Saturnin Arloing est né à Cusset (Allier) le 3 janvier 1846, fils de Jean Arloing (1817-1864), maréchal-ferrant, et de Magdelaine Naud ; témoins : François Guichon, menuisier, et Patrick Grandval, mégissier. Son père est lui aussi fils d’un maréchal-ferrant, issu d’une famille de vignerons et de marchands établie à Creuzier-le-Vieux (Allier), dont, à cette époque, d’autres descendants vivant à Cusset sont, l’un capitaine, l’autre docteur en médecine, un autre (Annet Marie Arloing) notaire et maire de Cusset de 1830 à 1848. On ne s’étonnera donc pas que Jean Arloing, qui ne se borne pas à ferrer les pieds des chevaux, mais les soigne en cas de maladie, décide d’orienter son fils vers l’art vétérinaire, en vue d’une installation à Cusset. Après de bonnes études au collège de la ville, le jeune homme réussit en 1862 le concours d’admission des écoles vétérinaires, et entre à l’école vétérinaire de Lyon. Il en sort en août 1866, ayant obtenu le premier prix à la fin de chaque année d’études. Entre temps, son père est décédé, et le jeune diplômé renonce à l’installation prévue dans sa ville natale. Il réussit le concours de chef de service d’anatomie et de physiologie en 1866, et il est nommé le 4 janvier 1867 chef de service auprès de Chauveau*, qui l’a déjà associé à ses travaux expérimentaux ; sa mère vient le rejoindre à Lyon. Il se consacre d’abord à des recherches sur la sensibilité récurrente du nerf pneumogastrique. Trois ans plus tard, le 24 juin 1869, il est nommé après concours professeur d’anatomie à l’école vétérinaire de Toulouse. Tout en poursuivant ses recherches physiologiques, il met à profit son séjour toulousain pour passer le baccalauréat, obtenir la licence ès-sciences en 1873, et entreprendre des études de médecine. En 1876, la chaire d’anatomie et de physiologie occupée par Chauveau est dédoublée, et Arloing revient à Lyon le 11 avril 1876 (décret du 31 décembre 1875) pour se charger de l’enseignement de l’anatomie. Entre temps, il a épousé à Lyon 5e, le 9 septembre 1873, Marie-Jeanne-Élisabeth-Laure Roux (Hesdin 16 mai 1852-Lyon 5e 6 juin 1897), fille de Jean-Jacques Roux, chevalier de la Légion d’honneur, capitaine en retraite qui exerce à l’École la fonction de surveillant général, et d’Élisabeth Mauche. De cette union naîtront deux enfants, Fernand Arloing* le 28 février 1876 à Toulouse, et Marie en 1878 (acte non retrouvé à Lyon).
À son retour à Lyon, Arloing achève la rédaction de sa thèse de doctorat ès-sciences, qu’il soutient à Paris le 3 juillet 1877. La thèse principale est intitulée Application de la méthode graphique à l’étude de la déglutition chez les Mammifères et les Oiseaux, et la thèse complémentaire Recherches anatomiques sur le bouturage des cactées. En 1879, ayant repris à Lyon ses études médicales, il soutient le 30 juin une thèse de doctorat en médecine sur l’action des anesthésiques (chloral, chloroforme, éther) ; l’année suivante, il est agrégé de médecine, avec une thèse portant sur les ongles et les poils et leurs organes producteurs.
