René Gabriel Marie Mouterde est né le 16 octobre 1915 à Ambérieu-en-Bugey (Ain) où sa mère, Madeleine née Lancrenon (Lyon, 1890-1977), séjournait chez son grand-père, Henri Lancrenon (Besançon 1859-Caluire-et-Cuire 1951), polytechnicien, ingénieur en chef au PLM (et frère du général de division… et photographe Paul Lancrenon, 1857-1922), car son père, Paul Mouterde (Lyon 1884-Caluire 1977), ingénieur de l’école des Mines de Paris, était mobilisé au 5e Génie. Après la guerre, la famille se déplace dans le Nord, à Wasquehal, le chef de famille devenant directeur d’une très importante usine chimique du groupe Saint-Gobain. La famille s’enrichit alors de deux autres garçons qui deviendront ingénieurs, François Jean Henri et Philippe Jean Marie Bruno.
Le jeune René Mouterde vit dans un milieu scientifique axé sur la terre, et environné de la collection familiale de fossiles. Il effectue ses études secondaires au collège de Marcq-en-Barœul (Nord) et obtient son baccalauréat en 1932. Souhaitant devenir prêtre, il commence ses études au séminaire d’Issy-les-Moulineaux, mais il doit les interrompre pour raison de santé. Il entame ses études supérieures à Lille, où il obtient en 1937 une licence de physique à la faculté libre des sciences de Lille. Il rencontre alors l’abbé Gonzague Dubar, professeur de géologie, rencontre qui sera déterminante pour sa carrière scientifique.
Mobilisé en 1939, il est affecté au service météorologie de Saint-Cyr-l’École et se retrouve en Périgord pour y être démobilisé. Il reprend à Lyon ses études au séminaire universitaire et à la faculté des sciences ; déjà licencié en physique, il obtient son diplôme d’études supérieures de géologie en 1939. Il est ordonné prêtre le 29 juin 1941 à la basilique de Fourvière, obtient sa licence de théologie en 1942, et termine la même année sa licence de sciences naturelles. Il privilégie alors sa carrière de géologue sans abandonner son apostolat. Il sera nommé maître de recherches au CNRS en 1968 puis directeur de recherches en 1973.
Sa rencontre avec l’abbé Dubar et les liens familiaux qu’il avait à Paray-le-Monial le conduisent dans cette région où il a ses premiers contacts avec le Jurassique des bordures du Morvan, ce qui constitue d’abord la matière de son diplôme d’études supérieures. Il élargit ensuite son champ d’études et aborde le Lias et le Bajocien des bordures nord et nord-est du Massif Central français, objet de sa thèse d’État soutenue en 1951. Son champ d’études devient alors immense : Lias des Alpes, Lias du Portugal, Lias d’Espagne, Lias italien, Lias d’Afrique du Nord et de l’Himalaya où il effectue deux missions. Il devient un spécialiste du Lias mondialement reconnu en ce qui concerne la biostratigraphie et les ammonites. Cet important travail a donné lieu à environ 400 publications, et a conduit l’abbé Mouterde à de nombreuses responsabilités nationales et internationales : premier président du Groupe Français d’Études du Jurassique (1968-1974), président de l’Association des Géologues du Sud-Est (1976-1977 et 1982-1983), vice-président de la Société Géologique de France en 1979, membre de la sous-commission du Jurassique de la commission internationale de stratigraphie, et président du groupe de travail sur la limite Trias-Jurassique.
Plusieurs distinctions lui ont été décernées : prix Fontannes de la Société Géologique de France (1957), prix Prestwich de la Société Géologique de France (1984), membre correspondant de l’Académie des Sciences du Portugal, docteur Honoris Causa de l’université nouvelle de Lisbonne (2002), jubilaire d’Honneur du Jurassique marocain (2004).
Sa carrière d’enseignant débute en 1943 aux facultés catholiques de Lyon, où un étage lui est affecté pour la création d’un nouveau laboratoire de géologie. Il enseigne à l’ICPI (Institut de Chimie et Physique industrielles), à l’ISARA (Institut supérieur agronomique) à la fondation duquel il a participé, ainsi qu’à l’enseignement de propédeutique. Attentif à l’enseignement dispensé à la faculté catholique des sciences, il en a été le doyen de 1972 à 1985. Le laboratoire qu’il dirige au sein de cette faculté accueille de nombreux chercheurs et devient, en 1984, le Centre International d’Études du Lias (CIEL). La fin de sa carrière universitaire fut cependant attristée par la décision prise en 1990 de la fermeture du laboratoire de géologie qu’il avait créé en 1943, fermeture effective en 1996. Il a dû déposer ses collections de fossiles auprès du muséum d’histoire naturelle de Lyon.
Enseignant et chercheur, stratigraphe et paléontologue, l’abbé René Mouterde est aussi cartographe. Il participe à la réalisation en France de sept cartes pour leurs régions liasiques et d’une carte au Portugal. La palette de ses activités de géologue serait incomplète si l’aspect de géologie appliquée n’était cité : c’est lui qui réalise pour EDF la cartographie détaillée du site du barrage de Serre-Ponçon, implanté justement sur le Lias. Dans le cadre de l’ISARA, il travaille sur les formations superficielles et leur lien avec la culture de la vigne, abordant le difficile problème des limites de terroir.
