Dictionnaire historique des académiciens de Lyon

Préface
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La recherche est faite par sous chaîne, insensible à la casse et aux accents.

DELORME Guillaume Marie (1700-1782)

par Jean Burdy.

 Il est né à Lyon, paroisse Saint-Paul, le 26 mars 1700, de Pierre Delorme, plieur en soie, et d’Anne Soumetton. Parrain : noble Guillaume Marie de Reclame, seigneur de Lunelle ; marraine : Catherine Rousset. Son père le destine au commerce et l’envoie à Amiens comme comptable chez un négociant où il tient parfaitement les livres. Tombé malade à 20 ans, il ne s’intéresse qu’aux mathématiques, et à la religion qui le marque définitivement. Vers 30 ans, après un voyage à Paris où Fontenelle, secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences, l’engage à rester, il revient à Lyon qu’il ne quittera plus. Célibataire, il habite chez son frère, rue Juiverie.

 Guillaume Marie, dont la formation n’est pas connue, exerce le métier d’architecte, titre qu’il a rarement porté. Il est très apprécié pour la conception de jardins et pour ses compétences en hydraulique. On sait peu de choses de son activité professionnelle jusqu’à l’âge de 50 ans. Les Cahiers de ses travaux journaliers (années 1751-1781) montrent une activité débordante, que confirment les Nouvelles générales, et en particulier de Lyon, de l’abbé Duret. Il s’occupe de châteaux, de maisons bourgeoises ou ordinaires et de quelques édifices publics, établit plans et devis pour tous les corps de métier, inventaires des bâtiments et des terres aussi. Il travaille à Lyon et alentour, au clocher de l’église de Pérouges en 1776, en Beaujolais jusqu’à Cluny. Il est aidé par Catherin François Boulard*, souvent mentionné dans ses Cahiers. En tant que jardinier, il a donné au moins quarante projets, dont une vingtaine d’importance, beaucoup avec des aménagements hydrauliques (M. H. Benetière). Sa réputation vient de son travail pour la maison de campagne de l’archevêque Mgr de Montazet à Oullins, projet qu’il présente à l’Académie le 2 juin 1761 en sollicitant son avis. C’est son chef-d’œuvre, que l’abbé Duret a décrit dans ses moindres détails (MEM 5, 2005, p. 314). Il est engagé à La Mulatière pour Bellevue, à l’abbaye de Cluny, à Neuville pour Ombreval, à Beynost, etc.

 Delorme hydraulicien est intervenu pour l’alimentation en eau : conduites d’amenée ou de distribution, réservoirs, canaux, fontaines et bassins, aux châteaux de Lucenay, Limas, Bellevue, Montribloud, à Reyrieux, à l’Hôpital de Villefranche, et jusqu’à Avallon pour l’eau de la ville. En 1771 les actionnaires du canal de Givors l’appellent pour en diriger et terminer les travaux. Il s’installe sur place et prend Boulard comme adjoint. Il revoit le tracé et s’occupe des moindres détails techniques. En désaccord avec ses prédécesseurs il subit de méchantes critiques, de Lallié* en particulier. Delorme quitte l’entreprise du canal dix ans avant sa mise en service en 1780.

 Urbaniste avant la lettre, précurseur de Perrache*, il expose le 11 décembre 1738 à l’Académie des beaux-arts son Projet pour la Jonction de l’Isle Mogniat à la Ville de Lyon, et dépose son mémoire accompagné d’un plan aquarellé portant le titre « Plan meridional de la ville de Lion avec des augmentations et des changemens proposés » et un long texte explicatif. Le 27 avril 1739, il revient sur le sujet pour répondre à trois problèmes (Ac.Ms307 f°153-168 ; étude détaillée dans Burdy* 2005). Le projet était prématuré. Du 15 mai au 23 décembre 1771, Delorme, assisté de Villers* et de Moiroux, effectuera pour l’entreprise de Perrache et en présence de celui-ci, le nivellement du Rhône et de la Saône en vue de l’installation de moulins (AML, Ms. 49 II 021).


Académie

Delorme fait partie des douze fondateurs de la Société des conférences de l’Académie des beaux-arts le 12 avril 1736, où il est placé 9e « par ordre d’ancienneté ». « Vous venez de ranimer un membre qui était comme mort depuis plusieurs années », dit-il dans son remerciement, le 25 avril, avant son discours de réception : Construction des tables des sinus, tangentes et sécantes par une méthode simple dérivée d’Euclide. L’année suivante il est affecté à la Section Mécanique de la classe des Mathématiques. D’une assiduité exemplaire, il est directeur en 1748 et en fait fonction en 1749. En 1758 il passe automatiquement à l’Académie des sciences, belles-lettres et arts qu’il dirige au deuxième trimestre 1766. Dans l’une comme dans l’autre, l’étendue de ses intérêts et de ses compétences se manifeste à travers les titres des manuscrits conservés à la bibliothèque de l’Académie.

