De famille modeste, Pierre-Étienne Bonnevie serait né à Rethel (Ardennes), le 6 janvier 1761. Grâce à une généreuse protectrice, il est envoyé au collège de Reims, puis à Paris chez les jésuites au collège Louis-le-Grand, et enfin à celui de Lisieux pour y faire sa philosophie. Il entre au séminaire Saint-Louis où il acquiert en 1786 un doctorat en théologie. Il est ordonné prêtre le 10 juin 1786 à Reims, et part enseigner la rhétorique au collège de Verdun. Il prêche déjà et se fait remarquer dans un éloge de Bayard prononcé à Mézières le 27 septembre 1789, en souvenir de la résistance dans cette ville contre Charles-Quint en 1521. Certains disent qu’il aurait été, par hasard, aux Tuileries le 10 août 1792, enfermé dans le cabinet du marquis d’Ambray, et qu’il se serait enfui déguisé en mitron. Émigré, il mène alors une vie errante à travers l’Europe : Turin ; Trèves ; Coblence où le duc de Choiseul le fait aumônier de son régiment de uhlans britanniques ; Dantzig, après avoir assisté à Valmy et à la retraite de Verdun ; Berlin, sur les conseils du marquis de Boufflers, où le duc de Richelieu le présente au nouvel évêque d’Ermeland en Pologne prussienne, Karl von Hohenzollern Hecghingen (1795-1803). L’évêque en fait son secrétaire, et le nomme prieur de la chapelle de Saint-Georges au château de Heilsberg. À ce titre, Bonnevie prête serment au roi de Prusse le 3 août 1797.
De retour en France en 1802, il devient grand vicaire de l’évêque de Châlons-sur-Marne (Anne Antoine Jules de Clermont-Tonnerre [1749-1830], évêque de Châlons en 1782, député aux États-généraux, plus tard pair de France). Il fait connaissance de Mgr Fesch, nouvel archevêque de Lyon, l’oncle de Bonaparte, qui le fait nommer chanoine de l’Église métropolitaine de Lyon le 6 janvier 1803. Excellent orateur, il prêche dans toutes les fêtes patriotiques ou religieuses. Lorsque le cardinal Fesch est nommé ambassadeur à Rome, Bonnevie l’accompagne en qualité de secrétaire, avec le titre de vicaire général ; il y retrouve Chateaubriand, secrétaire de l’ambassade, qu’il avait connu à l’armée des princes, et son épouse que dorénavant, il ne perdra plus de vue. Dans le livre de l’abbé Pailhès, Chateaubriand, sa femme et ses amis (1887), se trouvent des lettres de la vicomtesse de Chateaubriand à son « cher comte de Lyon ». Bonnevie est cité dans les Mémoires d’outre-tombe : « le spirituel abbé de Bonnevie ». Pie VII, à cause de sa grande taille, l’appelait « le grand français ». Cet attachement à l’illustre écrivain lui est néfaste, car il est impliqué dans la dispute entre l’ambassadeur et Chateaubriand, à propos de l’affaire de Vernègues, agent de Louis XVIII à Rome, qui s’était fait naturaliser russe (Abbé J. B. Vanel « Le premier conflit entre Fesch et Consalvi, RLY, 1921, p. 211-234). Le 30 mars 1804, Bonaparte demande à Talleyrand : « Je désire que vous écriviez à l’ambassadeur de la République à Rome, pour que l’abbé Bonnevie retourne en France à son poste ». Bonnevie est aussi le principal artisan à Rome du retour des frères des Écoles chrétiennes, dont le siège national sera fixé à Lyon, dans l’ancien « petit collège » des Jésuites.
