Pierre Henri Révoil est né à Lyon le 12 juin 1776, baptisé le 13 à la paroisse de Saint-Nizier, fils d’Antoine Révoil (Limony [Ardèche] 20 novembre 1749-?), pelletier à Lyon, et de Marguerite Poncet, mariés à Saint-Nizier le 4 juillet 1775. Parrain : Pierre Poncet, fourbisseur ; marraine : Fleurie Latour, épouse d’André Révoil (1744-1808), pelletier, oncle de l’enfant. « Confié aux soins d’un oncle vertueux » (Martin-Daussigny*), ses parents ayant été ruinés par le siège de Lyon, il suit de 1793 à 1795, à l’École centrale de Lyon installée à l’Hôtel de ville après la fermeture de l’école de dessin, les cours d’Alexis Grognard (1752-1840), cousin germain de la mère de son ami et condisciple Fleury Richard*. Grognard a lui-même été formé par Joseph-Marie Vien (1716-1809), dans un atelier que fréquentait également Jacques-Louis David (1748-1825). Révoil a comme autre professeur Jean Gonichon, peintre de fleurs. À l’école, il se lie avec Pascal Gay (1775-1832), futur architecte qui a participé aux travaux de défense lors du siège de Lyon en 1793, et pour lequel il écrira plus tard une courte notice en tête du catalogue de sa bibliothèque. Pour gagner sa vie, il commence par travailler dans une manufacture de papiers peints, où il exécute des emblèmes patriotiques et de grandes figures allégoriques de la Liberté. En 1795, sur la recommandation de relations de son oncle, il est accepté comme élève par David et gagne Paris. Il se forme dans cet atelier, tout en fréquentant le musée du Louvre, celui des monuments français, à l’époque dans les locaux actuels de l’École nationale supérieure des beaux-arts, ainsi que la Bibliothèque impériale où s’éveille son goût pour l’histoire. Outre Fleury Richard, il s’y fait de nombreux amis dont Auguste de Forbin (1777-1841), futur chambellan et amant de Pauline Bonaparte princesse Borghèse (1780-1825), futur directeur des musées royaux, futur membre associé de l’Académie, qui l’aidera dans sa carrière et avec qui il écrit une comédie, Sterne à Paris ou le Voyageur sentimental, présentée au théâtre du Vaudeville en 1799 (rééditée par Nabu Press en 2013). Il continuera à écrire des poèmes publiés dans l’Almanach des muses ainsi que, selon Michaud, des romans historiques et des chants guerriers et chevaleresques dont il a composé la musique. Révoil revient à Lyon en 1800. Il y fait quelques portraits et donne des leçons de peinture. C’est le moment où le Premier consul pose la première pierre de la reconstruction de la place Bellecour. Révoil exécute plusieurs dessins montrant Bonaparte relevant les ruines de Lyon, et un premier tableau : L’entrée de Bonaparte à Lyon, qui est placé à l’Hôtel de ville. En 1803, sur les conseils de David, il est nommé directeur de l’École spéciale des arts du dessin créée par Napoléon pour relancer l’industrie des soieries, qui devient en 1807 l’École des beaux-arts sise au Palais Saint-Pierre. Révoil y exerce comme professeur de peinture. Il y est logé et a de nombreux élèves, essentiellement destinés à la Fabrique. Dès 1810, on double son traitement, pour le retenir à Lyon. Après quelques grandes peintures religieuses – Honneur au Sacré Cœur et Christ en croix (à Saint-Nizier), Assomption (à Saint-Rémy de Provence) –, il expose au Salon de Paris des tableaux dans le style dit « troubadour », de peintre d’histoires souvent anecdotiques du Moyen Âge et de la Renaissance, qui le rendent célèbre et le feront considérer, avec Fleury Richard, comme le principal peintre de Lyon. Il dessine aussi, en 1814, le blason de l’hôpital de la Charité et le jeton du Cercle littéraire dont il est membre. Il a commencé une collection d’objets médiévaux et renaissants, alors peu