François Rozier, septième enfant sur quatorze naissances d’Antoine Rozier (Vienne, paroisse de Saint-André-le-Bas 1690-Sainte-Colombe [Rhône] 1757) – maître tireur d’or, alors écuyer, conseiller du roi, contrôleur provincial des guerres au département de Touraine – et d’Andrée Tollin (Lyon Saint-Nizier, 1706-1758) est né le 23 janvier 1734 dans une maison de la place Saint-Nizier où, cent ans plus tard, on placera une pierre commémorative (Thiébaud de Berneaud, in Société Montyon et Franklin, Portraits des hommes utiles, 1835). Parrain : François Lantilhon, marchand épicier ; marraine : Jacqueline Sornin, sa grand-mère maternelle, épouse de Jacques Philippe Tollin, marchand. Sa sœur Marie Jacqueline Rozier (1730-1793) épousa Louis Mongez (1716-1791) marchand de dorures, frère de l’académicien lyonnais Antoine Mongez* (1723-1783) ; de ce mariage naquirent un autre Antoine Mongez (1747-1835) – membre de l’Institut et membre associé de l’académie de Lyon – et Jean André Mongez (1750-1788), dit le Jeune, chanoine régulier de Sainte-Geneviève : en 1785 ce dernier, éminent savant minéralogiste, embarqua avec Lapérouse sur la Boussole, pour périr en 1788 à Vanikoro (une des îles Salomon dans le Pacifique), et l’un des trois squelettes découverts récemment sur l’épave de la Boussole à Vanikoro est probablement le sien. La nièce de François Rozier, Marie Benoîte Joséphine Rozier (1776-1819), fille de son frère aîné Jacques Mathieu Rozier (1725-1776), négociant à Lyon, et de Françoise Catherine Gontard (1745-1813), a épousé le 7 avril 1793 Nicolas François Gonthard*.
François est élevé par les jésuites au collège de Villefranche ; il poursuit ses études à l’université de Valence, où il est reçu maître ès-arts le 31 juillet 1752, puis au collège-séminaire Saint-Irénée à Lyon. Très attiré par les disciplines scientifiques, il est ordonné prêtre en 1758 sans véritable vocation. L’un de ses frères, héritier du domaine familial de Sainte-Colombe sur les bords du Rhône, lui confie la gestion de l’exploitation agricole où il développe ses talents d’agronome. Il se lie d’amitié avec le botaniste Marc Antoine Claret de La Tourrette*, le médecin botaniste Gilibert* et Jacques Willermoz*, médecin de la future école vétérinaire. Il rencontre Claude Bourgelat qui vient de créer à Lyon la première école vétérinaire en Europe. Il y devient professeur de matière médicale et de botanique et crée avec son ami La Tourette le premier jardin botanique de Lyon sur l’emplacement initial de l’école vétérinaire dans le quartier de la Guillotière. Il remplace en 1765 Bourgelat, parti pour Alfort créer une seconde école vétérinaire, comme directeur de l’enseignement de l’école de Lyon (l’École Royale de Médecine-Vétérinaire de Lyon). Il herborise avec Rousseau venu à Lyon et se rend avec lui en Chartreuse en 1768. À la suite d’une brouille avec Bourgelat, jaloux de ses succès, il est révoqué par le ministre Bertin. Bourgelat fera même disparaître les Démonstrations élémentaires de botanique écrites par Rozier et Claret de La Tourette à l’intention des étudiants, et les remplacera par un de ses propres manuscrits.
Après un court séjour à Sainte-Colombe dans la propriété familiale, il s’installe à Paris, où ses revenus ecclésiastiques lui permettent d’acheter en 1771 le privilège des Observations sur l’histoire naturelle, sur la physique et sur la peinture, publié chez Delaguette à Paris, fondé en 1752 par Jacques Gautier d’Agoty et continué par Toussaint : il le rebaptise Tableau du travail annuel de toutes les Académies de l’Europe ou Observations sur la physique, l’histoire naturelle et sur les arts et métiers, avant de revenir en 1773 à la seconde partie du titre : Observations… ; ce journal est souvent désigné sous le nom de Journal de physique de l’abbé Rozier. Il lui survivra jusqu’en 1816. Ce périodique mensuel, qui fut le premier des journaux scientifiques modernes, avec des correspondants dans toute l’Europe et même en Amérique (Benjamin Franklin) acquiert rapidement une dimension internationale. Les plus grands noms de la science de l’époque comme Lavoisier, Priestley, Berthollet, Chaptal ou Parmentier, écrivent dans ses colonnes. Les articles sont publiés en moyenne trois mois après leur rédaction, ce qui constitue un exploit pour l’époque. Rozier sera en procès avec Gautier d’Agoty sur les droits d’auteur, le premier estimant avoir créé un journal original, le second réclamant une rente viagère de 9 800 £. Le journal sera repris vers 1780 par son neveu, Jean André Mongez le Jeune, jusqu’à son embarquement sur la Boussole, quoique le nom de l’abbé Rozier figure encore sur la couverture en 1782.
