Dictionnaire historique des académiciens de Lyon

Préface
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La recherche est faite par sous chaîne, insensible à la casse et aux accents.

CHERMETTE Alexis (1902-1996)

par Louis David.

 Jean-Marie Alexis Chermette est né le 16 juillet 1902 à Lyon 6e : déclaré à l’état civil le 17 par son père Jean Joseph, dessinateur (ancien élève de l’école des Beaux-Arts, artiste de talent, qui avait installé dans le quartier des Terreaux un atelier de création et de fabrication d’ornements d’église), demeurant 31 rue Cuvier avec sa mère, Mathilde Guénot, issue d’une famille bourguignonne de la région de Chalon-sur-Saône. Témoins : Jean-Claude Chermette, expert-comptable, grand-père de l’enfant, et Jean-Marie Chermette, comptable, son grand oncle.

 Son enfance sans histoire le conduit à des études secondaires au lycée Ampère de Lyon. Mais c’est en Bourgogne, auprès de ses grands-parents maternels, que le jeune Alexis développe son intérêt pour les sciences naturelles en jouant dans les carrières exploitées par son grand-père. Après le lycée Ampère, ses études le mènent à la faculté des Sciences de Lyon où il acquiert une licence ès sciences naturelles. Il entre alors à l’Institut de Géologie de Nancy (devenu École nationale supérieure de Géologie) et il en sort en 1924, à l’âge de 22 ans, avec le diplôme d’ingénieur-géologue. À l’époque, en France, le jeune géologue ne peut faire carrière que dans l’Université où les places sont évidemment fort rares. Alexis doit s’expatrier vers les pays d’outre-mer, colonies françaises ou autres, et trouver une situation dans des sociétés privées. À la fin de 1926, il part donc pour Madagascar, au service de la Compagnie générale de Madagascar qui exploite le graphite : la grande île est un véritable paradis pour la minéralogie, ce qui contribue à orienter définitivement sa carrière vers les mines et sa passion vers les beaux cristaux. En 1930, il change de société (Compagnie minière de la Haute-Volta) pour la prospection de l’or dans ce qui est devenu aujourd’hui le Burkina Faso.

 La crise économique des années 1930 le contraint à revenir en métropole où il participe à l’étude de gisements de schistes bitumineux, sources potentielles de pétrole (déjà...). Mais sa prédilection pour les randonnées de terrain et son amour pour l’Afrique, le font repartir, dès 1932 pour Dakar, mais cette fois comme géologue du service des Mines de l’A.O.F. C’est le début de sa carrière dans les corps de l’État : il deviendra géologue, puis géologue en chef de la France d’Outre-Mer. Dans ce cadre, il retrouve bon nombre de ses condisciples de l’École de Nancy et sa vie suit un rythme semi-régulier : 8 mois de terrain, puis Dakar pendant la saison des pluies, et un congé de 6 mois tous les deux ans.

 Alexis Chermette prospecte la Côte d’Ivoire, la Guinée, le Mali, la Haute-Volta, le Togo, le Dahomey. Il n’est pleinement heureux que dans l’inconfort de la vie en brousse, parcourant à pied d’immenses territoires, vivant au plus près des populations indigènes. Le but de ses missions est de rechercher tous les gîtes de substances utiles exploitables. C’est ainsi qu’il découvre en 1936 un gîte d’or alluvionnaire dans le nord du Dahomey (Bénin), qui sera plus tard mis en exploitation. La prospection de l’or est le caractère dominant de sa jeune carrière puisqu’il le découvre aussi en Guinée, mais il s’intéresse aussi à des gisements de fer, de titane ou de bauxite.

