Dictionnaire historique des académiciens de Lyon

Préface
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La recherche est faite par sous chaîne, insensible à la casse et aux accents.

GARNIER Tony (1869-1948)

par Jean Burdy.

  Tony Garnier est né le 13 août 1869 à Lyon 1er : « Le 14 août 1869 Pierre Garnier [10 mai 1847-7 août 1937], 22 ans, dessinateur, 17 rue Rivet, 1er arr., a présenté un enfant du sexe masculin né hier dans son domicile, de Anne Evrard [Lyon 22 juin 1847-10 avril 1899], 20 ans [sic], fille de Jean Antoine et de défunte Jeanne Marie Brunand, célibataire, tisseuse, demeurant ensemble, auquel enfant on a donné le prénom Tony ; étaient présents Jean Antoine Evrard, 79 ans, tisseur, et Louis Jules Poisson, 30 ans, agent de remplacement militaire ». Une fille, Fanny, est née le 1er août 1870 du couple qui, à son mariage le 24 octobre 1871 à la mairie du 1er arr., a légitimé les deux enfants, en présence de quatre témoins, un dessinateur, un tisseur et deux garçons de bureau. Un second fils, Claudius, naît le 24 juin 1873, 4 rue d’Isly Lyon 4e (architecte, il meurt célibataire à son domicile 4 place Sathonay, le 1er février 1907).

  Après des études à la Martinière (1883-1886) Tony, dès l’enfance attiré par l’architecture, entre à l’école des Beaux-arts de Lyon (1886-89) où il obtient un 1er prix d’architecture, le prix d’honneur et le prix Bellemain. En 1889, il poursuit à Paris chez Blondel (1847-1897) et Scellier de Gisors (1844-1905). Logiste dans le concours de Rome en 1894, il est 2e second grand prix en 1894, premier en 1895, Grand Prix de Rome en 1899 avec le projet Un hôtel pour le siège central d’une banque d’État. Il est résident quatre ans à la Villa Médicis à Rome. Il voyage en Grèce en 1903.

  Il travaille à son projet d’une ville moderne idéale : Une Cité industrielle, une ville utopique conçue pour environ 35 000 habitants, séparant fonctions urbaines et activités industrielles, avec une organisation sociale rationnelle du travail, le béton armé permettant de grandes horizontales et de grandes verticales. Il envoie ses premiers dessins à Paris en 1901. L’Académie ne les apprécie pas, lui reproche de ne pas consacrer son temps aux travaux exigés des pensionnaires – des études architecturales de sites antiques –, et le met en demeure de le faire. Il obtempère en prenant pour sujet la reconstitution la ville de Tusculum. En 1904, de retour de Rome, il présente à Paris sa Cité industrielle qui suscite aussitôt oppositions et mépris de la profession et des tenants de l’esprit académique. Mais c’est aujourd’hui une référence majeure de l’architecture et de l’urbanisme du xxe siècle.

  Très attaché à ses origines, Tony Garnier s’installe à Lyon, ouvre une agence place Sathonay, transférée 331 cours Gambetta en 1916. Ayant connu tout jeune les conditions de vie des ouvriers de la soie, il fera du logement social l’une de ses préoccupations, avec de grands principes : fonctionnalisme, espace, verdure, ensoleillement.

  En 1915, à 46 ans, Tony, propriétaire, demeure à Saint-Rambert-l’Île-Barbe, quai de la Sauvagère, sans doute la villa qu’il a construite au bord de la Saône (aujourd’hui 1 rue de la Mignonne Lyon 9e) – il la vendra plus tard pour habiter rue de la République. Le 20 juillet 1915, il épouse une jeune céramiste, Catherine Laville, née le 23 mars 1894 à Lyon 1er, fille du sculpteur Jules Martin Laville et de Françoise Hermine Barbier, domiciliés 106 rue Moncey, Lyon 6e. Présents le père et la sœur de Tony, Fanny, devenue madame Taccanier, 8 rue [sic] Michel Servet Lyon 1er, et trois habitants de Saint-Rambert.

