Né à Mazille (Saône-et-Loire), le 2 février 1749, cinquième fils d’Émilien Bruys, marchand, résidant au château de Mazille, fermier général comme son père des immenses domaines appartenant aux moines de Cluny à Mazille, et de Suzanne Dejoux (1718-1804), qui accoucha 21 fois ! Parrain : Claude Brosse, marchand commissionnaire de Mâcon ; marraine : Nicole Riveaud, femme de Charles Curvat, marchand à Saint-Laurent.
Il est le neveu de Dom Michel Bruys (1717-1782), procureur général de l’ordre des bénédictins de Cluny (dont le père, François, émigré après la révocation de l’édit de Nantes, était protestant), et de l’écrivain calviniste (Histoire des Papes) avant d’abjurer en 1737, François Bruys (1708-1738).
Son frère aîné, Gilbert Bruys de Charly – du nom de la terre achetée en 1785 à Mazille – (Mazille 15 septembre 1744-6 août 1827), président du conseil général de Saône-et-Loire (1803-1810), a été député au Corps législatif de 1810 à 1815. Un autre frère, Émilien, curé de Saint-Ythaire, émigra en 1792 et mourut à Gênes en 1800. Son petit neveu, Antoine Amédée Bruys (1817-1878), a été député républicain de la Saône-et-Loire de 1848 à 1851. Un autre petit-neveu, Gilbert Léon Bruys d’Ouilly (1804-1866) a été le secrétaire particulier de Lamartine. Claude Bruys de Vaudran déclarera la naissance de celui-ci à Mâcon.
Licencié en droit, avocat en parlement et ès cours, mais délaissant aussitôt le droit, il se fait nommer à Lyon subdélégué général de l’intendant de la Généralité et censeur royal (Belles-Lettres et Histoire, 1785-1790). Domicilié alors rue Saint-Joseph (act. rue Auguste-Comte), il est en 1785 « chargé du rapport des affaires de tous les départements et de la correspondance dans la province pendant l’absence de M. l’Intendant ». Il a de l’avancement, car il est cité dans une lettre de Madame Rolland à Bosc du 26 juin 1787, qui le qualifie de « ci-devant secrétaire de l’Intendance de Lyon, aujourd’hui premier commis des finances ». Le 12 décembre 1790, il est élevé au rang d’inspecteur général des rôles. Incarcéré dans la prison des Recluses à la suite de l’insurrection de Lyon, à laquelle il ne semble pas avoir pris part, il est libéré le 25 thermidor an II et se réfugie à Bussières chez son père, qui a quitté le château de Mazille après la confiscation et la mise sous séquestre du domaine bénédictin.
Notable national à Mâcon en l’an XI, président du canton sud de Mâcon, il est nommé conseiller de préfecture de Saône-et-Loire le 9 germinal an VIII [30 mars 1800], jusqu’à sa mort.
La maison familiale de Bussières, construite vers 1740, décrite dans les Confidences, dans les Nouvelles Confidences et dans les Mémoires de Lamartine (et dans Lamartine et ses amis d’Henri de Lacretelle, p. 248), avoisinait celle des Lamartine à Milly, à environ 1 km de Bussières. Les familles Bruys et Lamartine étaient liées : « Une autre famille du voisinage […] vivait en grande intimité avec la nôtre : c’était la famille Bruys [...]. La réalité se plaît quelquefois à construire des familles que le roman n’oserait pas inventer. Telle était celle-là, mêlée à la nôtre par tant de voisinages, de rapports héréditaires et d’amitiés, qu’elle en fait à mes yeux partie dans ma mémoire. Elle habitait une jolie maison bourgeoise sous le village de Bussières, paroisse de Milly [...]. La maison est antique ; il y a encore à la porte, sur le chemin, un escalier de trois marches en pierre de taille, surmontée d’une large dalle qui servait autrefois à élever les dames et les demoiselles à la hauteur de la selle du cheval ou du mulet, seul véhicule des femmes avant que les voitures puissent circuler dans les gorges de nos vallées » (Les nouvelles confidences, Paris : Michel Lévy frères, 1851, p. 128). Claude devient le professeur de calligraphie d’Alphonse de Lamartine. Il a appris à écrire au grand poète : « Je n’eus donc ni maître d’écriture, ni maître de lecture, ni maître de langues. Un voisin de mon père, M. Bruys de Vaudran, homme de talent retiré du monde où il avait beaucoup vécu, venait nous voir chaque semaine ; il me donnait, d’une très belle main, des exemples d’écriture que je copiais seul, et que je lui remettais à corriger à son retour » (Les Confidences, Paris : Hachette, 1879 p. 74). « M. de Vaudran, homme d’un grand et solide mérite, s’était retiré en ce temps-là dans la maison paternelle. Il philosophait avec mon père sur les principes d’une révolution qu’il aimait comme réforme, mais qu’il maudissait comme excès et bouleversement. Elle lui avait enlevé la brillante existence qu’il s’était faite à Paris comme secrétaire général de M. de Villedeuil [confusion de Lamartine avec un autre frère de Bruys de Vaudran]. Oisif à Bussières, et n’ayant sauvé du naufrage de sa fortune que ses livres, il avait été autrefois mon maître d’écriture. Je devais à sa complaisance le don de tracer lisiblement la pensée, et même d’imprimer aux traits de la plume quelque sentiment extérieur de la netteté et de la lumière de l’esprit. Je pense à sa main qui guidait la mienne, chaque fois que je trace une ligne un peu harmonieuse à l’œil sur le papier » (Les Nouvelles confidences, p. 128). « C’est lui qui me donna les premières leçons d’écriture, sur une petite table de la salle à manger ; j’en profitai et j’en suis resté reconnaissant » (Mémoires inédits de Lamartine, Paris : Hachette : 1909, p. 25).
