Dictionnaire historique des académiciens de Lyon

Préface
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MONTUCLA Jean Étienne (1725-1799)

par Pierre Crépel.

 Montucla est un des académiciens bien connus, notamment comme auteur de la première grande Histoire des mathématiques à vocation générale. Il existe de nombreuses notices biographiques ; néanmoins, toutes restent vagues sur ses premières années et sur ses liens avec la ville et l’académie de Lyon.

 Il est né à Lyon, paroisse de Saint-Nizier, le 5 septembre 1725 (et baptisé le lendemain), fils aîné de Claude Montucla (Saint-Nizier 7 mars 1694-21 avril 1737), marchand, et de Jeanne Bergouhnioux (1699-Saint-Nizier 9 janvier 1734). Parrain : Jean Pradal, marchand, son grand-oncle (décédé en 1729) ; marraine : Anne Pradal (1674-1746) sa grand-mère, veuve de Jean Montucla (1662-1712), marchand.

 Au cours de ses études au collège de la Trinité, tenu par les jésuites à Lyon, il a notamment pour professeurs les P. Béraud* et Tolomas*. En 1737, il perd son père, suivi en 1746 par la grand-mère, Anne Pradal, qui s’occupait de lui. Il va à Toulouse étudier la jurisprudence, discipline qu’on ne pouvait alors suivre à Lyon, et, son cours de droit étant fini, il est admis avocat au parlement de Toulouse en 1747 (Le Blond). De retour dans sa patrie, il se donne à l’étude des mathématiques, il obtient une place à l’Académie des beaux-arts dès 1748 ; deux ans plus tard, vers mars 1750, il fait le voyage de Paris dans le dessein de s’y fixer, paroisse Saint-Gervais, et d’y cultiver les hautes sciences. Il se lie avec plusieurs savants de la capitale – Diderot, D’Alembert, de Gua, Lalande, Blondel, Cochin, Coustou... – qui se réunissent régulièrement chez le libraire-imprimeur Jombert. Il décide dès 1752 de se consacrer à la rédaction de cette Histoire des mathématiques, publiée en 1758 (et citée avant même sa publication dans l’article Géométrie de l’Encyclopédie), qui traite la matière depuis l’Antiquité jusqu’à 1700 ; une deuxième édition en 4 volumes ajoutant l’histoire du xviie siècle, commencée dès la fin des années 1750, ne verra le jour qu’en 1799-1802, de façon partiellement posthume ; aujourd’hui encore, cet ouvrage reste une source indispensable. Au cours de ces années cinquante, il travaille à la Gazette de France (Le Blond), sans qu’on sache très bien quel était son rôle, mais sans doute moins pour ses compétences de mathématicien que pour sa connaissance des langues étrangères : italien, anglais, allemand, hollandais ; il n’y a d’ailleurs pas de notice à son nom dans le Dictionnaire des journalistes. Il est élu associé de l’Académie de Berlin le 3 juillet 1755. Prenant le parti de la plupart des savants et philosophes, en particulier de La Condamine, en faveur de l’inoculation de la petite vérole, il publie un recueil de textes sur le sujet en 1756. En 1761, il est nommé à Grenoble secrétaire de l’intendant Marcheval. Il s’y marie le 20 février 1764 (paroisse Saint-Hugues) avec Marie Françoise Romand (née à Grenoble le 22 décembre 1739), fille de Balthazar Romand (1705-1780), avocat consistorial et plus tard premier consul de Grenoble de 1757 à 1768, et de Thérèse Royer ; c’est la sœur du général d’empire Balthazar Romand (1749-1811). Elle donnera deux enfants à Montucla : Louis, et Marie Françoise, épouse le 2 avril 1782 de Jean Claude Corboz, diplomate décédé à Versailles le 2 octobre 1821. Le Blond écrit : « Le chevalier Turgot [frère du futur ministre] ayant été chargé en 1764, par le duc de Choiseul, de former une colonie, avec Thibaut de Chanvallon, à Cayenne, il demanda comme premier secrétaire Montucla, qui joignit à ce titre celui d’astronome du roi. Les malheurs de cette expédition ne laissèrent pas à l’astronome le temps de joindre ses propres travaux à tous ceux qu’il avoit si bien décrits ». De retour en France en 1766, il rapporte des observations sur ce voyage [perdues], et des plantes pour les serres de Versailles, notamment le haricot sucré ; mais nous n’avons pas trouvé d’étude historique sur ce moment de sa vie. Il revient à Grenoble au bout de quinze mois, puis, grâce à Cochin, il obtient une place de premier commis aux bâtiments du roi à Versailles et de censeur royal pour la rédaction des ouvrages de mathématiques, où il passe le reste de sa carrière. Cette nouvelle période de sa vie ne semble avoir été étudiée que sporadiquement, malgré les documents disponibles aux Archives nationales. Pendant toute cette fin de l’Ancien Régime, il publie aussi une édition considérablement augmentée des Récréations mathématiques et physiques d’Ozanam (1778), et une traduction des Voyages de Carver (1784) dans l’intérieur de l’Amérique septentrionale. Après diverses vicissitudes au plus fort de la Révolution (il ne reçut qu’une pension de 100 louis pendant quatre mois et un bureau de loterie pendant deux ans, outre une prime du Comité de salut public en 1794 versée à une liste de savants), il est chargé en 1795 de l’analyse des traités déposés aux archives des affaires étrangères. Il est nommé associé non résidant, dans la 1re classe de mathématiques, à l’Institut le 9 ventôse an IV [28 février 1796] et membre du jury de l’école centrale du département de Seine-et-Oise.