À l’Académie des beaux-arts, il présente des communications sur les sujets les plus variés, aussi bien théoriques que pratiques : des instruments, des mécaniques, des modèles de cabestans qui obtiennent un accessit à un concours de l’Académie des sciences en 1741, des propositions en architecture et en urbanisme (un canal aux Terreaux) ; il s’intéresse aux ponts, aux moulins, etc. À partir de 1754, son activité académique se limite à des rapports sur les mémoires reçus par la compagnie, pour des propositions sur le tissage, l’agriculture, les moulins encore, des bains dans des bateaux, et sur le sujet du concours de l’Académie en 1772 : l’alimentation en eau de la Ville. Pendant ces années, Guillaume Marie Delorme a régulièrement tenu l’Académie au courant d’un travail qui l’a occupé de 1759 à 1765, et qu’il reprend plus tard : ses recherches sur les aqueducs romains, qui lui valent d’emblée la notoriété. Les 29 mai et 5 juin 1759, Delorme lit à l’Académie ses Recherches sur les aqueducs de Lyon, construits par les Romains. Le 4 décembre, l’Académie l’autorise à publier son travail avec la qualité d’académicien, ce qu’il fait l’année suivante. Le travail est connu à Paris et présenté, accompagné de dessins, par Caylus à l’Académie des inscriptions le 18 juin 1760 et à l’Académie des sciences le 12 juillet, et par Soufflot à l’Académie d’architecture le 11 août. Les rapports élogieux et des invitations pressantes incitent Delorme à poursuivre ses recherches. Pour la séance publique de l’Académie, le 26 août 1760 « M. Delorme a fait étaler dans la grande salle de l’Hôtel de Ville les plans des aqueducs construits par les Romains depuis le Mont Pila jusqu’aux portes de St Irénée afin que le public puisse juger de l’étendue de ses recherches. Celle de ses plans est d’environ 140 pieds [45 mètres] ». L’abbé Duret écrit en 1773 « M. Delorme a encore ses dessins sur 300 pieds de longueur [97 m] » (cahier 20, f°14). Le 25 août 1761, il lit un mémoire sur la suite de ses recherches. Le directeur de l’Académie parle à la séance publique du 1er décembre « de l’immensité de son travail, des instruments nouveaux inventés pour faciliter les observations, des voyages pénibles et multipliés, [de] sept mois de séjour dans les pays que parcouraient les aqueducs ». Le 13 septembre 1763, Delorme « fait part de quelques découvertes récentes », en octobre et novembre il explore les deux aqueducs de l’ouest lyonnais, le 14 février 1764 il rend compte en détail de ses dernières découvertes. Sa connaissance des aqueducs lyonnais a beaucoup progressé, lorsque la mort de Caylus lui enlève tout espoir de publication, et il abandonne ses recherches. Il les reprend quinze ans plus tard, à plus de 80 ans, avec C. F. Boulard*, arrivant à cent dix-sept dessins qu’il espère livrer au public par souscription.

Il travaillait au texte qui devait les accompagner lorsqu’il est mort le 26 avril 1782. Il a été inhumé le 28 au cloître de Sainte-Marguerite, paroisse Saint-Paul. Boulard, son héritier, a été guillotiné en 1793. Les textes de Delorme ont été détruits ; les dessins, revus brièvement par Artaud* en 1817, ont disparu jusqu’en 2003, quand ils ont été achetés par les Archives municipales de Lyon. L’éloge académique de Delorme a été prononcé le 4 décembre 1787 par Deschamps* (Ac.Ms124 f°331-338).

Bibliographie

Abbé Duret, Nouvelles générales et en particulier de Lyon, 1761-1776, BML Ms. 5423, transcription P. Feuga. – Audin et Vial. – Marie Hélène Benetière, Les jardins de Guillaume Marie Delorme, 1758-1781, mémoire de maîtrise inédit, université Lyon-2, 1987, env. 130 p. – J. Burdy, Les recherches de G.M. Delorme au xviiie siècle sur les aqueducs romains des Monts du Lyonnais (Yzeron et Brévenne), BUSHR 17, 2000, p. 13-24. – « On a retrouvé les dessins de G. M. Delorme », L’Araire 141, 2005, p.7-16. – « Guillaume Marie Delorme (1700-1782), académicien Lyonnais », MEM 5, 2005, p. 305-320 ; Bull. Soc. Hist. 34, 2006, p. 171-195. – « G. M. Delorme, C. F Boulard et le canal de Givors, 1771-1780 », BUSHR 25, Actes journées d’études 2012, p. 87-97. – J. Burdy, Guillaume Marie Delorme, 1700-1782, Recherches sur les aqueducs de Lyon, construits par les Romains, textes et dessins, L’Araire, 2015, 272 p.