Rozier publie en 1775-1776 une Nouvelle table des articles contenus dans les volumes de l’Académie royale des sciences de Paris, depuis 1666 jusqu’en 1770, dans ceux des Arts et Métiers publiés par cette Académie, et dans la Collection Académique. Cet ouvrage en quatre volumes constitue un outil de travail remarquable et soigné ; il contient au tome IV, sous une pagination à part, une « Table des noms des académiciens et de leurs correspondants ». Un peu plus tard, le 20 août 1783, Rozier sera nommé correspondant du duc de La Rochefoucauld à l’Académie des sciences.
Turgot envoie François Rozier plusieurs fois en mission, en Corse d’octobre 1775 à mai 1776, notamment pour dresser une carte, puis en Hollande avec Desmarets, pour faire un rapport sur les moulins à huile. Gilibert persuade le roi de Pologne Stanislas II Auguste de faire venir l’abbé pour créer dans ce royaume une école d’agriculture mais ce dernier refuse. Il obtient le bénéfice du prieuré de Nanteuil-le-Haudouin (Oise) et la seigneurie de Chevreville en décembre 1779. Grâce à ses nouveaux revenus ecclésiastiques, il achète en juillet 1780 une propriété à Beauséjour près de Béziers, qu’il transforme en domaine expérimental où il étudie le soin à donner à la vigne, ainsi que la vinification et la production des produits dérivés du vin. Il entreprend la rédaction de son Dictionnaire d’agriculture. De cet ouvrage aux dimensions encyclopédiques, neuf volumes seront publiés par lui de 1781 à 1788 à Paris, et deux autres après sa mort.
Il retourne à Lyon, à la suite d’un procès avec l’évêque de Béziers pour un droit de passage. Là, il achète à la Croix-Rousse un clos qu’il aménage en jardin anglais. Il est nommé chanoine honoraire du chapitre de Saint-Paul en 1787. On lui confie la direction de la pépinière royale et il fonde à Vaise une école d’arboriculture (ancêtre de l’actuel lycée agricole de Dardilly), qui fonctionnera jusqu’en 1791. Prêtre sympathisant avec les idées nouvelles, il prête serment en 1791, et il est nommé citoyen-curé constitutionnel de Saint-Polycarpe. Dans l’exercice de son ministère, il traduit une partie des textes des offices en français ce qui lui vaut les félicitations de l’évêque Lamourette. Il va, dans le cadre de la fête de la Fédération, porter les vœux de l’Académie à la nouvelle municipalité. L’abbé Rozier fonde avec l’aide de la loge maçonnique de la Bienfaisance une société philanthropique qui prend en charge plusieurs milliers de pauvres gens. Il est inscrit à la loge des amis réunis.
Pendant le siège de Lyon en 1793 François Rozier tente d’appeler la population au calme et à la réconciliation. Lors d’un service religieux à l’église Saint-Polycarpe à la mémoire des victimes de la sanglante journée du 29 mai 1793, il dira : « Écoutons les voix plaintives qui s’élèvent du fond de ce sarcophage […] elles nous disent [… que] si l’on avait respecté les lois, nos corps seraient plein de vie, mais les partis se sont élevés contre les partis, l’ami est devenu l’ennemi de son ancien ami […] de cette lutte générale est née la calamité publique ».
Pendant la nuit du 28 au 29 septembre alors qu’il dormait dans la maison de l’Oratoire, où se trouve la cure, il est tué par « l’éclat d’une bombe », selon les termes de l’officier d’état civil Jean Louis Coste, citant le procès-verbal du même jour par le citoyen Boivin, juge de paix du canton du Nord.
L’abbé Rozier, habitant alors à Paris, est élu à l’unanimité membre associé de l’académie de Lyon le 19 novembre 1771. Il venait de faire présent à la compagnie de ses trois premiers volumes des Observations. De nouveau domicilié à Lyon, il est élu membre ordinaire dans la classe des sciences le 22 avril 1788. On ne trouve pas de discours de réception de lui en 1788, mais le 25 novembre il « a fait lecture des observations sur un arc en ciel lunaire qui avoient été présentées de sa part, mardi dernier » ; il les relit à la séance publique du 2 décembre. Il préside l’Académie le 2e semestre 1789.
Il a appartenu à une quinzaine de sociétés savantes : académies de Villefranche, de Dijon, de Marseille, de Nîmes, de Flessingue, Société impériale de physique et de botanique de Florence, de Zurich, de Madrid ; il est correspondant de l’Académie des sciences de Paris, de la Société des arts de Londres, de la Société philosophique de Philadelphie, etc.
Une rue du 1er arr. de Lyon porte le nom de l’abbé Rozier.
