Dictionnaire historique des académiciens de Lyon

Préface
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BOUILLIER Francisque (1813-1899)

par Michel Le Guern.

 François Cyrille, dit Francisque, Bouillier est né à Lyon le 12 juillet 1813, fils de François Nicolas Cyrille Bouillier (né à Clairvaux [Jura] le 5 décembre 1783), négociant (marchand chapelier), demeurant à Lyon, petite rue Longue, et d’Étiennette Sophie Satin (née à Lyon le 17 août 1783). L’acte de naissance du 13 juillet 1813 mentionne comme témoins François Satin, huissier à la cour impériale, aïeul de l’enfant, et René Clas, employé à la justice de paix du 3e arr. de Lyon. Son père meurt alors qu’il n’a que quelques années.

 Début de la scolarité à l’école paroissiale de Saint-Cyr-au-Mont-d’Or, puis au pensionnat du Verbe-incarné à Lyon. En 1825 sa tante, Mme Philippon de La Madeleine, le fait venir à Paris pour suivre des cours au collège Stanislas. Quand, en 1830, éclate la Révolution de Juillet, il revient à Lyon pour y achever ses études secondaires ; au lycée de Lyon, il suit les cours de philosophie de l’abbé Noirot*. En mai 1834, lors des soulèvements ouvriers, il est fortement choqué par la violence de la répression. Entré à l’École normale supérieure en 1834, il est reçu premier à l’agrégation de philosophie en 1837. Il est professeur de philosophie au collège d’Orléans de 1837 à 1839. En 1839, sous la direction de Victor Cousin, il soutient une thèse de doctorat Sur la légitimité de la faculté de connaître, et comme thèse complémentaire, Platonis dialogorum et Pascalii epistolarum ad provincialem amicum comparatio [comparaison des Dialogues de Platon et des Provinciales de Pascal].

 Dès 1839, il est professeur à la faculté des lettres de Lyon, où il affiche, en même temps qu’un spiritualisme qu’il approfondira au cours des années, un rationalisme qui ne s’oppose nullement au christianisme. Dans son discours d’ouverture, il affirme sa « ferme croyance à la souveraineté, à la légitimité et aux progrès de la raison humaine ». Le professeur de philosophie Clément Gourju (1814-1899), au nom des catholiques conservateurs, l’attaque par une Note sur le retour au christianisme par la philosophie, à l’occasion du discours d’ouverture prononcé par M. Bouillier (Roanne : Périsse, 1840, 16 p.). Suit un énorme pamphlet bien plus violent contre Bouillier et son maître Victor Cousin : Le Monopole universitaire destructeur de la religion et des lois, ou la charte de la liberté de l’enseignement, rédigé par le jésuite Nicolas Deschamps et préfacé par le chanoine Desgarets (Lyon : Librairie chrétienne et Paris : Bureau de l’univers, 1843, xvi + 672 p.). Le 11 octobre 1843, l’archevêque de Lyon Mgr de Bonald envoie au recteur de l’académie une lettre où il met en garde contre un enseignement qui ne serait pas conforme à l’orthodoxie catholique. Dans son Discours d’ouverture de 1843, intitulé Du caractère religieux de la philosophie enseignée dans l’université, Francisque Bouillier met un terme au débat, en déclarant : « La philosophie que nous enseignons n’est point une philosophie irréligieuse et impie, les doctrines que nous professons ne peuvent qu’élever les âmes vers Dieu et les rendre meilleures, loin de les abaisser et de les corrompre. »

 Membre du conseil municipal de Lyon de 1846 à 1848. Chevalier de la Légion d’honneur le 6 mai 1846, officier le 14 août 1867 (LH/313/59).

