Dictionnaire historique des académiciens de Lyon

Préface
A B C D E F G H I J K L M N O P Q R S T U V W X Y Z

La recherche est faite par sous chaîne, insensible à la casse et aux accents.

AUZIAS Jean-Marie (1927-2004)

par Nicole Dockès-Lallement.

 Né le 12 mars 1927 à Grasse (Alpes-Maritimes) dans un milieu familial modeste et catholique. Son père travaille dans une fabrique de parfums ; d’origine cannoise, il parle le provençal. Sa mère est originaire de Vinadio (Vinay) en Piémont, village qui a choisi l’occitan comme langue vernaculaire selon la loi italienne sur les minorités linguistiques.

 Après des études secondaires au collège municipal de Grasse, et un baccalauréat de philosophie (1944), il entre au lycée du Parc de Lyon en hypokhâgne où, ayant été longtemps malade, il est admis à redoubler cette première année de classe préparatoire ; il est le condisciple de Robert Favre* et Jean Butin. À l’époque, les cours de français étaient assurés par Victor-Henri Debidour*, ceux d’histoire par Joseph Hours (père d’Henri Hours*), et ceux de philosophie par Jean Lacroix, grâce auquel Jean-Marie Auzias fréquente le groupe de la revue Esprit animé à Lyon par ce professeur ; il adhère à la JEC où il rencontre Denise Berthaud, sa future femme. Il poursuit en khâgne au lycée Claude-Fauriel de Saint-Étienne (1946-1947) et revient à la faculté des lettres de Lyon où il obtient une licence de philosophie avec mention (1948-1950). Il se marie ; le jeune ménage vit dans la résidence étudiante du Fort Saint-Irénée. Trois filles, Claire, Mireille et Sylvie, naissent de ce premier mariage. Sa fille Claire, née en 1951, libertaire, se trouvera impliquée dans l’affaire de la fusillade des Tables claudiennes (12-13 août 1971). Plus tard il aura un fils auquel il fait partager son goût des voyages.

 En 1954, après avoir été reçu premier au CAPET de l’enseignement technique où il confirme ses dons pour les langues (anglais et italien), il est nommé professeur à La Martinière, qui devient lycée technique en 1959. Il réussit en 1962 le concours d’agrégation de lettres modernes, et demeure volontairement dans le même lycée. En 1966, l’INSA (créé en 1957, Villeurbanne) le recrute comme professeur dans le département des Humanités où il retrouve un de ses condisciples du lycée du Parc, Jordan. Dès 1967, il fonde le Cercle d’anthropologie de l’INSA. Il reste à l’INSA jusqu’à sa retraite en 1992, mais en même temps, il enseigne pendant quelques années la philosophie politique à l’Institut d’études politiques de Lyon, et les sciences humaines à l’École supérieure de commerce. Sa retraite est très active ; à l’Université Tous Âges (UTA), il assume des cours d’anthropologie littéraire (1992-1996). À partir de 1999, pendant trois années, il est chargé de mission par le ministère des Affaires étrangères en Irak pour assurer des conférences de philosophie dans les universités de Bagdad et de Mossoul. Il obtient un doctorat d’anthropologie de l’université Lumière Lyon-2 en 2002.

 Jean-Marie Auzias est un militant convaincu. Le militant de la JEC proche des milieux personnalistes rencontre le parti communiste lorsqu’il loge au Fort Saint-Irénée. Dans l’hiver 1951-1952, il adhère au parti communiste français, mais ses sympathies pour le FLN entraînent son exclusion en 1962. Après un engagement aux côtés des mouvements étudiants de la gauche libertaire en 1968, et une brève adhésion au PSU, il revient au parti communiste en 1974 ; il n’y reste pas longtemps et préfère, en 1980, entrer au Grand Orient de France où il demeure jusqu’à sa mort. En revanche, sans interruption, il est un fidèle défenseur et analyste de la langue occitane : il signe en occitan Auziàs Joan-Maria.

 Volontiers rebelle, parfois provocateur, esprit curieux qui s’intéresse à des champs extrêmement divers de manière personnelle, il publie des travaux dans plusieurs domaines. À l’INSA, il retrouve sa première spécialité, celle de ses études à la faculté des lettres, la philosophie. Il est conduit à approfondir la notion philosophique de technique ; c’est l’occasion d’une publication dans une collection dirigée par Jean Lacroix (traduite ensuite en espagnol), et d’un autre ouvrage chez Seghers. Il rédige aussi Clefs pour le structuralisme (1967) où il insiste surtout sur l’apport de Claude Lévi-Strauss. Ce petit ouvrage didactique devient un classique souvent réédité et demeure une référence. Il publie encore deux ouvrages : l’un sur Michel Foucault (1986), l’autre sur Michel Serres (1992), où se rejoignent ses réflexions sur la philosophie et l’occitanisme.

