Jean Félix Pouilloux est né à : Le Vert (Deux-Sèvres) le 31 octobre 1917, fils de Félix Jean Pouilloux (Availles-sur-Chizé [Deux-Sèvres] 24 septembre 1893-Niort 31 août 1946), et d’Amandine Kirner (Ensigné [Deux-Sèvres] 28 septembre 1890-Niort 23 décembre 1991 à plus de 100 ans) ; tous deux étaient instituteurs. Marié en 1940 avec Colette Marie Fontaine (Luché-Pringé [Sarthe] 20 octobre 1916-Condrieu [Rhône] 23 mai 2006). Trois enfants : Jean-Yves, Catherine, et Claude.
Il est mort à Condrieu (Rhône) le 23 mai 1996.
Après des études secondaires au lycée Fontanes de Niort, une khâgne à Paris au lycée Henri-IV, il est élève de l’École normale supérieure (ENS) rue d’Ulm (1939-1944). Agrégé des Lettres en 1943, il est nommé professeur au lycée d’Angers en 1944. En 1945, il part pour la Grèce comme membre de l’École française d’Athènes (EfA), où il achève sa formation d’archéologue et effectue ses premières recherches sur le terrain ; surnommé par ses amis « le Pi » (Π : son initiale en grec), il reste à Athènes jusqu’en 1949. Recruté comme assistant d’« Histoire ancienne » à la faculté des Lettres de Lyon (1949), il retourne à l’EfA en 1954 pour un nouveau séjour d’un an. Docteur ès Lettres en 1955 – avec une thèse intitulée : Recherches sur l’histoire et les cultes de Thasos, I. De la fondation de la cité à 196 avant Jésus-Christ, et une thèse secondaire sur La forteresse de Rhamnonte –, il revient en France comme maître de conférences d’Histoire ancienne à la faculté des Lettres de l’université de Besançon. En 1957, il est nommé maître de conférences à la faculté des Lettres de l’université de Lyon (devenue par la suite Université Lumière Lyon-2), où il accède à la chaire de « Philologie et épigraphie grecques », dont il reste professeur titulaire jusqu’à 1985. À sa retraite en 1985, il devient professeur émérite.
Sa carrière est marquée par l’activité intense qu’il a déployée pendant près d’un demi-siècle, laissant à plusieurs générations d’étudiants le souvenir d’un professeur exceptionnel, suscitant des dizaines de vocations, lançant de nombreux programmes de recherches, proposant des sujets de thèses... En même temps, il n’a jamais cessé de s’intéresser à l’organisation de la recherche, créant toutes sortes d’entreprises novatrices, destinées à donner aux chercheurs des moyens de travailler.
Son séjour de plusieurs années en Grèce (EfA 1945-1949, 1954), où il a travaillé surtout sur les sites majeurs de Delphes et de l’île de Thasos, ainsi qu’à Rhamnonte en Attique, l’a confirmé dans sa vocation d’historien spécialiste de l’archéologie et de l’épigraphie grecques, en même temps qu’il poursuivait des recherches sur la littérature grecque. Il a publié, seul ou en collaboration, des volumes entrant dans les grandes séries éditoriales de l’EfA : telles les séries Fouilles de Delphes ou Études thasiennes (Paris : De Boccard).
Revenu à l’université de Lyon, il donne un nouveau départ à l’« Institut d’épigraphie grecque » attaché à sa chaire, et lui donne, en 1959, le nom d’ « Institut Fernand-Courby », en mémoire du professeur Courby (1878-1932), archéologue et helléniste, qui avait été son prédécesseur à l’École d’Athènes (1905-1908) puis à l’université de Lyon (1922-1932). En quelques années, J. Pouilloux a rassemblé autour de lui une équipe dynamique, officiellement reconnue comme « équipe de recherches » par le CNRS dès 1961. Il en fit un actif centre de recherches spécialisé dans la recherche épigraphique, la publication d’inscriptions grecques et leur commentaire historique. Cet institut a vu passer de nombreux historiens de l’Antiquité classique, aussi bien français qu’étrangers, des spécialistes de littérature grecque, des archéologues qui se sont consacrés ensuite à l’archéologie de la Grèce ou du Proche Orient ; tous ont participé aux séminaires au cours desquels se préparaient des corpus d’inscriptions et les volumes de « Choix d’Inscriptions grecques », diffusés par la suite comme manuels de références : le premier « Choix… » paru en 1960 est devenu rapidement un classique. L’Index du « Bulletin épigraphique » annuel de la Rev. des études grecques, qu’il a initié à Lyon dès les années 1960 (Index 1938-1965, 3 vol., Paris : Belles Lettres, 1972, 1974 et 1975) et qui a été poursuivi jusqu’à 2010 par ses successeurs de l’Institut Courby, est un outil de référence internationalement reconnu.
