Dictionnaire historique des académiciens de Lyon

Préface
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La recherche est faite par sous chaîne, insensible à la casse et aux accents.

DEVILLERS Charles Joseph (1724-1810)

par Pierre Crépel.

 La source principale de sa biographie est la notice de Mulsant*, mais elle doit être complétée par les manuscrits et registres de l’Académie. Né à Rennes le 24 juillet 1724 [d’après Mulsant, acte non trouvé] de Joseph Antoine de Villers, noble, et Marie Antoinette Lobchelon (?) [d’après les actes de mariage et de décès, Lyon]. Charles de Villers (en général écrit « Devillers » dans les registres) perd tôt sa mère, son père se remarie et, avant l’âge de dix ans, il doit se réfugier à Paris chez une amie de sa mère, qui s’occupe de son instruction. À dix-huit ans, il ouvre un cours public de physique. Il vient s’établir à Lyon en 1753, protégé par la veuve Maynard, et y donne des cours qui doivent recueillir un certain succès, puisqu’il est élu associé de l’Académie dès cette année. De ces cours sortent l’ouvrage Journées physiques, en 1761, rédigé comme une suite d’entretiens avec la comtesse de Rochouart (à qui il est dédicacé), sur les diverses parties de la physique, dans le genre de Fontenelle, de l’abbé Pluche et des Lettres à une princesse d’Allemagne d’Euler. Cet ouvrage est publié sous privilège, bénéficiant de l’approbation signée de l’abbé Audra*. Le Journal encyclopédique en fait une recension louangeuse. D’autres cours de physique professés pendant les années 1766-1768 sont cités dans la bibliographie de Bollioud*, mais nous ne les avons pas trouvés. Devillers s’occupe de toutes les parties de la physique, mais au cours des années qui suivent on voit, dans ses lectures à l’Académie, qu’il s’intéresse particulièrement à l’électricité, où il prend le parti de Franklin contre Nollet, ce que certains de ses confrères ne lui pardonnent pas (Ac.Ms227 f°130v). Il est particulièrement motivé par les applications médicales de l’électricité, notamment pour guérir les paralytiques (Ac.Ms227 f°85-103), sujet sur lequel il revient à de nombreuses reprises, cherchant à inventer des appareils qui ciblent les parties à soigner. Cela ne l’empêche pas de réfléchir aux aspects théoriques, historiques, voire philosophiques de l’électricité et, plus généralement, de l’astronomie, de l’hydraulique, de l’optique, mais aussi des machines de toutes sortes. Il s’exprime sur les grands savants de la science classique : Tycho-Brahé, Copernic, Kepler, Galilée, Bacon, Huygens, Cassini, il envisage d’ailleurs de publier un ouvrage sur « l’histoire du progrès humain relativement aux mathématiques » (registre du 29 novembre 1768). Il s’est formé un très beau cabinet, composé avec l’aide de sa femme, il le fait même visiter par l’Académie le 3 août 1765. Mais il vend ses collections pour une rente de 2 000 livres. Il doit former un nouveau cabinet et reprendre ses cours, dont un cours public de mathématiques dans une salle de l’Hôtel-de-Ville.

 L’intérêt continué de Devillers pour la physique a pour pendant des travaux en histoire naturelle. Il aide le père Jacques-Louis-Florentin Engramelle (1734-1814) pour ses Papillons d’Europe (Paris, 8 volumes, 1779-1792). Se consacrant surtout aux plantes et aux insectes, il se lie à l’abbé Castiglion*, à La Tourrette*, au P. Lefebvre* et surtout à Tissier*. Il projette de faire imprimer à Paris un ouvrage très considérable, sous le titre Théorie de l’acide phosphorique, ou Exposition des phénomènes de la physique qui dépendent de l’acide primitif (il demande l’autorisation de prendre le titre d’académicien à la tête du livre, dit l’abbé Mongez* le 4 septembre 1781, ce qui lui est accordé unanimement le 11), mais nous n’avons pas vu trace de cet ouvrage. En 1784, il publie une réfutation des théories de Mesmer sur le magnétisme animal, sous le titre Le Colosse aux pieds d’argile, dans laquelle D’Alembert est donné plusieurs fois en exemple pour sa méthode scientifique. Son principal ouvrage est une édition de l’entomologie de Linné : Caroli Linnoei entomologia, etc., en 1789, en 4 vol. Devillers appelle lui-même ce travail « son grand ouvrage ». C’est, dit-il, le fruit de vingt-cinq années d’études, de courses, de recherches. Malheureusement il est resté trop près de Linné, n’a décrit qu’un petit nombre d’espèces nouvelles et n’a pas suffisamment tenu compte des recherches ultérieures de Geoffroy, Fabricius, Geer, Scopoli, etc., et son livre ne peut être considéré que comme une compilation utile.