  Chargé de cours de construction (1907-1937) et d’un Atelier (1919-1935) à l’école régionale d’architecture de Lyon, enseignant à la fois libéral et traditionnaliste, il formera une génération d’architectes lyonnais : Louis Piessat, Paul Grange, Pierre Tourret, René Gagès*, René Bourdeix, François-Régis Cottin*, etc.

  En 1938, il prend sa retraite et se retire au domaine de Carnoux, à Roquefort-la-Bédoule, près de Cassis (Bouches-du-Rhône), où il s’adonne chaque jour à faire croquis et dessins. Il y meurt sans descendance le 19 janvier 1948. Son corps est ramené à Lyon, au cimetière de la Croix-Rousse dans la tombe de famille, construite en 1937 pour son père, « décorateur d’étoffes », sa mère et son frère Claude (Claudius).

  Membre de la Société académique d’architecture de Lyon et du Conseil supérieur de l’ordre des architectes, il a été membre correspondant de l’Institut, du Royal Institute de Grande Bretagne, de l’Académie d’architecture de l’U.R.S.S.


Académie 

Il avait donné le 21 juillet 1908, une conférence sur Tusculum. Il est élu le 4 juin 1935 au fauteuil 6, section 4 Lettres, après le décès de L. Rogniat*. Son éloignement de Lyon le fait émérite en 1944. Son éloge funèbre a été prononcé par Mgr Lavallée* le 27 janvier 1948. Publications

Une cité industrielle, étude pour la construction des villes, Paris, A. Vincent, 1917, 164 pl. ; 2e éd., Ch. Massin, 1932 ; 3e éd., Ph. Sers, 1988. – Les grands Travaux de la Ville de Lyon, préface d’Édouard Herriot, Paris, s.d. [1920], 10 p., 56 pl.

Bibliographie 

Outre des articles parus dans de nombreuses revues, entre autres La Construction moderne (1894-1906 et 1926 1937), ou La Construction lyonnaise (1899-1914), citons : Louis Piessat, Tony Garnier, préface d’Edouard Herriot, éd. Comité des Amis de Tony Garnier, ouvrage de grand luxe, 43,5 x 32 cm, tiré à 500 exempl. dont 50 hors commerce numérotés de I à L, [exemplaire N° V imprimé spécialement pour l’Académie des sciences, belles-lettres et arts de Lyon], Lyon : Audin, s.d. [1951], [8 p.], 40 pl. – J.‑J. Lerrant, « Tony Garnier au Musée des beaux-arts de Lyon, BMML 1, 1953, p. 45-53, 6 fig. – Chr. Pawlowski, Tony Garnier et les débuts de l’urbanisme fonctionnel en France, Paris, Centre de recherche d’urbanisme, 1967, 240 p. – L. Piessat, Tony Garnier 1869-1948, Lyon, PUL, 1988, 196 p. – Tony Garnier, Lyon, Musée des Beaux-Arts, catalogue d’exposition, texte de L. Piessat [1951], 1970, 30 p., 26 fig. – L. Piessat, Tony Garnier 1869-1988, Lyon, PUL, 1988, 196 p. – Alain Guiheux et Olivier Cinqualbre (dir.), Tony Garnier : l’œuvre complète, Paris, Centre Pompidou/ Centre de Création Industrielle, exposition au Centre Pompidou, 1990, 254 p. – Institut français d’architecture, Archives d’architecture du vingtième siècle, p. 172-173, Pierre Mardaga éd., Liège, 1995. – Jean-Michel Leniaud, « Tony Garnier : construire la ville » dans Les bâtisseurs d’avenir. Portraits d’architectes : xixe-xxe siècle, Paris : Fayard, 1998, p. 247-322. – G. Bruyère, « Tony Garnier (1869-1948) et André Vermare (1869-1949) : témoignages retrouvés d’un bref compagnonnage artistique », BMO Lyon, 23 et 30 juillet 2000. – « Tony Garnier, enseignant. Les héritiers et les prétendants », BSAAL 9, décembre 2004, 7 p. – Ph. Dufieux, Sculpteurs et architectes à Lyon (1910-1960) de Tony Garnier à Louis Bertola, Lyon : Éd. Mémoire active, 2007, 141 p. – Ph. Dufieux et J.-M. Leniaud (dir.), Tony Garnier, la Cité industrielle et l’Europe, actes du colloque international, Lyon, CAUE du Rhône, 28-29 novembre 2008, Lyon, 2009, 319 p. – G. Bruyère, « Hygiénisme, spéculation foncière et cinéma, à propos du projet de désaffectation de l’Hôtel-Dieu de 1905 », dans L’Hôtel-Dieu de Lyon, BSAAL [20], mai 2012, 10 p. – P. Gras, Tony Garnier, Paris, Éditions du Patrimoine, 2013. – Ph. Dufieux, « Tony Garnier et l’Exposition de 1914 », dans Lyon centre du monde ! L’Exposition internationale urbaine de 1914, catalogue d’exposition, Lyon, musées Gadagne, nov. 2013-avr. 2014, Lyon : Fage éd., 2013, 14 p. – G. Corneloup, DHL. – L. Trénard, DBF.