 Durant la Deuxième Guerre mondiale, Chermette se voit confier l’évaluation du potentiel minier du Togo, ancienne colonie allemande passée sous contrôle français. À la fin des années 1940 est créé un organisme d’État, le Bureau minier de la France d’Outre-Mer, chargé de promouvoir la recherche minière dans tous les territoires français d’outre-mer. Il est détaché auprès de cet organisme au sein duquel, en 1950, il sera appelé à assurer la direction régionale du Cameroun. De là il poursuit un important programme de recherche en Guinée où il a décelé les indices d’un nouveau type de gîte d’or filonien, mais le résultat final sera décevant. En 1957, il quitte momentanément l’Afrique pour diriger le secteur des Nouvelles Hébrides, dans le Pacifique sud. Après cette année lointaine, il abandonne ses terres de prédilection, laissant derrière lui 32 années passées quasi sans interruption en Afrique. C’est donc en 1958 qu’Alexis Chermette est affecté au Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), à Paris, au titre de conseiller technique. Comme tel, il sera appelé à effectuer de nombreuses missions de terrain dans les Alpes du Nord.

 1958 est aussi l’année de son mariage, le 20 septembre à Lyon 3e, avec Anne Martiale Mouratille, fille d’industriels lyonnais bien connus, ce qui permet de comprendre sa fixation en métropole et son retour vers Lyon, sa ville natale.

 L’heure de la retraite administrative sonne pour Chermette en 1961, mais l’inactivité est une situation impensable et le démon du terrain ne le lâche pas pour autant : il reste conseiller de plusieurs sociétés minières et il deviendra expert-géologue auprès des Nations Unies. Ces fonctions l’entraînent vers de nouvelles missions, un peu partout à travers le monde, mais encore et surtout en Afrique. Lorsque les missions officielles cessent, c’est à titre privé, pour son plus grand plaisir, qu’il voyage au Mexique, au Brésil, en Afrique du Sud, en Chine via le Transsibérien…

 Très tôt, Alexis Chermette s’était découvert une passion pour la magique beauté des formes cristallines, et c’est la fluorite qui devient et restera son minéral de prédilection. Très important pour diverses industries chimiques ou métallurgiques, la fluorite est exploitée un peu partout dans le monde, en particulier en France, et c’est d’abord dans la région de l’Autunois, à partir des séjours chez ses grands-parents, que le jeune élève de Nancy étudie ses gisements, études qu’il étend à l’ensemble du massif Central de 1922 à 1926. C’est ensuite en professionnel que Chermette visitera les exploitations minières et deviendra le spécialiste mondial de ce minerai. Mais c’est aussi la séduisante beauté des cristallisations en cubes multicolores de la fluorite qui développe en lui une âme de collectionneur. Il garde auprès de lui les plus beaux spécimens qu’il peut se procurer, prêt à les échanger contre d’autres encore plus beaux ou plus rares. Ainsi se constitue une collection unique. En 1966, il adhère à la vénérable Société linnéenne de Lyon sur les instances de son ami Paul Pomarais, fervent minéralogiste amateur ; il en sera le président en 1977, et plus tard (1991) membre d’honneur ; il anime la société par de très nombreuses conférences et des excursions fort appréciées. Sa mémoire étonnante sert à émailler ses propos d’anecdotes savoureuses. Son activité lyonnaise s’oriente vers l’histoire des sciences et des techniques : il effectue un remarquable travail d’érudition pour faire revivre les grandes figures qui ont illustré la minéralogie française depuis le xviiie siècle : Martine de Bertereau, les Jars*, Schreiber, les Blumenstein*, Fournet*, Gueymard, Gonnard, Pierre Termier pour ne citer que quelques-uns.

 Depuis son enfance Alexis avait fréquenté le Muséum d’histoire naturelle de Lyon. Plus tard, dès le début de sa carrière professionnelle, il garde un contact privilégié avec le musée. C’est à lui qu’il lègue sa fabuleuse collection de fluorite et autres minéraux, ainsi que de nombreux documents constituant le fonds Chermette : cette donation est désormais le joyau de la section Minéralogie du Muséum.

 Chermette est chevalier de l’Ordre national du Mérite, officier de l’Étoile Noire du Bénin, chevalier de l’Ordre national du Dahomey.

 Il décède le 26 août 1996 à Lyon 3e, à 94 ans.