Manuscrits

Manuscrits de l’Académie [pour ceux de l’académie des beaux-arts dans le Journal des Conférences (Ac.Ms265 et Ac.Ms266), la date seule est donnée] : Construction des tables des sinus, tangentes et sécantes, 25 avril 1736, Ac.Ms202, 38-49. – Mécanisme pour tirer les rideaux de lit et à en élever et abaisser l’impériale, 3 décembre et 7 janvier 1737, Ac.Ms183 f°37-44. – Construction et usages de deux compas à verge, pour décrire le cercle sans appui de l’instrument dans l’aire, 29 avril 1737, Ac.Ms208-II f°71-77. – Sur une machine à zigzag pour enfoncer les pilotis (rapport), 5 août 1737, Ac.Ms192 f°49-51 – Batterie à cabestan pour enfoncer les pilotis, 6 mai, 26 juin et 8 juillet 1737, Ac.Ms192 f°14-26. – Deux propositions, d’un canal du Rhône à la Saône aux Terreaux, et d’un autre le long du fleuve depuis Saint-Clair, 2 et 9 septembre 1737. – Mobile à rame, cabestan particulier appliqué à des rames et destiné à l’usage des galères, 24 mars et 2 juin 1738, Ac.Ms172 f°207-213.Proposition démontrée contre le sentiment d’un physicien ; Essais de réfutations des objections du P. Duclos sur la pesanteur égale à masses égales, 5 mai, 21 juillet 1738, Ac.Ms228 f°10-12 et 28-32. – Pour la jonction de l’Isle Mogniat à la Ville de Lyon, 11 décembre 1738 et 27 avril 1739, Ac.Ms307 f°153-168 avec plan détaché. – Cinq questions à résoudre proposées à l’Académie, 18 novembre 1739, Ac.Ms263 f°204-205. – Moulin à piler et à tamiser les drogues destiné à l’usage de la pharmacie de l’Hôtel Dieu de Lyon, 24 février-16 mars 1740, Ac.Ms182 f°251-259.Proposition d’exercices de pratique dans les sciences et les arts, 20 juillet 1740.Moyens pour procurer au boulet de canon avec les trois cinquièmes de poudre de la charge ordinaire un effet égal à celui qu’il reçoit de la charge entière, 8 février 1741, Ac.Ms155 f°31-33. – Description d’une nouvelle manœuvre de marine pour amarrer la tournevire sur le câble pendant que l’on tire l’ancre, 8 fév. 1741, Ac.Ms203 f°85-86. – Bac à traille “à tortue” ou Pont volant, 4 mai 1741, Ac.Ms191 f°19-22. – Cabestans de marine, 24 et 31 mai 1741. – Rapport sur des moulins à blé, 14 mars. 1742. – Observations sur un cabestan, 12 décembre 1742, Ac.Ms182 f°231-237. – Observations pour la réforme de l’usage de la séveronde, ou forget, en usage à Lyon, 15 avril 1744, Ac.Ms194 f°70-75. – Rapport sur les moulins à vent, 25 juin 1744.Sur la construction d’un pont de bois d’une seule arche sur la Saône à Saint-Vincent (rapport), 3 mars 1745, Ac.Ms307 f°151-152. – Remarques sur le pont de Xerxès ; et plus généralement sur les ponts des Anciens, 17 février 1745, Ac.Ms143 f°53-55. – Pour la construction des murs de terre, 17 mars 1745, Ac.Ms194 f°61-68. – Explication de l’effet du feu et de l’eau sur les rochers, utile pour les travaux publics, 28 avril 1745, Ac.Ms.221 f°138-139. – Moien (sic) pour voir exactement dans le modèle en petit la vraie apparence de l’édifice en grand, 16 mars 1846, Ac.Ms194 f°183-193. – Expériences par le moyen du thermomètre de Lyon, 30 mars 1746, Ac.Ms229 f°215-218.Remarques qui servent à prouver que les thermomètres de mercure capillaires et à gros tubes sont exactement correspondants, 23 novembre 1746, Ac.Ms199 f°137-144. – Pont roulant pour le passage d’un fossé au-devant des portes militaires et pour d’autres lieux, 28 décembre 1747, Ac.Ms178 f°8-16. – Mémoire demandé par le Consulat sur les moulins de la Quarantaine, 29 avril 1750. – Une ventouse propre à donner de l’air aux tuyaux