Iconographie 

Buste (par Louis Prost sculpteur) à l’hôpital Edouard Herriot. – Portrait sur un mur peint du Musée urbain Tony Garnier (Lyon 8e).

Manuscrits 

Plus de 80 projets d’architecture et d’urbanisme sont dispersés dans des fonds, collections et documents à Lyon : musée des Beaux-arts (ca 350 œuvres), École des beaux-arts, Bibliothèque municipale, Archives municipales, Archives départementales du Rhône ; à Paris : Cité de l’architecture et du patrimoine, Centre Georges-Pompidou ; et aux Archives municipales de Boulogne-Billancourt.

Œuvres (sélection) 

La première commande de la ville de Lyon par le maire Victor Augagneur – la Vacherie du Parc de la Tête d’Or (1904-1905) –, marque les débuts de Tony Garnier, et le début d’une longue collaboration avec Édouard Herriot* (qui lui confiera l’essentiel des grands travaux de la ville dans son extension à l’est). On notera : Le marché aux bestiaux et les abattoirs de la Mouche à Gerland 7e (1906-1928), avec la grande halle (210 x 80 m) inscrite au titre des monuments historiques en 1975, transformée en 1988 en salle polyvalente pour expositions et spectacles. – L’hôpital de Grange-Blanche (auj. Édouard-Herriot) 3e (1910-1933), en pavillons spécialisés reliés par des circulations souterraines. – Le stade de Gerland, 7e (1914-26). – La Cité du quartier des États-Unis, ensemble d’Habitations à Bon Marché (HBM) 8e (1919-1934), où vingt-cinq murs pignons peints par Cité de la Création en 1988 constituent le Musée urbain Tony Garnier, un succès international distingué par l’UNESCO en 1991. – Le Monument aux morts de l’île du Souvenir, au parc de la Tête-d’Or 6e (1920-1930). – Trois villas à Saint-Rambert (auj. rue de la Mignonne, Lyon 9e), et à Saint-Didier-au-Mont-d’Or (1912-1923). – Pavillon Lyon-Saint-Étienne à l’exposition des arts décoratifs à Paris (1925). – Central téléphonique Moncey, 7e (1927). – École de tissage, 1er (1927-1933). – Hôtel de ville de Boulogne-Billancourt, son dernier grand chantier (1930-1933). Sont restés dans ses cartons des dizaines de projets non réalisés : un quartier industriel du tissage de la soie (1908), un sanatorium franco-américain (1917), une bourse du travail à Lyon (1919-1922), la Société des nations (1924), l’aménagement du confluent Saône-Rhône (1924), ainsi qu’une exceptionnelle suite de projets de monuments aux morts dessinés dans les années 1918-1920, etc.

Les expositions à Lyon – chapelle du lycée Ampère en 1949 ; musée des Beaux-Arts en 1970, et de nouveau en 1991 reprenant l’exposition au Centre Georges Pompidou à Paris en 1990 – ont donné une vue très complète et détaillée de l’œuvre de Tony Garnier, illustrée magnifiquement sur les murs du Musée urbain Tony Garnier.

Le nom d’avenue Tony-Garnier a été attribué le 12 avril 1948 à la partie sud de l’avenue Leclerc, à Gerland, Lyon 7e.

Cette notice a été révisée.