 Le 19 mars 1849, mariage à Lyon de François Cyrille Bouillier, professeur de philosophie et doyen de la faculté des lettres de Lyon, demeurant 63 quai Saint-Vincent, avec Marie Anne Pauline Servan de Sugny, née à Vienne (Isère) le 23 avril 1829, demeurant avec sa mère à Villette-Serpaize (Isère), fille de feu Pierre Marie François Servan de Sugny* (dit Jules), académicien en 1824, et d’Anne Françoise Berthet-Dupiney. C’est aussi la nièce d’Édouard Servan de Sugny*, magistrat et poète, qui sera en 1850 membre de l’Académie de Lyon. Pauline Léonie Servan de Sugny, sœur de la mariée, épousera deux ans plus tard le notaire Jean Perrin*, également membre de l’Académie. Le 6 octobre 1850, naissance du fils aîné, Victor Bouillier, à Villette-Serpaize. Le 19 décembre 1855, naissance de Charles Léon Armand Bouillier, à Lyon, 13 rue Vaubecour. Le 26 juillet 1865, à Simandres (canton de Saint-Symphorien-d’Ozon, Isère, aujourd’hui dans le Rhône), naissance d’Anne Victoire Armande Amable Bouillier, qui sera un peintre estimé. Elle est née dans la maison de campagne de la famille, où réside sa mère, alors que son père Francisque Bouillier, inspecteur général de l’Instruction publique, réside à Paris, 9 boulevard Saint-Michel. De 1849 à 1864, Francisque Bouillier est doyen de la faculté des lettres de Lyon. En 1861, il organise un jury qui reçoit au baccalauréat Julie Victoire Daubié, la première femme bachelière. Cette même année, il proteste contre la révocation de Victor de Laprade*. En 1864, il est nommé recteur de l’académie de Clermont, puis inspecteur général de l’enseignement secondaire, par décret du 14 janvier 1865.

 Officier de la Légion d’honneur le 14 août 1867.

 De 1867 à 1870, il est directeur de l’École normale supérieure. De 1870 à 1878, il redevient inspecteur général. En 1872, il habite à Paris, 35 rue de Vaugirard. Opposé aux projets de réforme de Jules Ferry, il est mis à la retraite par un décret du 10 février 1879. Il se retire alors à Simandres, devient maire de la commune et y crée une école libre ; puis il fonde un syndicat agricole à Saint-Symphorien d’Ozon, tout en continuant à participer régulièrement à Paris aux activités de l’Académie des sciences morales et politiques.

 Atteint d’une congestion pulmonaire, il meurt le 25 septembre 1899 à Simandres : « François-Cyrille Bouillier, membre de l’Institut, officier de la Légion d’honneur, domicilié à Simandres, […] époux de Pauline Servan de Sugny... ». Le décès a été déclaré par son fils Armand Bouillier, âgé de 42 ans, officier d’infanterie en retraite, domicilié à Tain (Drôme).


Académie

Académicien libre le 14 juin 1843, il est élu titulaire lors d’une deuxième candidature, le 2 décembre 1845. Le discours de réception, prononcé le 30 décembre 1845, a pour titre : D’un plan d’association universelle de toutes les Académies. Il occupe le fauteuil 6, section 3 Lettres, à partir de 1848 ; président de la classe des lettres en 1857, émérite en 1864.

En 1842, membre correspondant de l’Académie des sciences morales et politiques, il en est membre titulaire le 11 décembre 1875, et président en 1889.

Bibliographie

X. X. « François-Cyrille Bouillier, notes intimes », RLY (5) 29, 1900, p. 3-16 (avec une photographie de F. Bouillier). – Isidore Tony Gilardin, Notice sur Francisque Bouillier, Lyon : Rey, 1900, 19 p., et MEM, Rapports 1897-1901. – « Francisque Bouillier, l’homme et l’écrivain », RLY (5) 29, 1900, p. 119-135. – André Théodore Brochard, Notice sur la vie et les œuvres de Francisque Bouillier, Paris : Didot, 1902, 32 p. – Camille Latreille, Francisque Bouillier, le dernier des cartésiens, Paris : Hachette, 1907, 256 p.

Manuscrits

Bibliothèque de la Sorbonne, MSVC219 : 110 lettres de Francisque Bouillier à Victor Cousin ; MS1878 : Le projet de loi de Jules Ferry, controverses avec Alexandre Du Mesnil, 26 fo.