En 1966, un accord est signé par J. Pouilloux avec Henri Seyrig, directeur de l’Institut français d’Archéologie de Beyrouth, pour poursuivre en collaboration avec cet Institut le programme dit Inscriptions grecques et latines de Syrie (IGLS), destiné à l’étude et à la publications des inscriptions découvertes sur le territoire de la Syrie (au sens antique du terme), et dont le 1er volume avait paru en 1929 : aux termes de cet accord, l’Institut Courby serait désormais responsable de la partie scientifique, l’Institut de Beyrouth se chargeant des conditions matérielles de la publication. Plus de vingt volumes sont parus depuis cette date, et le programme se poursuit.
Spécialiste de langue et de littérature grecques, qu’il a enseignées de nombreuses années à l’université de Lyon, il a participé au programme d’édition et de traduction de textes patristiques mené par l’Institut des Sources Chrétiennes (Lyon), publiés par les éditions du Cerf (Paris). En particulier, il a collaboré avec le père Claude Mondésert* et le professeur Roger Arnaldez au programme de publication des œuvres du philosophe juif hellénisé Philon d’Alexandrie (ca 20 av. J.-C.–50 apr. J.-C.), assurant personnellement la traduction et l’édition de quatre volumes (parus dans la collection « Sources chrétiennes ») : n° 9, De agricultura, 1961 ; n° 10, De plantatione, 1961 ; n° 22, De vita Mosis, I-II, 1967 ; n° 30, De æternitate mundi, 1969.
En 1963, à l’occasion du « Congrès international d’archéologie classique » qui se tenait cette année-là à Paris, le théâtre de ses travaux se déplaça vers Chypre. En 1964, sur proposition de Vassos Karageorghis, directeur des Antiquités de la nouvelle République de Chypre (récemment proclamée en 1960), il se vit confier l’exploration de l’un des sites les plus prestigieux de l’île, celui de la cité antique de Salamine (xie s. av. J.-C.- viie s. apr. J.-C.), sur la côte orientale de l’île. Avec Georges Roux *, également professeur à l’université de Lyon, il a constitué une équipe pour fouiller le vaste site de la ville, dont les travaux de publication se poursuivent encore aujourd’hui. Spécialistes de la Grèce classique, Pouilloux et Roux souhaitaient retrouver et faire revivre la « belle cité » que, au dire d’Isocrate, le roi Évagoras avait reconstruite de façon grandiose à la fin du ve s. av. J.-C. En même temps, Pouilloux voulait réaliser le projet ambitieux de mettre en place sur le site une grande mission archéologique, qui serait à la fois un lieu de recherches actif sur une longue période de l’histoire de Méditerranée orientale, et un centre international d’échanges. De nombreux chercheurs et universitaires français et étrangers ont pu se former aux techniques archéologiques ou se perfectionner sur ce chantier, et certains en ont même fait leur objectif principal de recherche (plusieurs thèses soutenues). En 1972, sans cesser pour autant de s’intéresser à la mission de Salamine qu’il avait fondée, il en abandonne la direction (confiée à Marguerite Yon*). Le coup d’état de 1974 qui provoqua l’invasion de Chypre par la Turquie, puis la partition de l’île, a interrompu les programmes de terrain, mais les recherches se sont poursuivies jusqu’à aujourd’hui à partir des riches découvertes des années de fouille (10 volumes parus depuis 1974).