 Dans une collection dirigée par Jean Lacroix, il publie L’anthropologie contemporaine. Expérience et système (1976), ouvrage traduit en portugais (Brésil). Issu de ses cours à l’UTA et de sa thèse d’anthropologie revue et corrigée, son dernier livre s’intitule Textes fondateurs et cultures populaires (2004). Un autre ouvrage posthume écrit en collaboration porte encore sur l’anthropologie, cette fois-ci occitane (2007). Par-delà les luttes partisanes (il soutient un moment Lutte occitane), il participe à plusieurs revues occitanes (Oc, Occitans, Jorn, Lengas) et à un grand nombre de colloques et d’universités d’été. Il est membre de l’Institut d’Estudis Occitans (IEO) dès la fin des années 1950, et l’un des fondateurs de sa section Rhône-Alpes en 1979. Il se consacre aussi au travail difficile de traduction : de l’occitan en français des poèmes de son ami Bernard Lesfargues, directeur des éditions Fédérop (1965) ; de textes révolutionnaires de l’irlandais James Connolly fusillé en 1916, et du marxiste écossais John Maclean (1976) ; et avec Bernard Lesfargues du récit de voyage de Álvar Núñez Cabeza de Vaca, explorateur espagnol du xvie siècle (1979), souvent rééditée (se trouve en collection de poche).

 Il présente et commente des poètes, des écrivains, des artistes, le plus souvent de la région lyonnaise ou des pays occitans ; il commente les œuvres du poète Luc Decaunes (1963), du dessinateur Mose (1970), du poète chrétien lyonnais Raoul Bécousse (1974), du peintre catalan Modest Cuixart (1982), du peintre d’origine sicilienne bien connu à Lyon Salvatore Gurrieri (1996) ; il introduit les ouvrages de l’occitan Robert Lafont (1982), de Léopold Sédar Senghor (1987), le poignant témoignage d’Yves Lacroix (1990), le poète lyonnais Jean Chaudier (1993), le céramiste Gérard Châtain, Christian Perroud, l’académicien Marc Lambron, soixante écrivains dans Visages des mots. Pendant de longues années, dans son appartement rue de Flesselles à la Croix-Rousse, puis 22 rue des Essarts à Bron, enfin et surtout dans celui de la rue Auguste-Comte, il organise des salons littéraires ouverts à tous où l’on débat des œuvres nouvelles, des idées, des créations, sans oublier la poésie à laquelle il est sensible, car il publie lui-même des poèmes en occitan (1971, 1982, 1983, 1984 et 1991) et en français (1966, 1976, 1980, et revue Verso).

 Il fonde et anime Connaissance sur le théâtre 1959-1964, autour des spectacles du théâtre des Célestins. Plus tard, il travaille dès le début à la mission Millénaire 3, centre de ressources prospectives du Grand Lyon, puis au Conseil du développement de la COURLY. Au début de l’année 2000, il conçoit une arche des cultures qu’il aurait installée à la confluence du Rhône et de la Saône ! Souffrant d’un cancer, il décède le 16 février 2004 à Lyon.


Académie

Le 4 décembre 2001, sur un rapport de Robert Favre, il est élu au fauteuil 5, section 1 Lettres. Le 8 octobre 2002, il prononce son discours de réception : La littérature devant les défis du singulier et de l’universel.

Bibliographie

René Bragard*, « Jean-Marie Auzias », MEM, 2004, p. 17-18. – Jean-Claude Rixte, Diccionari biografic dels actors de la Renaissença occitana. – Joan-Maria Auziàs ; site Vida Ocitanica, http//vidas.occitanica.eu/items/show/23 (consulté le 2 juin 2015). – Paul Gravillon, Café solo par Jean-Marie Auzias, Plumart, http://www.plumart.com/ vf0199/html/body_311_cafesolo.html (consulté le 2 juin 2015). – Bruno Benoît, DHL.

Manuscrits

BNF, fonds Gabriel Marcel, correspondance, NAF 28349 1-22.