Tout en se consacrant activement à l’enseignement de l’anatomie à l’École vétérinaire, Arloing demeure physiologiste, comme l’est son maître Chauveau. Il a obtenu, grâce à un rapport très laudatif de Claude Bernard, le grand prix de physiologie expérimentale pour son travail sur la sensibilité récurrente. En décembre 1883, Paul Bert, élève de Claude Bernard et professeur de physiologie à la Sorbonne, usant de son entregent et de ses fonctions de rapporteur du budget de l’instruction publique à la Chambre des députés (dont il était membre depuis 1871), fait créer à la faculté des sciences de Lyon une chaire de physiologie générale – la seconde de ce type en France après celle qu’il occupait lui-même à la Sorbonne – à l’intention de Saturnin Arloing. Celui-ci, conformément à l’usage, expose dans sa leçon inaugurale les principes qu’il entend suivre dans son enseignement, qui sera, dit-il, consacré à la physiologie comparée, à la physiologie générale, et à ce qu’il appelle « la physiologie philosophique ». Arloing se réclame de Claude Bernard, et entend donner un caractère résolument expérimental à son enseignement scientifique. Mais deux ans plus tard, en décembre 1886, Chauveau part pour Paris occuper au Muséum la chaire de pathologie comparée, et Arloing va abandonner sa chaire à la Faculté des sciences car il remplace son maître non seulement à l’École vétérinaire comme professeur de physiologie et directeur de l’École (arrêté du 20 février 1886), mais aussi à la Faculté de médecine dans la chaire de médecine expérimentale et comparée. Dès lors Arloing, sans abandonner les recherches de physiologie fonctionnelle, va consacrer une part majeure de son activité à la microbiologie (domaine qu’il avait abordé avec Chauveau dès 1868), attachant une attention particulière au charbon symptomatique qu’il distingue de la fièvre charbonneuse et dont, avec Cornevin*, il isole l’agent pathogène (Bacillus chauvei = Clostridium chauvei) : on lui doit la préparation d’un vaccin obtenu au moyen d’un virus naturel atténué par chauffage, vaccin qui sera ensuite associé à un sérum (séro-vaccination). Il s’intéresse aussi très activement à la tuberculose et, en collaboration avec plusieurs de ses élèves, notamment Paul Courmont*, il confirme – contrairement aux opinions professées par les savants allemands, tels que Koch – l’unité spécifique de la maladie : la tuberculose humaine n’est pas différente de la tuberculose bovine. Ce fait établi par Chauveau dès les années 1870 avait conduit à mettre en place une politique prophylactique rigoureuse envers les animaux malades afin d’éviter la contamination par le lait, politique dont Arloing prend la défense. Il réalise des cultures du bacille de Koch, et, s’appuyant sur ses résultats, il met au point avec Courmont le séro-diagnostic de la tuberculose ; il tente aussi de réaliser un vaccin antituberculeux, dont les premiers essais chez les bovins s’avèrent efficaces à 75 %. Il ne se contente pas de poursuivre ses recherches au laboratoire, il accepte d’en exposer les résultats dans les enceintes les plus diverses, en France (Alliance d’hygiène sociale, congrès mutualistes, etc.) aussi bien que dans les congrès internationaux, et il les met en pratique en fondant avec Jules Courmont l’Institut bactériologique de Lyon et du Sud-Est (1900), puis le Dispensaire anti-tuberculeux (1905). Ces activités sont brutalement interrompues par sa mort, survenue inopinément à son domicile (Lyon 5e), le 21 mars 1911, à la suite d’une congestion pulmonaire. Ses obsèques sont célébrées à l’École vétérinaire le 23 mars suivant ; pas moins de dix-sept orateurs interviennent pour rendre hommage aux mérites et aux travaux du défunt ; le convoi funèbre jusqu’au cimetière de Caluire est suivi par une foule considérable.
Arloing est commandeur de la Légion d’honneur (décret du 11 juillet 1906, décoration remise par Chauveau, LH/49/50), et titulaire de plusieurs autres décorations.