 Devillers vit depuis longtemps avec Louise Chantepinot, fille de Pierre Chantepinot et de Claudine de Lisle, dont il a une fille, surnommée Louise Brunet, le 13 décembre 1773 et baptisée le 15 « au grand hotel dieu du pont du Rhone »; ils se marient le 30 décembre 1785 [acte de mariage, paroisse Saint-Nizier]. Sous la Révolution, il prend part à la défense de Lyon contre la Convention, en utilisant des instruments d’optique qui lui sont confisqués par la suite. La Révolution interrompt ses travaux, qu’il reprend cependant, dans la retraite, participant à l’ouvrage de Tissier, Essai sur la théorie des trois éléments (1804) contre Lavoisier. Ainsi, Tissier dit dans son introduction (p. xlij-xliij) : « Mes collaborateurs ont été [...] M.***, ancien professeur de mathématiques et de physique. Ce dernier, quoiqu’octogénaire, a bien voulu rédiger les réflexions que nous avons faites sur les travaux des célèbres fondateurs de la chimie anti-phlogisticienne. » Devillers meurt à Lyon à 85 ans, le 3 janvier 1810 à 8 heures. Devenu veuf, il était « rentier » et habitait 119 quai Saint-Clair.

 Charles Joseph Devillers ne doit pas être confondu avec Charles de Villers (1765-1815), auteur du Magnétiseur amoureux (1787) et propagateur de la philosophie de Kant en France.