Tout au long de sa carrière scientifique, l’abbé Mouterde poursuit son sacerdoce. D’abord aumônier des étudiants dans le cadre de la JEC (Jeunesse Étudiante Chrétienne), il va animer divers groupes de réflexion notamment dans le cadre d’un groupe interdisciplinaire de l’université catholique avec l’abbé Martelet. C’est ainsi qu’à partir des années 1970, il organise aussi un groupe de réflexion intitulé Des naturalistes aux théologiens, qui se réunira pendant plus de 25 ans.
À partir de 1990, à la demande de Mgr Michel Mondésert (frère de Claude Mondésert* s.j.), alors évêque de l’interdiocèse de Vienne, il a été nommé curé des paroisses de Chuyer et de La Chapelle-Villars dans la Loire, regroupées maintenant dans la paroisse nouvelle de Notre-Dame entre Rhône et Pilat.
Homme discret, après sa retraite, il partage ses activités du mardi après-midi entre l’Académie et le Centre de conservation du muséum d’histoire naturelle, où il achevait le rangement de ses collections d’ammonites. Noël Mongereau* l’a souvent accompagné sur le terrain et dans ses activités sacerdotales, ayant participé à son jubilé scientifique et à son jubilé sacerdotal.
Il est décédé le 28 juillet 2007 à l’hôpital de Vienne, et il repose près de ses paroissiens à Chuyer où il a œuvré pendant 17 ans.
En 1951, René Mouterde avait reçu un prix de l’Académie, couronnant son travail de thèse soutenue en janvier (publiée en 1953). Après une première conférence en 1987 sur La géologie du Portugal et l’ouverture de l’Atlantique, et sa présentation par Alexis Chermette* le 3 mai 1988, il est élu le 7 juin au fauteuil 4, section 2 Sciences, succédant à Marcel Josserand*. Il prononce le 24 janvier 1989 son discours de réception intitulé La géologie et le temps. Le 7 février 2006, il présente sa dernière communication intitulée Les ammonites, fossiles de l’ère Secondaire, sont-elles un indicateur fiable du temps ?
J.-M. Exbrayat et J.-L.Taboureau, « Abbé René Mouterde, 1915-2007 », Rev. Univ. Catholique Lyon 12, 2007, p. 75-76. – Anonyme, « Père René Mouterde (1915-2007) », Bull. Munic. Tupins-et-Semons, décembre 2007. – C. Ruget, « René Mouterde (16 octobre 1915-28 juillet 2007) », Géochronique 105, 2008, p. 12, portrait. – Noël Mongereau, « René Mouterde (1915-2007) », MEM 8, 2009, p. 14-16, portrait.
Parmi les quelque 400 publications de René Mouterde, nous retiendrons : avec J. Rosset, « Le Lias de Saint-Quentin-Fallavier (Isère) », C.R. somm. Soc. Géol. France, 1948, p. 173-174. – « Études sur le Lias et le Bajocien des bordures nord et nord-est du Massif central français », Bull. Serv. Carte géol. France 50, n° 236, 1953, p. 63-521, 40 fig., pl. (thèse Lyon, 12 janvier 1951). – Lexique stratigraphique international I. Europe, fasc. 4 : Lias France, Belgique, Pays-Bas, Luxembourg, Paris : CNRS, 1956, 107 p., 2 cartes. – Quatre contributions dans « Colloque du Lias français », Mem. BRGM n° 4, 1961. – Avec S. Elmi : « Le Lias inférieur et moyen entre Privas et Aubenas (Ardèche) », Trav. Lab. Géol. Fac. Sci. Lyon (ns) 12, 1965, p. 143-246, 31 fig., 10 pl. – « Le Lias du Portugal, vue d’ensemble et divisions stratigraphiques en zones », Communic. Serv. Geol. Portugal 52, 1967, p. 209-225. – Avec P. Bordet, M. Colchen, P. Lefort et M. Rémy, « Données nouvelles sur la géologie de la Thakkhola (Himalaya du Népal) », Bull. Soc. Géol. France (7) 9-6, 1967, p. 883-896, 4 fig. – Avec J. Rosset, « La nappe supérieure des klippes de Savoie, stratigraphie du Rhétien et du Lias », Trav. Lab. Géol. Grenoble 43, 1967, p. 129-137, 2 fig. – Avec C. Ruget, « Le Lias moyen de Sao Pedro de Muel, I. Céphalopodes ; II. Foraminifères », Communic. Serv. Geol. Portugal 54, 1970, p. 39-74, et p. 79-108, fig., pl. – Avec M. Ramalho et alii, « Le Jurassique du Portugal, esquisse stratigraphique et zonale », Bol. Soc. Geol. Portugal, 18, 1971, p. 73-104. – Avec G. Dubar, « L’Aalénien et le Toarcien terminal du Haut-Atlas, esquisse paléogéographique », Bull. Soc. Géol. France (7) 20-2, 1978, p. 169-178. – Avec G. Dubar , « Études paléontologiques sur le Lias du Maroc : les formations à ammonites du Lias moyen dans la Haut-Atlas de Midelt et du Tadla », Notes Mém. Serv. Géol. Maroc 274, 1978, 112 p., fig., pl. – Avec R.B. Rocha et J. Delance, « Atlas des fossiles caractéristiques du Lias portugais, I. Lias inférieur ; II. Carixien », Ciencias Terra 6, 1981, p. 49-76, ill. ; 7, 1985, p.187-254, ill. – Avec J.-L. Dommergues, « Les Acanthopleurocératinés portugais et leurs relations avec les formes subboréales », Ciencias Terra, 6, 1981, p.77-100.