Académie

Sur un rapport de Marcel Josserand*, Chermette est élu le 4 juin 1974 au fauteuil 2, section 2 Sciences. Il prononce son discours de réception : La fluorine, le 5 novembre 1974 (résumé dans MEM 30, 1977, p. 36). Secrétaire général de la classe des sciences durant 20 ans (1976-1996). Son éloge funèbre est prononcé par Louis David*.

Alexis avait souhaité, au-delà de la donation au musée, qu’un prix puisse perpétuer sa mémoire ; ce souhait a été réalisé par son épouse, née Anne Mouratille : lors de son décès, en 2000, elle attribue par testament à l’Académie une dotation de 200 000 €, dont les revenus récompenseront un jeune chercheur pour ses études sur le terrain, dans tous les domaines des sciences de la Nature au sens le plus large. C’est le prix Chermette-Mouratille, qui sera décerné pour la première fois en 2016.

Bibliographie

Louis David, « Alexis Chermette, 1902-1996 », MEM 51, 1997, p. 20-22 (portrait). – Louis David, « Alexis Chermette, 1902-1996 », Nouv. Arch. Mus. Lyon 35, 1997, p.63-70, portrait. – Collectif dir. Michel Philippe, Alexis Chermette et la fluorite, Lyon : Mus. Hist. nat. Lyon, 2002, 143 p. ill. (bibl.). – Louis David, « Alexis Chermette, sa vie, son œuvre », in Alexis Chermette et la fluorite, 2002, p. 8-13, 6 fig.

Nombreuses autres notices dans les sociétés ou revues dont il était membre ou collaborateur : par exemple Société linnéenne de Lyon, Association française de gemmologie, Minéraux et Fossiles...

Publications

L’ensemble de l’œuvre d’Alexis Chermette comprend de très nombreux rapports inédits destinés aux sociétés et organismes qui l’emploient, mais aussi plus de 100 publications scientifiques, dans de multiples revues, y compris de nombreuses biographies de minéralogistes ou mineurs. On peut retenir : « Victor Lassalle, prospecteur auvergnat », Mines et Métallurgie, novembre 1964, 7 p. – « L’ingénieur en chef des Mines Joseph François de Champeaux (1775-1845) », in De la découverte de l’autunite à l’énergie nucléaire, 1975, Autun : Marcellin impr., p. 5-11, 3 fig. – « Un ingénieur des mines au xviiie siècle : Johann Gottried Schreiber (1746-1827), BSLL 44e année, n° 10, 1975, p. XXXIII-XLII. – « Les anciennes mines de Chessy et de Sain-Bel », BSLL, 46e année, n° 10, 1977, p. XXI-XXXVII. – « Ferdinand Gonnard, minéralogiste auvergnat », BSLL, 46e année, n° 3, 1977, p. XII-XX. – « La famille Jars et sa contribution à l’exploitation des mines lyonnaises aux xviiie et xixe siècles », BSLL, 50e année, n° 5, 1981, p. I-XI, 1 fig. – « Joseph Jean Baptiste Fournet (1801-1869) », BSLL, 52e année, n° 8, 1983, p. I-X, 1 fig. – « La famille de Blumenstein et l’exploitation des mines du Forez aux xviiie et xixe siècles », BSLL 58-4, 1987, p. I-XII, 3 fig. – « Avec les pionniers de la recherche minière en Afrique occidentale française », MEM 48, 1993, p. 98-107, 2 fig. – « Le Creusot, première concentration fer-charbon », MEM 49, 1994, p. 122-132, 3 fig. – « Jacques Cœur », BSLL 65-6, 1996, p. I-XIII, 3 fig.

Quelques livres : L’or et l’argent, aventures d’un minéralogiste au xviiie siècle [consacré à Johann Gottfried Schreiber], Grenoble : PUGrenoble, 1981, 121 p., ill. – La fluorite, Paris : Lachurié, 1986, 172 p., 27 fig., 10 cartes, 5 tabl., 4 pl. – Minéraux, mines et minéralogistes lyonnais au xixe siècle, Lyon : ELAH, 1993, 94 p., ill.