Académie

Proposé comme membre associé de l’Académie des beaux-arts, alors appelée Société royale, le 14 décembre 1753, il est élu le 21 et prononce un remerciement de réception le 28. Il en démissionne lors de l’affaire D’Alembert-Tolomas*, prenant comme Audra et Goiffon* le parti du premier, le 21 février 1755. Près de dix ans plus tard, le 29 mai 1764, il est proposé par Charles Borde* comme membre titulaire de l’académie réunie, ou Académie des sciences, belles-lettres et arts de Lyon, en même temps que Goiffon, à la place des jésuites Béraud* et Dumas* (amis de feu Tolomas), expulsés du royaume et démissionnaires le 15 mars. Les deux hommes « que des raisons particulieres avoient engagés à se démettre » sont élus le 5 juin et dispensés de la cérémonie d’installation publique ; ils prennent séance le 7 juin. Le nouvel académicien est tout de suite très présent : le même jour, il est nommé commissaire (avec Goiffon et Valernod*) pour le choix du sujet de prix de mathématiques; le 5 juillet, il est commissaire (avec Delorme* et Lallié*) pour examiner le mémoire de Goiffon sur les pressoirs à vin, etc. Il est actif pendant une vingtaine d’années, rapporte sur des mémoires et machines de personnes extérieures ; il est impossible de citer toutes ses interventions. Directeur de l’académie pour le second semestre 1767, il lit un discours d’ouverture avec compte rendu des travaux, le 1er décembre 1767 (Ac.Ms267-I f°61-72), contenant l’éloge de l’abbé Greppo*. Il est commissaire pour des jurys de prix importants, en particulier (avec Le Camus*, Admiral*, Lefebvre et Roux*) pour celui sur les aérostats en 1785 qui voit affluer une centaine de pièces. Il est aussi nommé commissaire le 1er mars 1785 pour celui, financé par le duc de Villeroy*, sur l’optique et la théorie de Newton, auquel concourt Marat, alors en conflit avec l’Académie des sciences de Paris. Les conditions d’examen de ce prix sont discutées lors des séances suivantes, notamment à propos du coût occasionné par les expériences à effectuer (lettre du 9 mars, Ac.Ms268-IV f°226). Curieusement, Devillers demande à être mis sur la liste des vétérans le 22 mars 1785, mais annonce qu’il continuera à examiner les pièces du concours d’optique ; il est même noté comme commissaire principal à la séance du 10 mai. Il réalise à ce sujet des expériences avec Tissier, confirmant ainsi les théories de Newton, réfutant celles de Marat (comme l’explique Mollet dans l’éloge de Tissier) et couronnant l’abbé Flaugergues, astronome de Viviers, pour ce prix. Il convient de noter que Marat a des défenseurs prestigieux dans sa critique de Newton : ainsi Romé de l’Isle (Ac.Ms268-IV f°347). Bien qu’ayant demandé la vétérance, Devillers est élu directeur de l’Académie pour le second semestre 1785. Son discours d’ouverture de l’assemblée publique du 5 décembre 1785 est conservé (Ac.Ms267-II f°588-590) ; d’après le registre il devait contenir les éloges de l’abbé Mably, Pilâtre de Rozier et Barthe, associés (mais ils ne figurent pas dans le manuscrit). Il continue régulièrement à intervenir au cours des séances les années suivantes, jusqu’au début 1788 ; le 8 janvier de cette année-là, il propose d’envoyer une réponse personnelle à une contestation parue dans les journaux à propos du prix sur les théories optiques de Newton ; le 22 janvier, il fait part d’une machine de son invention pour électriser. Le 12 février 1788, il redemande la vétérance « vu son âge et le besoin de repos qu’exigeoit sa santé » : « l’académie après avoir renouvellé a M. de Villers les regrets qu’il luy inspiroit s’est vuë obligée de céder a ses instances, le scrutin a été apporté et le nombre de suffrages qu’exige le règlement n’étant point rempli, M. de Villers en a demandé un second avec prière a ceux de ses confrères qui avoient voté pour le conserver d’avoir égard a ses desirs, on est retourné au scrutin, le nombre cette seconde fois s’est trouvé suffisant et la place a été déclarée vacante ». Cette démission est-elle vraiment due à l’âge ou à quelques mésententes? Les registres ne le disent pas, mais la suite permet de se poser la question. Lors de la reconstitution de l’Académie en 1800 sous le nom d’Athénée, Devillers est noté « associé libre » (Almanach pour l’an IX, p. 108). Mais le jour même de la réédification de l’Athénée le 24 messidor an VIII, il répond au préfet pour décliner l’invitation à rejoindre cette académie reconstituée (Ac.Ms275-I f°3). On note, dans sa réponse, une certaine amertume : « J’ai apartenu, pendant plus de 40 ans à différens corps litteraires, j’ai vu le despotisme s’y introduire et au moment de leur catastrophe, on ne pouvoit plus, sans inconvenient, avoir une opinion à soi. » En tout cas, il ne participe pas à ses travaux. Malgré cela, la catégorie des associés libres n’existant plus, il est placé dans la liste des « titulaires » (de l’Almanach pour l’an XII jusqu’à celui pour 1809), puis dans celle des « titulaires émérites » qui vient d’être créée (Almanach pour 1810). Sa mort est annoncée à l’académie le 9 janvier 1810, mais nous n’avons pas vu de mention d’éloge. Il était aussi correspondant des académies de Villefranche, Rouen et Marseille.

Bibliographie

Bollioud, p. 229-231. – Dumas, I, p. 308-309. – Michaud 2, t. X, p. 585a-b. (A. Beuchot). – Étienne Mulsant, Notice sur C.J. de Villers, Lyon : Barret, 1840, 15 p. extrait des Annales SAHAL 3, 1840, p. 243-253 [voir aussi MEM S 25, 1881-1882, p. 308, après une notice de Locard sur Mulsant, annonçant cette notice comme publiée dans la Revue du Lyonnais 10, en 1839]. – Joseph Mollet, « Éloge historique de feu Mr François Tissier pharmacien membre de l’Académie de Lyon » (Ac.Ms140-II f°94-100). – J. Richardot, DBF.