prisés, qui lui servent à illustrer ses tableaux d’après nature. Une bague en or de sa collection sert ainsi de modèle dans L’anneau de Charles-Quint (1810), acheté par Napoléon et conservé aujourd’hui à l’ambassade de France à Madrid. Ce tableau illustre une anecdote de la visite à Fontainebleau, chez François Ier, de l’empereur, en route pour réprimer la révolte de Gand. Charles-Quint en se lavant les mains laisse tomber son anneau ; la duchesse d’Étampes le ramasse et veut le rendre à son propriétaire qui lui rétorque galamment « Il est en de trop belles mains pour le reprendre ». Au moment du retour des Bourbons, Révoil devient clairement et, selon sa biographe Marie-Claude Donneret, sincèrement royaliste, sous l’influence de son ami le comte Auguste de Forbin, qui effectue le même virage. En 1816, le préfet ayant décidé la destruction, avec d’autres œuvres à la gloire de l’Empire, du tableau illustrant l’entrée de Bonaparte à Lyon, au prétexte de sa faible valeur artistique et de l’encombrement dû à sa taille, on affirme (Monfalcon*) que Révoil aurait participé à cette destruction en lacérant lui-même sa toile, brûlée ensuite dans une cheminée du Palais des Arts. Ses sentiments royalistes ont été récompensés par la Légion d’honneur, qui lui a été octroyée par le comte d’Artois à son passage à Lyon en 1814 et confirmée en date du 18 janvier 1815 (Martin-Daussigny [pas d’entrée dans la base Léonore]). Lyon, dont l’industrie de la soie a connu sous l’Empire une grande expansion et qui doit à Napoléon sa reconstruction après les destructions du siège, est restée majoritairement bonapartiste. D’où des troubles avec des scènes de pillage qui touchent notamment l’atelier de l’amie de Révoil, la sculptrice Clémence de Sermezy (1767-1850), membre associée de l’Académie, amie de Juliette Récamier dont elle a sculpté le buste, et qui tenait salon sous l’Empire ; sa galerie est saccagée pendant les Cent-Jours.
Pierre Révoil a épousé, le 6 février 1816, Joséphine Henriette Révoil (Aix-en-Provence 12 novembre 1797-29 avril 1869), fille de Fleury Antoine Révoil (1770-1826), directeur des postes à Aix-en-Provence, son cousin (fils de son oncle André et de Fleurie Jeanne Goillon [Guion] dit Latour), et d’Anne Henriette Leblanc de Servane (Avignon 1769-château de Servane, Mouriès 1834), fille elle-même du turbulent conventionnel hébertiste Jean Baptiste Benoît Le Blanc de l’Uveaune de Servane (Aix-en-Provence 1739-Paris 1822). Celui-ci se retire à Paris, bénéficiant d’une rente versée par son gendre Fleury Révoil en échange du domaine de Servane que, « négligent et prodigue, il a mal administré » (A. Maureau). Joséphine Henriette est la sœur aînée de la poétesse Louise Colet (Aix-en-Provence 15 septembre 1810-Paris 9 mars 1876), née Révoil de Servane, aussi violente que son grand-père, maîtresse de Victor Cousin (dont postérité), de Musset, de Vigny et de Flaubert.
Révoil se réfugie à Aix et dans la propriété de sa belle-famille, plus tard de sa femme, à Servane, située sur la commune de Mouriès (Bouches-du Rhône), près des Baux-de-Provence, dans les Alpilles, connue encore aujourd’hui comme « la première commune oléicole de France ». Revenu à Lyon en 1817, il continue son activité de peintre « troubadour », expose au Salon, mais se languit de la Provence où sont restés sa femme et son fils aîné. Le 21 mai 1817, Révoil est nommé peintre de la duchesse d’Angoulême, à qui il avait dédié un poème lors de son passage à Lyon. Ses fréquentes absences de Lyon lui attirent cependant des remarques du préfet, et il envisage de démissionner de son poste à l’École des beaux-arts. En 1818, il devient professeur honoraire et laisse sa place à Fleury Richard.