Élu le 1er juin 1886 au fauteuil 4, section 2 Sciences, président en 1890, il présente plusieurs communications : « Analyseur pour la détermination du nombre des microbes contenus dans l’eau », MEM S, 1888. − « Étude sur les propriétés des substances solubles sécrétées par le Bacillus heminecrobiophilus », MEM S, 1889-1890. − « Étude de la résistance de l’organisme aux microbes pathogènes », MEM S, 1889-1890. − « Le traitement de la tuberculose par la méthode de M. Koch. Réflexions critiques sur sa nature, sa filiation, son mécanisme et ses indications », MEM S, 1892. − « Serumthérapie et diphtérie », MEM, 1895. − « L’œuvre lyonnaise du sanatorium d’Hauteville (Ain). Création d’une station climatique pour le traitement de la tuberculose pulmonaire », MEM, 1898 Arloing est membre d’un grand nombre de sociétés savantes, aussi bien locales (Société d’anthropologie de Lyon, membre fondateur en 1881 et président en 1882 ; Société des sciences médicales ; Société d’agriculture) que nationales ; il est membre correspondant puis associé national de la Société de biologie (Paris), de la Société nationale d’agriculture (correspondant, puis associé, 1904), de l’Académie de médecine (correspondant le 31 janvier 1888, associé national le 31 janvier 1893) et de l’Académie des sciences (correspondant le 1er juillet 1889 dans la section d’économie rurale). Il est également membre de l’Académie des sciences, inscriptions et belles lettres de Toulouse.
J. Pagès, « Une belle figure », Le Salut public, 23 mars 1911. − Anonyme, « Les obsèques de M. Arloing », Le Salut Public, 23 mars 1911. − Anonyme, Lyon Médical 1, 1911, p. 624-629, 729. − O. M. Lannelongue, « Éloge de Saturnin Arloing », Bull. Acad. Méd. 65, 1911, p. 418-420. − F. Lesbre, « Notice nécrologique sur le professeur Arloing », Bull. Soc. Anthropol. Lyon 30, 1911, p. 89-97. − R. Garraud, « Éloge funèbre prononcé à l’occasion des funérailles de M. le Docteur Arloing », Ac. Rapports 1909-1912, portr., bibl. − C. Cadéac, J. Courmont et F. Peuch, Le Professeur S. Arloing, Lyon : A. Rey, 1911, 64 p. − L. Jung, « Chauveau, Arloing et l’école vétérinaire », Rev. médicale, 1958, p. 310. − V. Krogmann, L’enseignement vétérinaire à Lyon aux xviiie et xixe siècles. Vie et œuvre des professeurs et directeurs, thèse doct. vét., Lyon, 1996, p. 125-130. – DBF (A. M. Lautour). – DHL (G. Corneloup).
Une statue en bronze due à Paul Richer, inaugurée le 9 octobre 1921, se trouve à Cusset, cours Tracy ; réquisitionnée par Vichy, elle est refondue après la guerre, sur un socle réalisé par les cussétois Antoine Marais et François Sayet ; elle représente la Science, pensive, drapée à l’antique, tenant une couronne de laurier dans sa main droite. Un relief en bronze montre Arloing vaccinant une vache maintenue par des paysans. Une autre statue, érigée dans la cour d’honneur de l’école vétérinaire de Lyon, est due également au sculpteur Paul Richer, fondue par H. Rouard, inaugurée le 6 mai 1923. Le buste de Saturnin Arloing trône au sommet d’un dé, avec à ses pieds une femme debout, appuyée sur un taureau, et qui se penche vers une femme couchée sur des gerbes de blé et enveloppée dans un drap.
Une médaille commémorative rectangulaire en bronze, gravée en 1911 par Paul Richer, a été frappée. Elle porte à l’avers son buste et l’école vétérinaire de Lyon, et au revers S. Arloing lui-même agenouillé, pratiquant sur une vache une injection de son vaccin contre la tuberculose bovine ; dans le lointain à gauche, dans un paysage de montagnes, le sanatorium Mangini à Hauteville (Lannois 1933).
L’ancien quai de Vaise porte son nom, dans le prolongement, comme il se doit, du quai Chauveau, où se trouvait l’école vétérinaire de Lyon jusqu’à son transfert en 1978 à Marcy-l’Étoile.