Lamartine raconte ses promenades au pic du Monsard, qui surplombe Milly, avec son père, M. Bruys de Vaudran et l’abbé Dumont « tous trois assis dans une niche ou plutôt dans une chaire de cathédrale formée par les créneaux de cette forteresse démantelée ». Il se souvient d’une soirée « où M. de Vaudran, ayant par hasard avec lui un Platon en grec, le lut en le traduisant à ses deux amis, jusqu’au moment où le crépuscule manqua sur la dernière page du Phédon et où les premières étoiles scintillèrent dans le ciel, autour du rocher, comme pour assister, du ciel, à la mort de Socrate ». « Plus souvent c’était un petit Tacite latin, que M. de Vaudran portait habituellement dans sa veste, et qu’il lisait tantôt en français, tantôt en latin… » (Souvenirs et portraits, t. 1, Paris : Hachette, 1872, p. 24 et 25).
Lamartine a même fait son portrait : « La figure de M. de Vaudran portait l’empreinte de sa vie ; elle était noble, fine, un peu tendue. Ses yeux couvaient un feu amorti par les disgrâces ; ses lèvres avaient le pli du dédain philosophique contre la destinée qu’on subit, mais qu’on méprise. On lisait sur sa physionomie ce mot de Machiavel sur la fortune : “Je donne carrière à sa malignité, satisfait qu’elle me foule ainsi aux pieds, pour voir si à la fin elle n’en aura pas quelque honte”. Sa voix était grave, ses expressions choisies ; sa politesse un peu compassée rappelait la cour de Versailles dans un hameau de nos montagnes ; son costume disait l’homme de distinction qui respectait son passé dans la déchéance ; sa chevelure était relevée en boucles crêpées et poudrées sur les deux tempes. Il tenait d’une main son chapeau entouré d’une ganse noire à boucles d’argent ; son habit gris, à boutons d’acier taillés à facettes, s’ouvrait sur un gilet blanc à longues poches ; ses souliers étaient noués, sur le cou-de-pied, par des agrafes d’argent ; il portait un jonc à longue pomme d’or à la main » (Souvenirs et portraits, t. 1, p. 20). Chevalier de la Légion d’honneur en 1815, Claude Bruys de Vaudran est mort, célibataire, à Mâcon le 25 janvier 1820, à son domicile rue Bigonnet. Témoins : Pierre Debianna, son neveu, et Claude Jousserandot, ami du défunt.
Par testament du 4 juin 1819 (Me Saunier, à Mâcon), il fait de son neveu, Émilien Bruys des Gardes (1793-1865), conseiller à la cour de Dijon, son héritier universel des immeubles de Bussières et de Vergisson, avec réserve de l’usufruit pour ses sœurs Magdeleine, née en 1753, et Couronne ; cette dernière, née le 8 janvier 1761, « avait conservé, à un âge avancé, la fraîcheur d’impressions et la grâce d’esprit de sa jeunesse », visitée par Lamartine qui lui empruntera son cheval (Lacretelle, Lamartine et ses amis, p. 248). Émilien vendra Bussières en 1856 au paléontologue Henri Bernard Testot-Ferry (1826-1869), maire de Bussières.
Le 11 janvier 1785, classe des belles-lettres et arts, il remet à l’Académie plusieurs mémoires imprimés de sa composition. L’abbé Jacquet*, nommé rapporteur, rend le 18 janvier un rapport très avantageux pour leur auteur. Bruys de Vaudran est élu à la séance du 3 mai 1785. Le 6 décembre, date prévue pour son discours de réception, il écrit au directeur en indiquant que, victime d’une crise de goutte, il ne peut le prononcer. La compagnie accepte que le versement de son manuscrit, lu par Pierre Deschamps*, intitulé Discours sur l’influence que les grands écrivains ont sur le gouvernement (Ac.Ms129-2) tienne lieu de discours de réception. Il reste membre jusqu’à la suppression de l’Académie à la Révolution.
À son retour en Bourgogne, il est naturellement membre fondateur de l’Académie de Mâcon, créée le 22 fructidor an XIII [9 septembre 1805], dont il est vice-président en 1815 (le président était de tradition le préfet du département). Là, le 19 mars 1811, il assista au discours de réception du jeune Lamartine sur l’étude des littératures étrangères. Delandine lui dédia deux tomes sur quatre de son ouvrage Le Conservateur.
Dumas. – Plusieurs notices Bruys par M. Prévost, DBF. – A. Paillard, « Un suspect en l’an II », Ann. Acad. Mâcon 1, 1896, p. 222. – P. Maritain, « La famille Bruys en Mâconnais », Ann. Acad. Mâcon 9, 1904, p. 1-76. – A. Testot-Ferry, « La vérité sur Laurence et Jocelyn », Ann. Acad. Mâcon (3) 26, 1928, p. 13.