 Toute sa vie, il n’a cessé de retravailler par intervalles pour compléter et améliorer son histoire des mathématiques ; il y consacre en particulier les dernières années de sa vie, publiant de son vivant, le 7 août 1799, une édition très enrichie des deux premiers volumes. Les volumes 3 et 4, complétés par Lalande, Lacroix et Fortia d’Urban, ne sortent qu’en mai 1802. Entre temps, Montucla meurt à Versailles le 9 frimaire an VIII [19 décembre 1799], à 11 heures (selon l’acte d’état civil, signé de son gendre Jean Claude Corboz de La Tour ; mais selon Le Blond : le 18 décembre à 22 heures). Les nombreuses études sur son œuvre portent presque toutes exclusivement sur son Histoire des mathématiques.


Académie

Proposé dès le 27 novembre 1747, il est élu membre « libre dans les mathématiques » de l’Académie des beaux-arts le 6 mars 1748, et il présente son remerciement le 13 (AcMs263 f°154-155, n° 582), auquel répond Delorme, le président de l’année (f°178, n° 583). Il est immédiatement député par l’académie pour assister à la thèse de Grimaldi à Thoissey le 8 mai 1748, et en rend compte le 22. Il présente plusieurs mémoires de mathématiques. Ayant quitté Lyon pour Paris au début de 1750 (dernière présence le 11 mars), il continue à participer à la vie académique, notamment en envoyant des dissertations et en entretenant la compagnie des nouvelles parisiennes (lettres à Christin du 25 juin 1750 à propos de Savérien, lettre à Mathon du 5 mai 1751, annonce de la mise en chantier de son Histoire des mathématiques le 3 mai 1752). Il demande à devenir vétéran (ou associé) le 17 janvier 1754. Lié à D’Alembert, il prend son parti à l’époque de l’affaire Tolomas en 1755 et donne sa démission d’associé le 13 juin. À partir de ce moment, on ne trouve plus de trace de lui dans les archives de l’académie. Lorsqu’il meurt en 1799, l’académie n’existe plus et on ne voit ni annonce de sa mort, ni éloge ultérieurement.

Bibliographie

Bollioud, p. 151-153. – Magasin encyclopédique, 1799, p. 406-410. – A. S. Leblond, Notice historique sur la vie et les ouvrages de Montucla, Versailles : Société libre d’agriculture de Seine-et-Oise, 24 p. (25 nivôse an VIII / 15 janvier 1800), reprise sous forme abrégée Histoire des mathématiques, t. IV, 1802, p. 662-672 [c’est la source la plus importante)]. – Michaud. – Feller 1849. – E. Doublet, « Montucla, l’historien des mathématiques », Bull. Observatoire de Lyon 5, décembre 1913, p. 2-8. – A. Evieux, « Un mathématicien lyonnais : Jean-Étienne Montucla (1725-1799) », Le Salut Public, 16 avril 1926, p. 5. – George Sarton, « Montucla (1725-1799). His life and works », Osiris 1, 1936, p. 519-567, portrait et autographes (non paginés). – G. Beaujouan, « Lagrange et Montucla », Revue d’histoire des sciences 3, 1950, p. 128-132. – K. Vogel, « Montucla, Jean-Étienne », in Dictionary of Scientific Biography, vol. 9, 1971, p. 500-501. Noel M. Swerdlow, « Montucla’s legacy : the history of exact sciences », Journal of the History of Ideas 54, 1993, p. 299-328. – A. Coste et P. Crépel, « Jean-Étienne Montucla, Histoire des mathématiques, second edition (1799-1802) », in Ivor Grattan-Guinness, Landmark Writings in Western Mathematics, 1640-1940, Amsterdam, etc. : Elsevier, 2005, p. 292-302.

Manuscrits

« Memoire sur une nouvelle maniere de quarrer la Parabole », 24 avril 1748 (AcMs198 f°77-79). – Mémoire sur la mesure des voûtes en cul de four surhaussées ou surbaissées ou des sphéroïdes allongés ou aplatis, 19 juin et 10 juillet 1748 et en séance publique le 23 avril 1749 (AcMs208 II f°84-92). – Mesure exacte de la surface des voûtes à arrêtes [sic] et sur leur solidité, 1749. – Méthode pour déterminer le centre de frottement de plusieurs poids qui tournent autour d’un point fixe, 17 novembre 1751 (AcMs209 f°54-55). – Mémoire sur les courbes qui naissent de l’intersection continuelle des lignes perpendiculaires non à la courbe elle-même mais aux lignes droites tirées d’un point donné à cette courbe, 22 février 1754 (AcMs198 f°87-91).

Publications

Plusieurs de ses manuscrits sont publiés, en tout ou en partie, dans Savérien, Dict. universel de mathématiques et de physique, 2 vol., Paris : Jombert, 1753, aux articles Cone, Frottement, Hydraulique, Intéret, Lumiere, Ovale, Parabole, Sciographie, Section conique. – Histoire des recherches sur la quadrature du cercle, Paris : Jombert, 1754. – Avec Morizot-Deslandes, Recueil de différens écrits sur l’inoculation Paris : Desaint, 1756. – Histoire des mathématiques, Paris : Jombert, 2 vol., 1758, XXXVI + 638 ; 680 p., pl. ; 2e éd., Paris : Agasse, 4 vol., an VII-an X, VIII + 739 p. ; 717 ; VIII + 832 ; 688 p., pl. – Récréations mathématiques et physiques (réédition augmentée d’Ozanam), Paris : Jombert, 1778 [sous le nom de M. de C.G.F], puis 1790 [sous son nom]. – Voyages dans les parties intérieures de l’Amérique septentrionale pendant les années 1766, 1767, 1768, par Jonathan Carver [...], Ouvrage traduit sur la troisième édition Angloise, par M. de C... [Montucla] avec des remarques et quelques additions du Traducteur, Paris : Pïssot, 1784.