Manuscrits

Mémoire sans titre [Description d’une expérience des effets de l’électricité appliquée sur les parties affligées de paralysie, sans émotion du reste du corps], 10 juillet 1764, 30 juillet et 6 août 1765 (Ac.Ms227 f°85-103). – Parallèle historique de Tycho-Brahé et de Copernic, 20 novembre 1770 (Ac.Ms138 f°90-98) et Parallèle de Copernic et de Tycho-Brahé et de leurs systèmes astronomiques, séance publique du 1er décembre 1772 (Ac.Ms207 f°256-261). – Dissertation sur la révolution des comètes et sur les divers degrés de leur rapprochement vers la terre, proposée le 10 décembre 1773, lue le 1er mars 1774 et en séance publique le 19 avril : Mémoire sur les comètes (Ac.Ms205 f°30-37). – Parallèle de MM. Cassini et Huygens, 13 décembre 1774 (Ac.Ms138 f°78-89). – Examen de l’hypothèse de M. Euler sur l’électricité, 5 et 19 décembre 1775 (Ac.Ms227 f°122-131).

Autres manuscrits mentionnés dans les registres ou par Bollioud, mais non retrouvés : Recueil d’observations sur le ver-lion et sur la mouche en laquelle il se transforme en insecte inconnu des naturalistes, 21 juin 1754. – Annales de l’astronomie, premier mémoire des recherches sur l’histoire de l’esprit humain relativement au progrès des sciences mathématiques, 29 novembre 1768 et séance publique du 11 avril 1769. – Parallèle historique de Kepler et de Galilée, 15 décembre 1772. – CR d’un phénomène d’électricité opéré sur la vue d’un homme dont « le nerf étoit sans doute paralisé », 18 mars 1777. – Prospectus d’une histoire générale des insectes de France décrits et classés selon la methode de Mr. Linnaeus, 1er février 1780. – CR des expériences faites sur l’air fixe, 22 février 1780. – Réflexions sur les travaux et la vie laborieuse des naturalistes, éloge de M. Thomas de l’académie française, associé de celle de Lyon, 6 décembre 1785 (Devillers envisage une publication le 9 décembre). – Avec Tissier, Discours préliminaire d’une dissertation sur l’acide élémentaire, ou examen des phénomènes physiques qui en dépendent, lu par Devillers à partir du 13 février 1787 (les auteurs envisagent une publication complète).

Rapports manuscrits conservés : Avec Rast*, Rapport sur le Concours de 1764 renvoyé à 1767 : déterminer le principe qui altère l’air des hôpitaux et indiquer les moyens d’y remédier, 17 novembre 1767 (Ac.Ms234-I f°636-644). – Avec Valernod, Rapport sur les sujets de prix de 1769, 10 février 1767 (Ac.Ms273-I f°13). – Avec Genève, Rapport sur un métier nouveau du Sieur Rivey, propre à fabriquer des étoffes tricotées façonnées, 21 juin 1771 (Ac.Ms189 f°46-49). – Lettre pour excuser son absence et instructions pour le concours, 7 janvier 1778 (Ac.Ms176 pièce7, f°28- 29. – Avec Delorme, Rapport sur un mécanisme inventé par le Sieur Soulary propre à fabriquer le velours de bordure en miniature, 1778 (Ac.Ms189 f°105). – Rapport concernant un mémoire de M. Ponchon qui a pour titre : Vues sur le calcul intégral, 22 février 1780 (Ac.Ms198 f°42-43). – Analyse de l’Essai sur l’électricité présenté par M. le comte de Lacépède, 18 décembre 1781 (Ac. Ms227 f°118-121). – Avec Brisson, Rapport sur le moulin à écacher du Sieur Charny, 1782 (Ac.Ms189 f°108-116). – Avec Lefebvre et Le Camus, Rapport sur l’aérostat, Les Brotteaux 19 janvier 1784 (Ac.Ms307 f°207-213). – Avec Le Camus et Lefebvre, Dissertation sur le fluide cause de l’ascension des aérostats (Ac.Ms232 f°26). – Avec Castillon et Tissier, Rapport sur le concours de 1786, relatif à la réfrangibilité des rayons solaires (Ac.Ms213 f°62-75). – Avec Gilibert, CR sur deux ouvrages de botanique, l’un intitulé Table des différentes parties des plantes et l’autre Explication du système de Linné et Villermoz, 11 septembre 1787 (Ac.Ms222 f°22-23).

Publications

Journées physiques, Lyon : Deville, 1761, 2 vol. (voir Journal encyclopédique, mars 1762, p. 3-24). – Le Colosse aux pieds d’argile, s.l., 1784. – Caroli Linnaei entomologia, Faunae Succiae descriptionibus aucta, Lyon : Piestre et de la Mollière, 1789, 4 vol.