De retour à Lyon, il prononce l’oraison funèbre du cardinal de Borgia, qui accompagnait Pie VII à Paris, décédé le 23 novembre 1804. Le 24 décembre 1810, il est nommé proviseur du lycée impérial de Lyon, mais il ne reste qu’une année dans ce poste, s’étant mis à dos l’administration du lycée, les professeurs et le recteur, Nompère de Champagny*. À la première Restauration, il se fait le chantre des Bourbon. Pendant les Cent-Jours, il prêche le carême à Marseille, fait appel au soulèvement et s’exile à bord d’un navire suédois à Malaga, puis Gibraltar où règne la peste, et Tanger, tandis que Napoléon demande à son passage à Lyon où se trouve l’abbé de Bonnevie et s’il prêche toujours contre le tyran. À son retour sur une frégate anglaise, il devient aumônier de la Garde nationale de Lyon, tout en poursuivant sa carrière de brillant orateur. La Révolution de Juillet 1830 ne peut le laisser tranquille. Il est soupçonné de conspiration royaliste. Son domicile est perquisitionné. Mme de Chateaubriand l’associe aux vains projets d’exode de son mari en Suisse. Néanmoins, nommé vicaire général honoraire, il poursuit ses discours élogieux pour la famille royale, les martyrs de la Révolution bien entendu, et tous les saints du paradis. Il devient doyen du chapitre en 1839 à la mort du comte de Rully, accueille par un compliment à Lyon le nouvel archevêque Mgr de Bonald qui succède à Fesch, se retire du monde vers 1840, et meurt ignoré à Lyon, le 6 mars 1849. Il habitait alors 40 rue Saint-Jean. La déclaration à la mairie est faite par ses voisins d’immeuble : Antoine Delorme, charcutier, et Antoine Blanc, teneur de livres. Une inscription, relevée par Bréghot* et rapportée par Montfalcon (Manuel du bibliophile et de l’archéologue lyonnais, p. 320, Paris : Delahaye, 1857) portait : « Ci-gît Pierre-Étienne Bonnevie, doyen de la primatiale de Lyon, vicaire-général de Lyon et de Verdun, décédé le 6 mars 1849, à l’âge de 88 ans. Requiescat in pace ». La difficulté est que Montfalcon situe cette épitaphe dans l’église des Grands-Augustins, qui avait été démolie en 1755 ; il peut donc s’agir de l’église Notre-Dame-Saint-Vincent, qui lui a succédé. François de Montherot* lui a dédicacé des vers, Le mariage du chantre, dans ses Mémoires poétiques (p. 62). Chateaubriand, alors premier secrétaire à l’ambassade de Rome, le cite dans ses Mémoires d’Outre-tombe.
Le 13 février 1816, l’abbé Bonnevie, chanoine de la cathédrale, fait hommage de son Oraison funèbre du roi Louis seize, prononcée le 21 janvier 1814 à l’église Saint-Polycarpe. Le 14 mai 1816, il est inscrit comme candidat titulaire, et il est élu le 3 décembre 1816, première section de la classe des Lettres, en remplacement de Jean Louis Piestre*. Le 28 avril 1818, on lit sa lettre de démission datée du 25 : « Le genre de mon ministère, des absences longues et réitérées, le besoin de repos, un goût décidé pour la retraite, les circonstances où nous sommes, voilà les raisons qui ne me permettent plus d’appartenir à un corps dont je serai toujours fier d’avoir obtenu les suffrages ». Sa place est déclarée vacante. Membre correspondant de la Société littéraire, élu le 15 novembre 1814, il demande à en être titulaire le 29 décembre de la même année.
Feller. – Arnaud, Jayet et Jouy, Biographie de contemporains, 1826 et 1849. – Dict. Hist. Géogr. Ecclés., vol. 9, Alfred Baudrillard, 1912. – Œuvres choisies, Paris, 1828 (t. XII de la Bibliothèque des orateurs chrétiens). – Jacques Paul Migne, Collection intégrale et universelle des orateurs sacrés, t. 78, Paris, col. 439-1028, 1856. – Abbé Nicolas Bez, « Notice sur l’abbé Bonnevie, chanoine de la métropole de Lyon », RLY, 1850, p. 305-333, et Lyon : Auguste Brun, 31 p. – A. Latreille-Roustan, « Chateaubriand et l’abbé Bonnevie », RLY, 1902. – Abbé Vachet, Nos Lyonnais d’hier, 1831-1910, Lyon, s.d., p. 48-49. – L. Maynard, Dict. des Lyonnaiseries, t. 1, Lyon, 1932. – Jean Comby, DMR. – Ph. Dufieux, Gryphe 17, Lyon, 2007.
La teneur de ses prêches et de ses oraisons funèbres, presque tous publiés par Migne, montre bien ses évolutions politiques, courantes à cette époque, qui, selon ses détracteurs qui lui reprochent la versatilité de ses opinions et la platitude de ses louanges, lui interdirent la mitre.