Publications

Philosophie : collaborateur de la Revue internationale de philosophie.La philosophie et les techniques, Paris : PUF, 1965, 2e éd. 1971. – La filosofía y las técnica, trad. en castillan de Jose-Luis Blasco Estellés, Barcelona : Iokos-Tau ediciones, 1969. – Clefs pour la technique, Paris : Seghers 1966, (rééd 1971, 1990). – Clefs pour le structuralisme, Paris : Seghers, 1967, (rééd. 1968, 1971, 1990). – El estructuralismo, Madrid : Alianza editorial, 1969, 188 p. – « Le structuralisme, phénomène de civilisation ou phénomène de la pensée », in La science de l’homme, espoir du xxie siècle, Paris : Centre économique et social de perfectionnement des cadres, 1969, 23 p. – Avec Émile Bottigelli, François Bresson et alii, Structuralisme et marxisme, Paris : UGE, 1970, 1973, 317 p. – « Situation de Gassendi », Actes journées internat. étude du Baroque, Baroque 7, 1974, mis en ligne le 26 avril 2013. – Michel Foucault, Lyon : La Manufacture, coll. Qui suis-je ?, 1986, 249 p. – Michel Serres, philosophe occitan, Église-Neuve-d’Issac : Fédérop, Montpeyroux : Jorn, 1992, 167 p.

Anthropologie : L’anthropologie contemporaine : expérience et système, Paris : PUF, coll. SUP Le philosophe, 1976, 173 p. – A antropologia contemporânea, trad. en portugais de Carlos Alberto de Fonsaca, Brésil : São Paulo : Cultrix, 1978, 150 p. – Textes fondateurs et cultures populaires : jalons pour une anthropologie littéraire, thèse univ. Lyon-2, 2001 ; 2e éd. revue et corrigée, Lyon : J. André, 2004, 2 vol. 323 + 473 p. – Avec Jean-Marie Marconot, Anthropologie occitane, Nîmes : RIRESC, 2007, 101 p. – Avec Bernard Frangin, Vous trouverez jamais, c’est tout droit, Brignais : Éd. des Traboules, 2004, 219 p. (vrai faux policier).

Critique littéraire : Les cahiers classiques des Célestins, saisons 1959-1960 ; 1960‑1961. – Ruzzante, La Moscheta ou le Gâteau des Pauvres, Lyon, Théâtre du 8e le 18 avril 1969 (avec Marcel Maréchal. Recherche sur le texte original de Jean-Marie Auzias). – Avec Lionel Astier, Camisards, Lyon : Jean-Luc Lesfargues, 1984, 98 p. – Luc Decaunes, étude de J.-M. Auzias avec un choix de poèmes, Paris : Seghers, coll. Poètes d’aujourd’hui, 1963, rééd. 1969, 192 p. – Raoul Bécousse, préface de Pierre Molaine, en appendice Après les noces de Raoul Bécousse, Rodez : Subervie, coll. Visages de ce temps, 1974, 188 p. – Visages des mots : portraits de soixante écrivains en Rhône-Alpes, photographies d’Évelyne Proriol, Lyon : La Manufacture, 1985, 174 p. – Avec Pierre Alain Four, Petit répertoire des lieux et d’initiatives contribuant à la vie des idées dans l’agglomération/ Grand Lyon, Lyon : Communauté urbaine de Lyon, 1999, 36 p. – « Claude Fauriel, un transculturel », MEM 53, 1998, p. 150-161.

Poésie : Pour nous crever les yeux..., poèmes, La Bastide d’Ormiol : Guy Chambelland, 1966, rééd. 2007, 91 p. – Quasern grassenc [Cahier grassois], Ardouane (Riolz) : 4 Vertats, 1971, 21 p. – Les anges sont des poissons morts, Rodez : Subervie, 1976, 1980, 130 p. – Saint Guilhem du Désert, suivi de Lug, Verso : 1980, 30 p. – « Ò Bensai », Oc 15, 1982, p. 13. – « L’escur », Oc 19, 1983, p. 5. – Utà, Picapol, escola occitana d’estiu, 1983, 42 p. – Quatre poèmes du Vivarais, Montpellier : Obradors occitans. – Lo Manja Tèmps [Le mange-temps] ; L’espaci d’en defòra 1969-1978, Montpellier : Jorn, 1984, 98 p. – « Canta trobada », Oc, 20, 1991, p. 259. – Café solo, Lyon : Jacques André, Coll. Les cahiers de l’amer, 1998, 62 p. ; rééd. 2005, 124 p. – « Sant Guilhèm dau Desert » [en occitan], in Oc 70-71-72, prima estiu 2004, p. 31-32. Kim in Verso.

Traductions : Bernard Lesfargues, Cor prendre, Poemas en lenga d’oc, amb revirada francesa (trad. en français), Bordeaux : Escole Jaufré Rudel, 1965, 3+53 p. – Marxistas e nacions en lucha : trad. en occitan de James Connolly et de John MacLean, Lyon : Federop, 1976, 299 p. – Álvar Núñez Cabeza de Vaca, Relation de voyage 1527-1537, traduction Bernard Lesfargues et J.‑M. Auzias, préface Yves Berger, Arles : Actes Sud, 1979, 1980, 1989, 1994, 2008.