Jean Sgard [qui le prénomme par erreur Jean Baptiste François], art. in Dict. des Journalistes. – Anne-Marie Chouillet, art. in Dict. des journaux 1600-1789. – Le gazetier universel, ressources numériques sur la presse quotidienne, bibliothèque virtuelle entreprise par Denis Reynaud*. – Pierre Laviolette* [qui le prénomme Jean François], art. in David*, p. 235-238. – Benoît et Corneloup, art. in DHL. – Jack Bost*, Lyon berceau des sciences vétérinaires, Lyon : ELAH, 1992. – Fabien Clerc, « La soutane, le compas et le plançon : l’abbé Rozier (1734-1793) », in Sine Dolo II, 2000, p. 84‑141 : « Maturation d’un homme des lumières » ; Sine Dolo III, 2001, p. 16-80 : « Lumières et Agronomie de 1771 à 1786 » ; Sine Dolo IV, 2002, p. 20-68 : « Roziers à Lyon ou les Lumières tous azimuts » ; Sine Dolo V, 2003, p 84-141 : « Le développement de la pédagogie agronomique à Lyon » ; Sine Dolo VI, 2004 : « L’engagement dans la révolution ». – Fabien Clerc, « L’abbé Rozier à Lyon (1785-1793) », BSHALL 34, 2004-2005, p. 225-253.
Son buste en marbre, sculpté par Joseph Chinard, placé sur une stèle construite par le sculpteur Pierre Marie Prost, avec la mention : Au Columelle français, Lyon, sa patrie 1812, a été inauguré le 11 août 1812 à l’entrée de l’ancien Jardin des Plantes. Le monument, abîmé lors du transfert du jardin botanique au parc de la Tête d’Or en 1850, est réinstallé à l’entrée du nouveau jardin après réfection par Étienne Pagny. Celui-ci aurait fait trois répliques en plâtre dont l’une a été confiée au Musée des Beaux-Arts. – « L’abbé Rosier [sic] » figure parmi les quinze bas-reliefs en médaillon représentant des Lyonnais et des Lyonnaises célèbres qui ornent l’immeuble à l’angle de la rue de Constantine et de la rue Paul-Chenavard. – Il est présent sur le tableau Célébrités lyonnaises (1873) de Jean-Baptiste Chatigny. – Un portrait peint par Jean-Marie Jacomin existe également à la mairie du 9e arrondissement. – Son effigie figure sur la médaille de la Société d’Agriculture, d’Histoire naturelle et Arts utiles de Lyon, gravée par Jean-Marie Chavanne en 1807, ainsi que sur deux jetons de cette société : le premier, en 1821, par Pillart, le second, en 1834, par Armand Caqué (voir Henry Morin-Pons*, Lyon : Rey, 1900, p. 100-103, pl. XIII).
Ac.Ms189 f°8, avec Willermoz, Le Camus, Gilibert, Rapport sur le blanchiment des fils de coton et de chanvre par M. Marcors, 28 juin 1791. – AcMs141 f°2, Rapport sur un ouvrage de M. Riboud sur les avantages qui doivent résulter pour le département de l’Ain de la nouvelle administration, 22 juin 1790.
Avec Marc Antoine Louis Claret de La Tourrette*, Démonstrations élémentaires de botanique, contenant les principes généraux de cette science, l’explication des termes, les fondemens des méthodes, et les élémens de la physique des végétaux ; la description des plantes les plus communes, les plus curieuses, les plus utiles, rangées suivant la méthode de M. de Tournefort et de celle du chevalier Linné, leurs usages et leurs propriétés dans les arts, l’économie rurale, dans la médecine humaine et vétérinaire ; ainsi qu’une instruction sur la formation d’un herbier, sur la dessiccation, la macération, l’infusion des plantes..., 1766 ; 2e éd., 1773, 2 vol. ; 3e éd. (considérablement augmentée), Lyon : Bruyset, 1787, 3 vol. ; 4e éd., 4 vol. Lyon : Bruyset, 1796, 2 vol. – Mémoire sur les meilleures manières de faire et de gouverner les vins de Provence soit pour l’usage, soit pour leur faire passer les mers, Marseille : Brébion 1771 ; 2e éd. Lausanne et Lyon : Rosset, 1772 (ce mémoire vaudra à Rozier un prix de l’Académie de Marseille en 1770). – Démonstrations élémentaires de botanique à l’usage de l’École royale vétérinaire, Lyon : Bruyset, 1773. – Nouvelle table des articles contenus dans les volumes de l’Académie royale des sciences de Paris, depuis 1666 jusqu’en 1770, Paris : Ruault, 1775-1776, 4 vol. – Cours complet d’agriculture théorique, pratique et économique, et de médecine rurale et vétérinaire, suivi d’une Méthode pour étudier l’agriculture par principes, ou Dictionnaire universel d’agriculture, par une société d’agriculteurs, et rédigé par M. l’abbé Rozier, 10 vol., Paris : rue et hôtel Serpente, pour les tomes 1 à 7, Delalain pour le tome 8, Moutardier pour les tomes 9 et 10 (parus après la mort de Rozier) ; deux volumes supplémentaires paraissent encore en 1805, Paris : Marchant. – Traité théorique et pratique sur la culture de la vigne, avec l’art de faire le vin, les eaux-de-vie, esprit de vin, vinaigres, Paris : Delalain, 1801.