Son activité infatigable de chercheur curieux et passionné s’est manifestée par une riche production personnelle : une quinzaine d’ouvrages (dont quelques-uns en collaboration), et près de cinquante articles sur les sujets qui n’ont cessé de l’occuper pendant plus de 40 ans (voir Publications, D’Archiloque à Plutarque, 1986).
Outre la direction d’une équipe de recherches (Institut Courby) et d’une grande mission archéologique (Salamine de Chypre), J. Pouilloux a assez vite assumé la charge d’Institutions nationales. Au cours des années, il a fait partie des instances qui géraient les activités universitaires et la recherche : Conseil national de la recherche scientifique (CNRS), Comité consultatif des universités (CCU), Conseil national de la recherche archéologique (CRA), et pendant des années il fut secrétaire général de la Commission des fouilles du ministère des Affaires étrangères qui gérait et finançait les fouilles françaises à l’étranger.
De 1972 à 1976, il est président du Centre de recherches archéologiques (CRA) du CNRS à Sophia-Antipolis (Alpes-Maritimes) : ce « laboratoire-réseau », qu’il avait contribué à créer, regroupait alors, en collaboration avec le ministère des Affaires étrangères, la presque totalité des activités archéologiques menées partout dans le monde par des équipes CNRS françaises de toutes spécialités, y compris dans les « sciences dures », permettant de mettre en œuvre des programmes pluridisciplinaires d’une grande efficacité scientifique.
En 1975, il fait aboutir un autre de ses grands projets, celui de fonder à Lyon une maison de la recherche en histoire et archéologie, qui ferait collaborer l’université de Lyon-2 et le CNRS : ce fut « La Maison de l’Orient Méditerranéen Ancien », première structure de ce type en France, et dont il a assuré la direction de 1975 à 1978. La « Maison », qui n’a cessé de se développer au cours des années, en repoussant ses limites géographiques et chronologiques, porte aujourd’hui son nom : « Maison de l’Orient et de la Méditerranée – Jean Pouilloux).
En 1976, détaché de sa chaire universitaire pour devenir à Paris le directeur scientifique des Humanités au CNRS, il a orienté de là pendant six ans (1976-1982) la recherche française en sciences humaines. Il a accompagné nombre de fondations ou associations créées pour soutenir des programmes scientifiques, et fut notamment président de la « Fondation internationale pour le Lexicon iconographicum mythologiae classicae » (LIMC) en 1986 ; président de l’« Association des Amis des sources chrétiennes » de 1982 à 1991, président de l’« Association des amis de la Maison de l’Orient » de 1988 à 1991.
Élu le 7 décembre 1971, au fauteuil 6, section 2 Lettres, il prononce à la séance du 29 février 1972 un discours de réception intitulé : Pourquoi l’hellénisme et pourquoi Lyon (MEM 29, 1975, p. 29-38). Il y a présenté quatorze communications, et en a assuré la présidence en 1989.
En 1978, il est élu membre de l’Académie des inscriptions et belles lettres, dont il est président en 1988, et, la même année, président des cinq académies de l’Institut de France.
1965 : Membre de l’Aκαδημία Aθηνών [Académie], Athènes. – 1970 : Membre correspondant du Deutsches Archäologisches Institut (DAI), Berlin. – 1976 : Membre correspondant de la εν Αθήναις Αρχαιολογική Εταιρεία [Société archéologique], Athènes, puis conseiller de cette Société en 1988. – 1976 : Docteur Honoris causa de l’Αριστοτέλειο Πανεπιστήμιο Θεσσαλονίκη [Université Aristote], Salonique (Grèce). – 1979 : Membre de l’Académie de Bordeaux. – 1989 : Docteur Honoris causa de l’université de Montréal (Canada). – 1990 : Membre étranger émérite de l’Archaeological Institute of America (AIA), Boston (États-Unis).
Chevalier de la Légion d’honneur ; commandeur des Palmes académiques ; médaille d’honneur de la ville de Lyon (1988) ; chevalier de l’Ordre du Phénix (Grèce).