de conduite des eaux, 18 août 1750. – Sur un rouet à quatre guindres employé dans la fabrication des étoffes de soie (rapport), 24 février 1751, Ac.Ms189 f°191-197. – Plafond de briques, 3 mars 1751, Ac.Ms194 f°108-114.Sur les causes de la mauvaise qualité des eaux des puits de la ville et sur le moyen de les avoir pures et saines, 15 novembre 1752. – Sur la hauteur des eaux du Rhône et de la Saône, qui presque de mémoire d’homme n’ont jamais été si basses (rapport), 13 décembre 1752. – Graphomètre-niveau, 23 février 1753, Ac.Ms208 f°231-234.Sur un métier pour la fabrication des étoffes de soie ou en argent façonnées et brochées sans tireuses (rapport), 3 mai 1754, Ac.Ms110 f°62-65.Sur les legs de Christin à la Société Royale (rapport), 31 janvier 1755. – Sur le dessin d’une nouvelle batterie pour enfoncer les pilotis (rapport), 30 décembre 1757, Ac.Ms192 f°53-60. – Recherches sur les aqueducs… lu les 29 mai et 5 juin 1759, mémoire Ac.Ms118 f°116-128.De Caylus et les Académies de Paris, 27 mars, 17 avril et 9 septembre 1760, Ac.Ms118 f°84-88 et 140-143.Exposition des dessins et poursuite des recherches, 26 août 1760, Ac.Ms266 f°48, 18 et 20 novembre 1760, et Ac.Ms352, 3e cahier, 1er décembre 1761.Suite des recherches et discours du Directeur en séance publique, 25 août et 1er décembre 1761, Ac.Ms266 et Ac.Ms352, 3e cahier.Les prises d’eau de l’aqueduc du Gier, 13 septembre 1763. – Les aqueducs de l’Yzeron et de la Brévenne, 14 février 1764.Sur un foulon pour les draps et autres étoffes ; sur une sonde propre à fouiller les terres ; sur des rouets à filer la laine, 12 février et 7 mai 1765. – Avec Valernod*, Sur les moulins de Lyon établis sur le Rhône, 21 et 28 janvier 1766. – Sur une jambe de cheval en bronze trouvée dans la Saône, 6 mai 1766, Ac.Ms119 f°73-85.Sur des bains chauds et naturels dans différents bateaux sur le Rhône et la Saône, 8 mars 1768, Ac.Ms121 f°44-46. – Sur une découverte de pièces antiques à Mâcon, 10 mai 1768.Sur une nouvelle manière de tirer la soie, et de l’apprêter soit en organsin, soit en trame, 12 juillet 1768, Ac.Ms110 f°132-136.Sur un semoir et un battoir à blé, 1er août 1769.Rapport sur le concours 1767-1769, 22 août 1769, Ac.Ms273-2 f°2-6. – Sur un nécrologe des Académiciens de Lyon depuis 1700 jusqu’en 1757. – Rapport sur le concours pour l’année 1772, doublé pour 1775, [sur] les moyens les plus faciles & les moins dispendieux de procurer à la Ville de Lyon, la meilleure eau, & d’en distribuer une quantité suffisante dans tous ses Quartiers, 8 août 1775, Ac.Ms273-1 f°52-53.Sur un mécanisme propre à fabriquer le velours à bordures en miniature, 24 mars 1778, Ac.Ms189 f°105.Sur la teinture de la soie en noir, 4 août, 19 et 24 novembre 1778, et 7 septembre 1779.Sur les écluses, 11 et 18 août 1778, 3 et 10 août et 25 nov. 1779. – Sur la vérification de la méridienne du Collège, 23 fév. 1779.Sur un modèle de moulin nouveau, 16 mars 1779.Sur un nouveau métier à tisser, 19 juin 1781.

Autres manuscrits : Cahiers de ses travaux journaliers, BML Ms. 2 281, fonds Coste 16 501, 671 feuillets. – Procès verbal de nivellement clos le 23 Xbre 1771, AML, Ms. 49 II 021, 28-46.

Publication

Cabestans à l’usage des vaisseaux, accessit au concours de l’Académie des Sciences en 1741, dans le recueil des pièces couronnées, Paris : Impr. royale, 1745. – Recherches sur les aqueducs de Lyon, construits par les Romains, lu dans les Séances de l’Académie… des 29 mai et 5 juin 1759, Lyon : Delaroche, 1760, 66 p.