La notice publiée par Garraud comporte une bibliographie étendue, que l’on peut compléter pour la période antérieure à 1900 en recourant au Catalogue of Scientific Papers 9, p. 65 ; 12, p. 2 ; 13, p. 147-150. On notera qu’Arloing publie souvent en collaboration, au début de sa carrière avec Renault, Cornevin*, L. Tripier* ; après 1884, le cercle des collaborateurs s’élargit : Cazeneuve, Édouard Chantre, Jules Courmont, Paul Gourmont*, Laulanié, Lesbre*, Morat, Rodet. On se bornera ici aux ouvrages et à quelques mémoires significatifs :
Ouvrages : Application de la méthode graphique à l’étude du mécanisme de la déglutition chez les Mammifères et les Oiseaux. Recherches anatomiques sur le bouturage des cactées, Paris : Masson, 1877, 151 p. − Avec C. Cornevin* et N. O. Thomas, Du charbon bactérien-charbon symptomatique et charbon essentiel de Chabert, pathogénie et inoculations préventives Paris : Asselin, 1883, 202 p. ; 2e éd., 1887, 281 p. − Cours élémentaire d’anatomie générale et notions de technique histologique, Paris : Asselin et Houzeau, 1890, 453 p. − Les virus, Paris : Alcan, 1891, viii + 380 p. − Leçons sur la tuberculose et certaines septicémies. Cours de médecine expérimentale et comparée de la Faculté de médecine de Lyon, Paris : Asselin et Houzeau, 1892, 512 p.
Notes et mémoires : « Contribution à l’étude de l’organisation du pied chez le cheval », Ann. Sc. Nat., Zool. 8, 1867, p. 55-81. − Avec L. Tripier, « Contribution à la physiologie des nerfs vagues », Arch. physiol. 4, 1872, p. 411-426, 588-601, 732-742. − « Recherches anatomiques sur le bouturage des cactées », Ann. Sc. Nat., Bot. 4, 1876, p. 5-61. − « Sur un nouveau mode d’administration de l’éther, du chloroforme et du chloral à la sensitive ; application à la détermination de la vitesse des liquides dans cette plante », CRAS 89, 1879, p. 442-444. − Avec Cornevin* et Thomas, « Recherches expérimentales sur la nature de l’affection appelée charbon symptomatique », Mém. Soc. Sc. Méd. Lyon 19, 1879, p. 286-306. − Avec Cornevin et Thomas, « De l’inoculation du charbon symptomatique par injection intraveineuse et de l’immunité conférée au veau, au mouton et à la chèvre par ce procédé, CRAS 91, 1880, p. 734-736. − Avec Cornevin et Thomas, « Moyens de conférer artificiellement l’immunité contre le charbon symptomatique ou bactérien avec du virus atténué », CRAS 95, 1882, p. 189-191. − « Procédé pour apprécier sur l’animal vivant l’influence de l’élasticité des gros troncs artériels sur la régularisation des courants sanguins », CR Soc. Biol 34, 1882, p. 87-88. − « L’enseignement et les progrès de la physiologie », Revue scient. 33, 1884, p. 737-743. − « Appareil simple destiné à mesurer la quantité totale d’acide carbonique exhalée par les petits animaux », Arch. physiol. 7, 1886, p. 321-345. − « Influence de la lumière sur la végétation et les propriétés pathogènes du Bacillus anthracis », CRAS 100, 1885, p. 378-381. − « Marche des lésions consécutives à l’inoculation de la tuberculose de l’homme chez le lapin et le cobaye. Application à l’étude de l’inoculation et de la réinoculation de la tuberculose », CRAS 101, 1885, p. 871-873. − « Les propriétés attribuées à la tuberculine de Koch », Rev. Scient. 48, 1891, p. 161-168. − « Remarques sur quelques troubles du rythme cardiaque », Arch. physiol. 6, 1894, p. 83-91. − « Agglutination du bacille de la tuberculose vraie », CRAS 126, 1898, p. 1398-1400. − « Étude sur la sérothérapie du charbon symptomatique », CRAS 130, 1900, p. 548-550. − Avec Paul Courmont*, « Diagnostic précoce de la tuberculose par la séro-agglutination », CR Congr. Intern. Méd., Paris, 1900, 4, p. 748-758.