Outre de nombreuses nécrologies dans la presse (notamment en France et à Chypre), citons : Collectif, Hommages à Jean Pouilloux, Maison de l’Orient, Lyon, 1998, 168 p. – Entretien avec Jean Pouilloux, dans la série « Archives orales du CNRS », Paris.
Quarante-cinq articles parus de 1949 à 1984, rassemblés et réédités par D. Babut, M. Casevitz, M. Yon, D’Archiloque à Plutarque. Littérature et réalité, Lyon : Maison de l’Orient, 1986, 664 p. [articles groupés par thèmes : Thasos, 8 art. ; Delphes, 13 art. ; Attique-Thessalie-Argos, 6 art. ; Salamine de Chypre, 12 art. ; Lyon, 4 art. ; Littérature et histoire grecque, 2 art.]. – La forteresse de Rhamnonte. Études de topographie et d’histoire, Paris : De Boccard, 1954, 208 p. – Recherches sur l’histoire et les cultes de Thasos, I : De la fondation de la cité à 196 avant Jésus-Christ, EfA, Études thasiennes, Paris : De Boccard, 1954, 490 p. – Avec Chr. Dunant, Recherches sur l’histoire et les cultes de Thasos, II : De 196 avant Jésus-Christ jusqu’à la fin de l’Antiquité, EfA, Études thasiennes, Paris : De Boccard, 1958, 367 p. – Fouilles de Delphes, II, Topographie et architecture : la région Nord du Sanctuaire, de l’époque archaïque à la fin du sanctuaire, EfA, Paris : De Boccard, 1960, 174 p. – Choix d’inscriptions grecques (Institut-Courby, dir. J. Pouilloux), 1960, Lyon : Presses universitaires ; réédition Paris : Belles Lettres, coll. Epigraphica, 2003, 195 p. – Philon d’Alexandrie, De agricultura, éd. et trad., coll. « Sources chrétiennes » no 9, Paris : Le Cerf, 1961, 99 p. – Avec G. Roux, Énigmes à Delphes, Paris : De Boccard, 1963, 161 p. – Philon d’Alexandrie, De plantatione, éd. et trad., coll. Sources chrétiennes no 10, Paris : Le Cerf, 1963, 107 p. – Avec R. Arnaldez, P. Savinel, C. Mondésert Philon d’Alexandrie, De vita Mosis, I et II, éd. et trad., coll. Sources chrétiennes no 22, Paris : Le Cerf, 1967, 321 p. – Avec R. Arnaldez, Philon d’Alexandrie, De æternitate mundi, éd. et trad., coll. Sources chrétiennes no 30, Paris : Le Cerf, 1969, 175 p. – Avec T. Oziol, Salamine de Chypre I, Les lampes, Paris : De Boccard, 1969, 134 p. – Fouilles de Delphes, III, fasc. 4.1, Les inscriptions de la terrasse du temple et de la région nord du sanctuaire, Paris : De Boccard, 1976, 243 p. – Avec T. Oziol et M.-J. Chavane, Fouilles de Delphes, III, fasc. 4.2, Index des inscriptions de la terrasse du temple et de la région nord du sanctuaire, Paris : De Boccard, 1976, 80 p. – Avec P. Roesch et J. Marcillet-Jaubert, Salamine de Chypre, XIII, Testimonia 2 : Corpus épigraphique, Paris : De Boccard, 151 p. – Direction : Salamine de Chypre IV, Anthologie salaminienne, Paris : De Boccard, 1973. – Préface à : Αλεξανδρινα. Hellénisme, judaïsme et christianisme à Alexandrie. Mélanges offerts au P. Claude Mondésert, Paris : Le Cerf, 1987. – Préface à : La Collection « Sources chrétiennes ». Éditer les Pères de l’Église au xxe siècle, Paris : Le Cerf, 1995. – Nouveau choix d’inscriptions grecques (avec collabor.), Lyon : PUL, 1971 ; réédition Belles Lettres, coll. Epigraphica, Paris, 2005.