Publications

Sur la légitimité de la faculté de connaître, Orléans : Gatineau, 1839, 128 p. – Quorumdam Platonis dialogorum et quarumdam Pascalii ad provincialem amicum Epistolarum comparatio, Orléans : Gatineau, 1839, 60 p. – Discours d’ouverture, Lyon : Boitel, 1840, 15 p. – « Opinions de Charles Bonnet sur l’état futur de l’homme et des animaux », RLY (1) 14, 1841, p. 178-192. – « Préface » de : Théorie de Kant sur la religion dans les limites de la raison, ouvrage traduit de l’allemand par M. le Docteur Lortet*, Paris : Joubert, et Lyon : Savy, 1842, XLII + 106 p. – « Du sens commun rationnel et du sens commun empirique », RLY (1) 16 [1842], p. 507-520. – Histoire et critique de la révolution cartésienne, Lyon : Boitel, 1842, 448 p. (prix de l’Académie des sciences morales et politiques). – Édition des Œuvres philosophiques du Père Buffier, Paris : Delahays, 1843, 475 p. – « Du caractère religieux de la philosophie enseignée dans l’université », RLY (1) 18 [1843], p. 459-473 – Théorie de la raison impersonnelle, Paris : Joubert, 1844, 400 p. – Collaboration au Dictionnaire des Sciences philosophiques, sous la direction d’Adolphe Franck, Paris : Hachette, 1844-1852, 5 vol. – Traduction de Johann Golllieb Fichte, Méthode pour arriver à la vie bienheureuse, Paris : Ladrange, 1845. – Manuel de l’histoire de la philosophie à l’usage des candidats au baccalauréat ès-lettres, Paris : Dezobry et Magdeleine, 1845, 158 p. – « De l’origine du langage et de ses rapports avec la pensée », MEM, 1845. – « De l’hypothèse cartésienne des bêtes machines », RLY 23, 1846, p. 21-40. – « D’un plan d’association universelle de toutes les Académies », RLY 23, 1846, p. 153-166. – « Du rapport de la liberté et de la propriété », MEM, 1846, p. 225-248. – Molière élève de Gassendi, Lyon : Boitel, 1852, 15 p., et RLY (2) 4, 1852, p. 370-382. – « Du cartésianisme de Bossuet », MEM, 1853, p. 29-67. – « Causes de la révolution philosophique du xviiie siècle », MEM, 1853. – « Sur les Offices de Cicéron […], leçon d’introduction au cours de morale », MEM, 1854 et Lyon : Dumoulin, 1854, 23 p. – Histoire de la philosophie cartésienne, Paris : Durand, Lyon : Brun, 1854, 616+660 p. ; ce livre, toujours utilisé, est un des grands classiques de l’histoire de la philosophie ; il en existe plusieurs rééditions, dont Genève : Slatkine, 1970. – « Platon et saint Augustin », RLY (2) 11, 1855, p. 199-211. – Analyses critiques des ouvrages de philosophie compris dans le programme du baccalauréat ès-lettres, Paris : Durand, Lyon : Brun, 1855, 203 p. – « L’Académie de Lyon au xviiie siècle », RLY (2) 14, 1857, p. 195-221. – De l’unité de l’âme pensante et du principe vital, Paris : Durand, Lyon : Brun, 1858, 59 p. – Du principe vital et de l’âme pensante, ou examen des diverses doctrines médicales et psychologiques sur les rapports de l’âme et de la vie, Paris : Baillière, 1859, 450 p. ; 2e éd. 1862. – De la querelle des anciens et des modernes en morale, Paris, 1869, 29 p. – De la conscience en psychologie et en morale, Paris, Germer-Baillière, 1872, 206 p. – Morale et progrès, Paris : Didier, 1876, 338 p. – Du plaisir et de la douleur, Paris : Hachette, 1877, 365 p. – L’Institut et les académies de province, Paris : Hachette, 1879, 386 p. – L’Université sous M. Ferry, Paris : Gaume, 1880, 335 p. – La Vraie Conscience, Paris : Hachette, 1882, 320 p. – Études familières de psychologie et de morale, Paris : Hachette, 1884, 315 p. – L’École normale pendant la guerre, Paris : Colin, 16 p. – Questions de morale pratique, Paris : Hachette, 1889, 368 p. – « Vieux souvenirs académiques lyonnais », MEM, 1893, et RLY (5) 14, 1892, p. 467-480. – « L’Abbé Rambaud et la cité des vieillards de Lyon, Rapport sur le concours pour le prix Audiffred (actes de dévouement) à décerner en 1895, RLY (5) 19, p. 381-392. – Souvenirs d’un vieil universitaire, Paris : Pigelet, 1897, 80 p.