Gaspard (II) Grollier (encore écrit Grolier), comte de Servière (ou Servières), seigneur de Granpré, né et ondoyé à Lyon le 1er octobre 1677, a été baptisé paroisse Sainte-Croix le 19 mai 1678 ; parrain : Gaspard Charvieu, conseiller du roi et lieutenant criminel au présidial de Lyon ; marraine : Marie Grollier de Servière, femme de Me Compin. Il est le fils de Charles Grollier de Servière (1642-1726), trésorier de France à Lyon en 1675, et de sa première femme, Jeanne Le Juge († 1679). Il est le petit-fils de Nicolas Grollier de Servière, issu d’une famille de notables lyonnais, venue de Vérone sous Louis VII : le membre le plus illustre en était son probable grand oncle, Jean Grollier ou Grolier (1479-Paris 1565, inhumé à Saint-Germain-des-Prés), d’abord marchand, puis notaire et secrétaire du roi, puis ambassadeur de France à Rome auprès de Clément VII et vicomte d’Aguisy, et enfin intendant général des finances, mécène et célèbre bibliophile qui avait inscrit sur tous ses livres la devise : Jo. Grollierii et amicorum (« ce livre est à moi et à mes amis ») ; quelques ouvrages, acquis par le père Ménétrier, se trouvent à la BM de Lyon.
Nicolas (1593-1689), baron de Servières, maître d’hôtel du roi, lieutenant-colonel du régiment d’Aubonne, major de Turin, commandant l’armée à Pignerol, redoutable ingénieur lors des sièges, avait épousé le 29 juin 1640, Catherine du Fenoÿl (décédée en 1676), fille de Michel Antoine, écuyer et de Marie de Girard ; après 40 ans de service, la perte d’un œil au siège de Verceil (Piémont) à l’âge de 14 ans, et « sept coups de fusil au travers du corps », il s’était retiré de la vie militaire pour se consacrer, à Lyon, à la création d’une collection de modèles de machines et d’instruments scientifiques – cabinet situé place Louis-le-Grand, si curieux que Louis XIV, passant à Lyon en 1658, le visita et en fit l’éloge – et à l’éducation de ses neuf enfants, dont Claude et Imbert, chanoines réguliers d’Ainay, Gaspard I Grollier, grand prieur et grand sacristain de Savigny (Lyon, 1646-décembre 1716), lequel hérita du goût de son père pour la mécanique et constitua un cabinet encore plus riche, et Charles, père de Gaspard II.
Gaspard II, lieutenant-colonel au régiment de La Roche-Tullon, épouse à Lyon Saint-Paul, le 16 juin 1704, Louise de Chevriers (1685-1744), fille de Philibert, comte de Chevriers, seigneur de La Flachère (Saint-Vérand) et de Tanay (Le Bois-d’Oingt), et de Jeanne de Maisonseule (contrat reçu le 3 juin par Mes Guérin et Thève, notaires à Lyon). Il meurt à Lyon le 26 février 1745, « d’une maladie de poitrine qui rend très douloureux ses derniers moments ». Il a eu trois enfants : Philibert de Grollier (1707-1763), marquis de Treffort en Bresse, qui a épousé en 1728 au château de Versailles Gabrielle Claude Colbert de Villacerf (1710-1763, petite fille du Grand Colbert), et qui a été le beau-père de Mme Pierre Louis Grollier, née Charlotte Eugénie Sophie de Fuligny-Damas (1742-1828), peintre de fleurs, surnommée par Canova le « Raphaël des fleurs » ; Antoine Charles Joseph, général ; et Jeanne Charlotte, religieuse à Lyon au monastère de Sainte-Élisabeth de Bellecour.
À 19 ans, Gaspard II (prénommé Nicolas par Michaud) entre dans le régiment du Piémont, se signale par sa valeur à la bataille de Luzara en 1702, où il est blessé, et obtient par brevet du 10 décembre de la même année, le grade de lieutenant colonel au régiment de La Roche-Tulon. Il achète en 1708, la charge de commissaire provincial des guerres pour la province du Dauphiné. Chargé par le duc d’Orléans, régent de France, d’accompagner le cardinal Albéroni qui se rend en Italie, il reçoit pour récompense de sa mission une pension de 3 000 francs. Il demande sa retraite en 1726, qu’il n’obtient qu’au bout de deux ans. Il s’applique dès lors à la culture des lettres.
Le 10 mai 1718, ayant souhaité que sa « description des pièces curieuses qui composent le cabinet de feu Mr. de Servières son grand-père » soit soumise au jugement de l’Académie des sciences et belles-lettres, il est admis à l’assemblée et, sur proposition de l’archevêque, est reçu unaniment le même jour dans la compagnie. Le 31 mai 1718, il fait son discours de remerciement, dans lequel il fait entrer « avec autant de justesse que d’agrément les éloges de Mgr l’archevêque et de Mr. le marquis d’Halincourt » (Journal de l’Académie, Ac.Ms265 f°59 et 60). Le 9 août 1733, il lit en séance « une lettre d’un de ses amis, le commandeur de Savasse, sur les pierres qu’on trouve à Malte et qu’on appelle communément langues et yeux de serpent… ». Le 10 janvier 1736, Grollier porte l’éloge de l’abbé de Vertot par M. de Boze (Dugas). Il est également membre fondateur de l’académie des Beaux-arts, le 12 avril 1736, 3e par ordre d’ancienneté, et son président en 1737 et 1738. À ce sujet, son ami Dugas écrit, le 21 janvier 1737 : « M. de Grollier a été élu directeur de l’académie des Beaux-arts, mais il ne voulut point accepter cette place sans me consulter et me demander si cela déplairait à l’académie et si moi, en particulier, j’y trouvais quelque chose à dire. Je lui répondis que je ne croyais pas qu’il y eût aucun inconvénient et qu’il ne s’agissait que de bien fixer les limites entre les deux académies ; que personne n’était plus propre que lui qui était de l’une et de l’autre, à les concilier toutes deux, ll a suivi mon conseil et a accepté. Mon avis est qu’ils ne doivent traiter des sciences que par rapport aux arts et non en ce qui regarde la simple spéculation, du moins en public s’ils veulent avoir des assemblées publiques. Après sa mort, un premier éloge est lu le 5 mai 1745 à l’Académie des beaux-arts, par Christin* (Ac.Ms124 f°89) ; un second, dans la même compagnie (alors appelée Société royale), par Pernetti le 16 mai 1755 (Ac.Ms124 f°31).