Résidant à Aix et dans la propriété de Servane, il continue à envoyer des œuvres au Salon et reçoit la commande du dessin de la statue du Roi René (1409-1480) sculptée par David d’Angers (1788-1856), qui se trouve toujours sur le cours Mirabeau à Aix. En 1821, il assiste au débarquement de la Vénus de Milo. Retrouvant un goût de jeunesse pour les Antiquités (il s’était beaucoup intéressé aux vases grecs pendant ses études à Paris), il dresse l’inventaire de celles acquises par la ville d’Aix. En décembre 1820, le gel a détruit les oliviers du domaine familial de Servane dont il tirait une partie de ses ressources, et des difficultés financières l’assaillent. À Paris, après l’assassinat du duc de Berry – les ultras ayant triomphé des modérés, courant auquel il appartient –, Auguste de Forbin, bien que resté directeur des musées royaux, peine à faire acquérir par la Maison royale des tableaux de Révoil, lequel pourtant continue régulièrement à exposer au Salon et a été nommé peintre de la Duchesse de Berry. Révoil veut alors reprendre son poste de professeur à Lyon, mais il se heurte à Fleury Richard qui n’entend pas le lui céder. Sous la pression de Forbin et de François Artaud*, directeur du musée de Lyon, après le rejet d’une proposition de partage entre les deux rivaux (chacun aurait enseigné six mois par an), Fleury Richard est révoqué, et Révoil nommé à sa place, en avril 1823, « pour redonner de l’éclat à l’école » qui, dit-on, déclinait. Il codirigera désormais l’école avec Artaud* et, le 11 juin 1823, il est, de plus, nommé directeur par intérim du musée, pendant la maladie d’Artaud. Son traitement est augmenté par deux fois, sans résoudre pour autant ses difficultés financières. C’est pourquoi, en 1828, par l’intermédiaire de Forbin, il choisit de vendre au roi Charles X, pour 60 000 francs, sa collection, alors abritée au palais Saint-Pierre. Cette collection compte peu de peintures : quelques primitifs italiens, allemands, flamands et français, que Révoil a lui-même restaurés ; elle compte en revanche de nombreux livres anciens, et surtout un cabinet de curiosités composé d’objets du Moyen-Âge et de la Renaissance : sculptures sur bois et sur ivoire, émaux, armes, meubles, bijoux, tapisseries ustensiles de la vie privée. L’achat de ces « gothicités », comme il les appelait, sera l’acte fondateur du département des objets d’art du Louvre. En 1830, fidèle à ses convictions légitimistes, il refuse de prêter serment à la Monarchie de Juillet (selon Michaud, ce refus serait une légende, il s’agirait seulement d’un retard involontaire à répondre à une lettre officielle). Il doit alors abandonner son poste à l’École des beaux-arts et s’exile à nouveau à Servane où, ne percevant même pas une pension d’ancien professeur, il n’a pour vivre que les revenus du domaine. Son épouse doit vendre quelques biens immobiliers qu’elle possède à la Croix-Rousse à Lyon. Pour améliorer ses ressources, Révoil dessine en série des dessins que sa femme essaie d’écouler à Lyon. Il manque la commande d’un tableau votif à Notre-Dame de Fourvière, qui échoit à un de ses élèves Victor Orsel dont le Vœu du choléra orne toujours la basilique. Venu en 1838 résider à Paris, pour retrouver une certaine faveur, il obtient deux commandes du musée historique de Versailles : Tancrède prend possession de Bethleem (qui s’y trouve toujours), et La donation de la Provence à la France, illustrant l’acte par lequel Palamède de Forbin, ancêtre de son ami Auguste, avait convaincu Charles d’Anjou de désigner Louis XI comme son héritier ; ce tableau (qui avait disparu) est depuis 2014 au musée Granet à Aix-en-Provence. Après le salon de 1841, où il a encore exposé, l’État, pour aider Révoil « vieux et très malade », lui achète L’enfance de Giotto (musée des beaux-arts de Grenoble), et le conseil municipal de Paris lui octroie une pension de 12 000 francs.
Pierre Révoil meurt à Paris, « dans un grenier » (Martin-Daussigny) 58 rue de Vaugirard, le 19 mars 1842. Ses funérailles sont célébrées à l’église Saint-Sulpice, le 21 mars. Il est inhumé au cimetière de Mouriès.
