865-14 juillet 1865) ; Jules Abel Augustin (Lyon 3e 30 mars 1867-Nice 13 août 1945), peintre et caricaturiste, célèbre pour ses caricatures et ses affiches patriotiques pendant la guerre de 1914 ; Jean Joseph Augustin (né à Lyon 6e le 13 janvier 1869), représentant à Lyon de la société des auteurs et compositeurs dramatiques. Après des études au lycée de Dijon, Ernest Faivre poursuit à partir de 1845 des études supérieures à Paris. Il satisfait aux volontés paternelles en poursuivant des études de droit, mais ce sont les sciences naturelles et la médecine qui l’attirent ; en 1846 il passe son baccalauréat ès-sciences, et mène de front études juridiques et scientifiques : licencié en droit en janvier 1849, licencié ès sciences naturelles en 1850, il est reçu docteur en médecine en 1853. C’est au laboratoire de Flourens, au Muséum, qu’il entreprend des recherches sur le système nerveux des Invertébrés. En 1856, il soutient une thèse de doctorat ès sciences intitulée : Étude sur l’histologie comparée du système nerveux chez quelques Annélides. Il va bientôt associer aux observations histologiques des expériences qui lui permettent de mettre en évidence le contrôle nerveux de diverses fonctions physiologiques chez les Insectes, notamment chez le Dytique (alors orthographié Dytisque).
Au cours de ce séjour parisien, Faivre se fait remarquer en 1849 pour son dévouement lors d’une épidémie de choléra, qui lui vaut une médaille d’or. Il figure parmi les premiers membres de la Société de biologie, fondée en 1848 et animée par Rayer, Robin, Claude Bernard, entre autres; il en assure le secrétariat. Il participe à la fondation d’une association de jeunes gens préoccupés de questions philosophiques et religieuses, « la Famille O’Connel », ainsi nommée en hommage au héros national irlandais disparu en 1847 ; il y côtoie le philosophe spiritualiste Ernest Hello, l’historien Henri Lasserre. Pendant cette période, il donne des cours à l’école des Carmes et devient professeur au collège Stanislas, ce qui lui permet de rencontrer le P. Gratry, directeur honoraire du Collège, avec lequel il se lie d’amitié ; lorsque Gratry rencontre au cours de ses recherches philosophiques des problèmes d’ordre scientifique, Faivre lui vient en aide, et il l’accompagne en 1854 dans un voyage en Allemagne, au cours duquel il s’intéresse à Goethe, dont il traduira les œuvres scientifiques. Il est profondément marqué par les idées de Gratry ; il restera en relations épistolaires suivies avec lui, et il sera très affligé par sa mort en 1872.
Faivre est pressenti en novembre 1857 pour occuper une chaire de minéralogie et géologie à la faculté des sciences de Lille ; au mois de mai 1858, en qualité de professeur suppléant de sciences naturelles à cette faculté, il est chargé de remplacer temporairement le titulaire de la chaire, qui est à cette époque Henri de Lacaze-Duthiers, et de donner un enseignement de botanique, lequel est apprécié par les auditeurs. Faivre poursuit à Lille ses recherches histologiques ; les séances d’observations prolongées au microscope provoquent la perte d’un œil, mais cette disgrâce ne freine pas son ardeur pour la recherche. À la fin de la même année, il est transféré à Lyon dans la chaire de botanique devenue vacante par suite du décès de Seringe*, auquel il succède également le 12 janvier 1859 à la direction scientifique du jardin botanique municipal, en qualité de conservateur. Ce changement d’orientation n’est pas rare à l’époque, mais ne va pas sans provoquer des difficultés de toutes sortes. Faivre essaye de s’acquitter avec conscience de ses tâches, mais il se trouve placé au jardin botanique sous les ordres de l’ingénieur de la voirie, à égalité avec un jardinier chef incompétent, et la désorganisation qui en résulte vaudra à Faivre des commentaires virulents de la part d’un de ses collègues de la faculté, qui lui reproche sa négligence et son incompétence en matière de taxinomie botanique. Il est professeur titulaire en 1860. Tout en effectuant des recherches de laboratoire sur divers points de physiologie végétale, mais aussi animale (il poursuit ses recherches sur la physiologie des Insectes), Faivre s’intéresse aux grandes questions scientifiques débattues de son temps, telles que la génération spontanée, la variabilité, et il en fait l’objet de plusieurs communications à l’Académie.
En 1862, Faivre, qui nourrissait peut-être l’espoir de revenir à Paris dans un emploi plus conforme à ses aptitudes, accepte la suppléance de Flourens au Collège de France pendant un semestre ; il donne un cours sur la variabilité des espèces chez les êtres vivants, et, tout en admettant la variabilité relative des espèces, récuse l’explication transformiste proposée par Darwin, qui, selon lui, n’est pas étayée par des données expérimentales ; toutefois, il tient Darwin pour un savant sérieux, contrairement à nombre des naturalistes français de cette époque, ce qui lui attire l’estime de Darwin, lequel citera par la suite plusieurs observations de Faivre. Après avoir été résumé dans une communication présentée en décembre 1863 à l’Académie de Lyon, ce travail relatif à la variabilité est repris en 1868 dans un ouvrage plus développé qui lui vaut des félicitations de Claude Bernard lorsque ce dernier en remet, de la part de l’auteur, un exemplaire à l’Académie des sciences, le 11 mai 1868. À l’issue de sa suppléance, Faivre reprend le chemin de Lyon. Il devient doyen de la Faculté des sciences en 1869 en remplacement de Jourdan*. Il accueille plusieurs jeunes chercheurs dans son laboratoire.