Éloge funèbre de Victor Emmanuel Leclerc-Puiseux, général en chef de l’armée de St-Domingue et capitaine général de cette colonie, Église métropolitaine de Lyon, 15 février 1803 (26 pluviose an XI), s.l., s.d. – Cérémonie funèbre célébrée à Besançon le 20 ventôse an XI à la mémoire du général Leclerc, beau-frère du premier consul, mort à St-Domingue, s.l., s.d.. – Éloge funèbre de S. Éminence Mgr Étienne Borgia, cardinal… de Saint-Clément, mort à Lyon le 23 novembre 1804, Lyon : Migne, 1804, col. 996-975. – Discours sur la charité, Lyon, 1805. – Oraison funèbre de LL. MM. Louis XVI, Marie-Antoinette, Louis XVII et de S. A. R. Mme Élisabeth, prononcée le 13 juillet 1814 à Saint-Polycarpe de Lyon, Migne, col. 933-955. – Hommage funèbre à la mémoire des victimes du siège de Lyon prononcé au service solennel que la garde nationale a fait célébrer à Saint-Polycarpe le 2 novembre 1814, Migne, col. 1017-1028. – « Péroraison d’un sermon sur la Croix, prêché le 17 septembre 1815 dans l’église paroissiale des Chartreux », Journ. Lyon Départ. Rhône, 23 septembre 1815, p. 1-3. – Discours sur les causes et les effets de la Révolution française, prêché, le 21 avril 1816, dans l’église de Saint-Cannal, en faveur des Marseillais blessés à l’affaire de La Saulce, Marseille, 1816. – Discours pour la bénédiction des drapeaux donnés par le roi à la légion des Bouches-du-Rhône à Saint-Martin de Marseille le 12 mai 1816, Migne, col. 915-925. – Discours prononcé à Lyon le 5 décembre 1817, pour l’anniversaire des victimes immolées au siège de cette ville en 1793, Paris, 1817. – Éloge funèbre de J.-B. Borelly, curé de Saint-Polycarpe, Lyon, 1818. – Éloge funèbre de M. J.-Jos. De Méallet, comte de Fargues, maire de Lyon, prononcé le 22 mai en l’église de Saint-Pierre, Lyon, 1818, Migne, col. 975-990. – Sermons, panégyriques, oraisons et éloges funèbres, discours divers : suivis d’un sermon inédit du R.P. Chapelain, Lyon : Audin, 1823, 4 vol. – Éloge funèbre de S.A.R. Mgr le duc de Berri…le 23 février 1820 dans l’église de l’hôpital général de Montpellier, Montpellier, 1820, Migne, col. 955-965. – Panégyrique de Saint-Jean Baptiste, prononcé le 25 juin 1820, dans l’église primatiale de Lyon suivi d’une notice abrégée de la même église, Lyon : Kindelin, 1820. – De la religion considérée dans sa doctrine, dans sa morale et dans son culte, discours suivi d’un sermon sur le danger des livres dans les mœurs et d’un discours à la mémoire des victimes du siège de Lyon, Paris, 1820. – Discours à la mémoire des militaires français morts en Espagne pendant la guerre, Paris et Lyon, 1824. – Sur la vénération due aux reliques des saints, Lyon, 1824. – Quelques mots, jetés par le sentiment dans le désordre de la tristesse commune, sur la tombe de M. Courbon, s. d. Lyon, 1824. – Oraison funèbre de très-grand, très-haut, très-puissant et très-excellent prince Louis XVIII roi de France et de Navarre, prononcé, au nom de la ville de Lyon, dans l’église primatiale de Saint-Jean, le 29 octobre 1824, Lyon : Durand et Perrin, 1824, 101 p. – Sur Louis XIV et sur son siècle, à l’occasion de l’inauguration de sa statue équestre à Lyon place Bellecour, le 4 novembre 1825, jour de la Saint-Charles, Lyon : Durand et Perrin, 1825, 24 p. – Sermons, Panégyriques et Oraisons funèbres, Paris : Roret, 1827. – Discours pour une bénédiction de cloches, prononcé dans l’église paroissiale de Saint-Rambert près de l’île Barbe, Lyon : Perrin, 1830, 24 p. – Éloge funèbre de Bayard…, prononcé le 27 septembre 1790, à Mézières, en l’anniversaire du siège de 1521, Paris, 1828 : Migne, col. 990-1017. – Discours prêché dans l’église de l’Antiquaille pour la fête patronale de saint Pothin, Lyon : Perrin, 1832, 36 p.