La Chenaye-Desbois. – Pernetti. – Péricaud. – Colonia. – Moreri, Supplément, t. 2, 1735, p. 313-314. – Michaud. – Frécon. – Bollioud-Mermet (qui reprend Moreri). – Saint Fonds-Dugas, p. 240, 242, 264, 320, 350, 357, 372. – DBF, articles Grolier par Pigeaud, et Grollier par Trénard. – Michel Paulin, « La Méchanique abrégée des Arts et Métiers de Gaspard Grollier de Servières. Communications à l’Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Lyon, 1739-1741 », in R. Carvet, A. Guillerme, V. Nègre et J. Sakarovitch (dir.), Édifice et Artifice. Histoires constructives, Paris 19-21 juin 2008, Actes du 1er congrès francophone d’histoire de la construction, Paris : Picard, 2010, p. 167-174.
NB. Aucun rapport n’est établi avec ce Grolier, fameux joueur lyonnais mort vers 1698, que Gayot de Pitaval évoque sous l’anagramme de Logrire dans Les Heures perdues du chevalier de Rior… (p. 157-161 ; Nouvelles littéraires, 1716, p. 325).
Discours et dissertations à l’ASBL : Si les qualités de l’esprit sont préférables à celles du cœur (Ac.Ms134 f°60, 23 mai 1719). – Sur l’incertitude dans la conduite de la vie (Ac.Ms133 f°70), lu en séance le 11 mars 1720.
À l’Académie des beaux-arts : Sur les ouvrages de mécanique, parallèle des ouvrages de littérature avec les ouvrages des mains (Ac.Ms209 f°89, 22 août 1736). – De la taillanderie en fer-blanc (Ac.Ms182 f°164, 12 nov. 1739). – De la serrurerie (Ac.Ms182 f°86, 20 janvier 1740). – De la menuiserie, avec 2 planches (Ac/Ms182 f°195, 18 jan. 1741). – Moyen dont on s’est servi à Malte en 1738 pour faire sauter un bloc de rocher sous la mer (Ac.Ms209 f°60, 18 janvier 1741). – Sur une échelle inventée par M. Nicolas Grollier de Servières au siège de Prague pour l’escalade, suivi de l’Éloge de Nicolas Grollier de Servières par son petit-fils (Ac.Ms182 f°211), lu le 6 mars 1742. – Projet de la mécanique abrégée des Arts et Métiers (Ac.Ms182 f°178). – Réponses à La Croix (Ac.Ms263 f°163, 13 déc. 1737), à Pestalozzi (Ac.Ms263 f°164, 12 mars 1737), à Clapasson (Ac.Ms263 f°166, déc. 1738), à Berthaud (Ac.Ms263 f°167, déc. 1738), à Gacon (Ac.Ms263 f°168, 24 avril 1738), à Valernod (Ac.Ms263 f°169, mars 1738), à Garnier (Ac.Ms263 f°170, 13 janvier 1738). – Rapport sur une machine de MM Bordes et Delorme pour battre les pilotis (Ac.Ms268-I f°75, Pont d’Ain 22 juillet 1738). – Rapport sur une lettre de Dubost (AcMs273 III f°70, 11 juin 1742, avec Delorme). – Comptes rendus d’assemblées publiques (Ac.Ms267 II f°5 et f°9).
Bollioud-Mermet donne une liste de manuscrits qui semblent perdus ou correspondent aux précédents : Arrangements proposés entre les deux académies de Lyon pour le choix des matières de leurs conférences (1737) ; Mécanique propre à mouvoir les soufflets d’orgue (1737) ; Comment reprendre une explication détaillée des mécanismes des arts et métiers (1738) ; Dissertation sur les différentes natures, préparations et usages du fer et de l’acier (1739).
Pernetti ajoute des interventions en séance : Sur les œuvres morales de Plutarque (12 mars et 7 avril 1737 ; 20 mai 1738 ; 17 mars 1739) ; Explication de plusieurs machines de mécanique et d’hydraulique (22 juillet 1732) ; Sur l’utilité des sciences et des arts (1er juillet 1732) ; Explication du passage de Montaigne qui dit que la passion commande plus vivement que la raison (21 août 1731) ; Traité de l’amitié recueilli des œuvres de Sénèque (15 mars 1743) ; Traduction de quelques lettres de Sénèque (4 février 1744).
Gaspard publie en 1719 un Recueil d’ouvrages curieux de mathématique et de mécanique par Mr Grollier de Serviere, Lyon : David Forey, 1733, catalogue du cabinet de son grand-père, enrichi par son oncle Gaspard I ; une seconde édition, revue, corrigée et augmentée de nouvelles machines, paraît en 1751, Paris : Charles-Antoine Jombert.