Quatre de ses tableaux sont encore présentés de manière posthume au Salon de 1843, mais il est passé de mode, et ses élèves, comme Orsel ou Martin-Daussigny, qui ont fait le voyage d’Italie, explorent maintenant des formes et des couleurs très différentes et qui plaisent davantage. Révoil était membre de la Société littéraire de Lyon qui a succédé au Cercle littéraire, et membre correspondant de l’Institut depuis 1828. Alors que son fils aîné, Benedict (Benoît) Henri (Aix-en-Provence 11 décembre 1816-Paris 14 juin 1882), après avoir voyagé plusieurs années aux États-Unis où il a écrit des comédies en anglais, publie (sous le nom d’Henry Révoil) des récits de voyage, des romans et des traductions, le fils cadet, Henri Antoine (Aix-en-Provence 18 juin 1822-Nîmes 13 décembre 1900) fait une brillante carrière d’architecte des monuments historiques dans le Sud de la France. Son œuvre la plus importante est l’achèvement de la cathédrale de la Major à Marseille, mais il a aussi participé à la restauration de nombreux édifices religieux et antiques, en particulier à Nîmes où, au Jardin de la Fontaine, un buste (fondu sous Vichy) commémorait ses travaux. Il est l’architecte du temple protestant d’Alès (Gard). Un des fils d’Henri, Paul (Nîmes 1856-Mouriès 1914), a été gouverneur général de l’Algérie et diplomate. Il a donné son nom à un cours de Mouriès où se trouve la propriété familiale de Servane (devenue Servanes), transformée aujourd’hui en hôtel de charme avec golf.
Nommé émule à l’Athénée en 1800, Révoil devient membre de l’Académie en 1809. « Pour réparer ses pertes », la Compagnie décide alors d’« accorder tout de suite le rang de membres ordinaires aux émules et associés qui [lui] appartenait par un premier choix ». Révoil, avec les peintres Richard et Grobon*, fait alors partie des sept membres concernés. En 1811, Révoil donne lecture devant l’Académie d’une romance, Adresse du sire de Damas à sa femme, « où la naïveté du vieux langage se prête à peindre la loyauté chevaleresque et la franche piété des guerriers français du xiiie siècle. » (Martin aîné, CR, Lyon : Ballanche, 1811). En 1813, selon Michaud, il prononce l’éloge funèbre de Mayeuvre de Champvieux*. En 1816, ayant quitté Lyon, il devient, selon le règlement, membre associé. En 1817, Dumas* qui est alors président, cite avec éloges deux de ses tableaux : Henri IV jouant avec ses enfants (acquis par le Duc de Berry, et actuellement au musée du Château de Pau), et Bayard convalescent à Brescia (actuellement au musée du Louvre). En 1824, Révoil, revenu à Lyon, reprend sa place de titulaire. Dans son discours de présidence, Achard-James* associe Révoil et Richard en signalant que « la foule se presse autour de leurs productions », et il décrit en détail le tableau de Révoil : François Ier armant chevalier son fils François II (actuellement au musée Granet) (CR, Lyon : Durand et Perrin, 1824). En 1835, Révoil est émérite.
E.C. Martin-Daussigny, Éloge historique de Pierre Révoil, discours de réception prononcé à la Société littéraire le 27 avril 1842, Lyon : Barret, 1842. – Michaud. – Bénézit. – M.C. Donneret, La peinture troubadour. Deux artistes lyonnais : Pierre Révoil (1776-1842) et Fleury Richard (1777-1852), Paris : Arthema, 1980. – Ph. Malgouyres, « Pierre Révoil (1776-1842) artiste collectionneur et la bourguignotte de Henri II », La recherche au musée du Louvre, 2013. – A. Maureau, DBF, notice Le Blanc de l’Uveaume de Servane. – Roman d’Amat, notice « Colet Louise », DBF.
Jean-Michel Grobon, Portrait de jeune homme, Pierre Révoil jeune, 1797. Musée des beaux-arts de Lyon.
Les nombreuses œuvres de Pierre Révoil sont réparties dans des collections particulières et dans de nombreux musées : Louvre, musée du château de Versailles, musée Fabre à Montpellier, musée Arlaten à Arles, musée Granet à Aix-en-Provence, musée Calvet à Avignon, musée des beaux-arts de Lyon, Grenoble, Rouen, Dieppe, Angers, Pontoise. Outre les tableaux cités dans le texte, on mentionnera Le Tournoi (1812), musée des beaux-arts de Lyon. – Jeanne d’Arc prisonnière à Rouen (1819, acheté par le Comte d’Artois), musée de Rouen. – Charles-Quint à l’abbaye de Saint-Just (1838), musée Calvet. – Philippe Auguste prend l’oriflamme à Saint-Denis (1841), musée de Versailles.