Ernest Faivre meurt dans l’accomplissement de ses fonctions ; alors qu’il se dispose à prendre le funiculaire de la rue Terme pour aller diriger une herborisation publique en Dombes, il est violemment heurté par une voiture ; son décès, consécutif à une fracture du crâne, survient deux jours plus tard, le 24 juin 1879, à son domicile, 22 rue Constantine Lyon 1er. Il est chevalier de la Légion d’honneur (15 août 1867, LH/926/48).
Élu le 6 décembre 1859 au fauteuil 9, section 2 Sciences, sur un rapport de Félix Lecoq* du 29 novembre, il succède à Victor Thiollière*. Il est nommé secrétaire de la classe des sciences en 1861, fonction qu’il conserve jusqu’à son élection à la présidence pour l’année 1878. Il présente à l’Académie plusieurs communications, dont certaines rapportent des recherches originales : La question des générations spontanées, MEM S 10, 1860 (discours de réception le 10 juillet 1860) ; Considérations sur la variabilité de l’espèce et sur ses limites dans les conditions d’existence, MEM S 13, 1863 ; avec V. Dupré, Recherches sur les gaz du Mûrier et de la Vigne, les parties qui les renferment, les changements que la végétation y détermine, MEM S 15, 1866 ; Sur l’ovule et sa nature morphologique chez le Primula sinensis, MEM S 17, 1868-1870 ; Une session de l’Association britannique pour l’avancement des sciences, MEM S 17, 1868-1870 ; Observations sur la fécondation du Geonoma Martii (Wendland) et du Carludovica rotundifolia, MEM S 20, 1873-1874 ; Études physiologiques sur l’effeuillement chez le Mûrier, MEM S 21, 1875-1876 ; Recherches sur la structure, le mode de formation et sur quelques points relatifs aux fonctions des urnes chez le Nepenthes distillatoria (L.), MEM S 22, 1877-1878 ; Études sur les laticifères et le latex pendant l’évolution germinative normale chez l’embryon du Tragopogon porrifolius, MEM S 23, 1878-1879. Tony Desjardins* insiste sur la clarté de ses exposés : « dans ces récits […] dont les développements tenaient suspendus et attentifs les hommes les plus étrangers à la matière, il portait la conviction dans tous les esprits ». En 1868, Faivre soutient résolument la candidature de Claude Bernard en qualité de membre associé, qui donne lieu à contestation de plusieurs académiciens suspectant Claude Bernard de matérialisme. Il a bénéficié d’un article nécrologique par Guillaume Alfred Heinrich* MEM 24, 1879-1880. Tony Desjardins a prononcé son éloge funèbre, MEM S 26, 1879-1880.
Faivre était également membre d’un grand nombre de sociétés savantes : Société de biologie, Société botanique de France, Société linnéenne de Lyon, Société d’agriculture de Lyon, Société botanique de Lyon.
V. J. Viviand-Morel, « Nécrologie : Ernest Faivre », Lyon Horticole, 1879. – R. Gérard, La botanique à Lyon avant la Révolution et l’histoire du jardin botanique municipal de cette ville, Paris : Masson, 1896, p. 72-77. – St. Le Tourneur, DBF. – P. Tort, Dict. du darwinisme, 1996, t. 2, p. 1614-1615. – C. Bange, « Darwin et sa théorie, vus par les naturalistes lyonnais », MEM 9, 2009, p. 37-47. – Un de ses collègues, physicien à la faculté des sciences, a publié un virulent pamphlet contre Faivre : A. Merget, Le jardin botanique de Lyon sous la direction de M. Ernest Faivre, doyen de la Faculté des Sciences, Lyon : Impr. Vve Chanoine, 1876, 28 p. – Saint-Lager 1880, « Nécrologie : Thévenin Jean-Marie, Duchamp Lazare-Gabriel, Platon Pierre, Faivre Ernest, Gacogne Alphonse », Ann. Soc. Bot. Lyon, CR séances, 1878-79, p. 331-332.
Ouvrages : Études sur l’histologie comparée du système nerveux chez quelques Annélides. Paris : Martinet, 1856. – Considérations sur la variabilité de l’espèce et sur ses limites dans les conditions actuelles d’existence. Lyon : Rey et Sézanne, 1864. – Œuvres scientifiques de Goethe, analysées et appréciées par Ernest Faivre. Paris : Hachette, 1862. – La variabilité de l’espèce et ses limites. Paris : Baillière, 1868.
Notes et mémoires : plus de soixante-dix sont répertoriés dans le Catalogue of scientific papers ; on citera à titre d’exemples : « Observations sur les granulations méningiennes ou glandes de Pacchioni », Ann. Sci. Nat., Zool. 20, 1853, p. 321-333. – « Considérations anatomiques sur l’appareil pneumatique de certains Poissons », CR Soc. Biol. 6, 1854, p. 1-4. – « Du cerveau des Dytisques considéré dans ses rapports avec la locomotion », Ann. Sci. Nat., Zool. 8, 1857, p. 245-274. – « De l’influence du système nerveux sur la respiration des Dytisques », Ann. Sci. Nat., Zool. 13, 1860, p. 321-336. – « Note sur le pollen et le mécanisme de fécondation chez les Gloxinia », Bull. Soc. Bot. Fr. 7, 1860, p. 772-774. – « Recherches expérimentales sur la distinction de la sensibilité et de l’excitabilité dans les différentes parties du système nerveux d’un insecte, le Dytiscus marginalis », CRAS 56, 1863, p. 472-475. – ; « Recherches sur les fonctions du ganglion frontal chez le Dytiscus marginalis », CRAS 80, 1875, p. 1332-1335. – « Recherches sur la formation du latex et des laticifères pendant l’évolution germinative chez l’embryon du Tragopogon porrifolius », CRAS 88, 1879, p. 269.