Dictionnaire historique des académiciens de Lyon

Préface
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La recherche est faite par sous chaîne, insensible à la casse et aux accents.

COSTE Louis (1784-1851)

par Jacques Hochmann.

 Jean Louis Antoine Coste est né le 2 juin 1784 à Lyon, baptisé à l’église Saint-Nizier le jour suivant. Père : Claude Coste (vers 1748-1821), avocat en parlement, conseiller du roi, notaire à Lyon ; mère : Marie Anne Bethenod (1764-1830), sœur de l’arrière-grand-père d’Eugène Vial*. Parrain : Jean Louis Coste, bourgeois de la ville de Saint-Germain-Laval en Forez, grand-père paternel ; marraine : Antoinette Chavanne (1726-1807), veuve d’Antoine Béthenod, bourgeois de la ville de Saint-Chamond en Lyonnais, grand-mère maternelle. Un frère cadet, Claude, Pierre, Victor (1788-1866) reprendra l’étude notariale du père restée dans la famille jusqu’en 1970. Louis Coste commence son éducation sous la direction de l’abbé Bouilli, chanoine de Saint-Jean à Lyon. Destiné au barreau, il poursuit sa formation d’abord auprès de son père puis de Jean François Menoux*, alors jurisconsulte et ensuite conseiller à la cour d’appel. Il se lie d’amitié avec de jeunes robins : les frères Marc et Antoine Péricaud*, Jean-Marie Achard-James*, ainsi qu’avec Claude Breghot du Lut* (qui deviendra le beau-frère d’Antoine Péricaud). Ces amitiés nées « parmi les bonnes lettres » (A. Péricaud) déboucheront sur la création en 1807 d’un Cercle littéraire, ancêtre de la Société d’histoire de Lyon. Louis Coste part pour Paris, passe le 27 août 1810 sa licence en droit et soutient une thèse le 24 août 1811. Nommé auditeur au Conseil d’État le 9 novembre 1810 et présenté à l’Impératrice par la duchesse de Montebello, il est détaché du 14 janvier 1811 au 29 janvier 1812 auprès de la direction de l’Enregistrement et des Domaines. Le 15 février 1812, il est installé comme commissaire spécial de police dans ce qui est alors le département des Bouches-de-la-Weser. À ce titre, il aurait réprimé une sédition avec tentative de pillage à Oldenbourg (aujourd’hui en Basse-Saxe), déclenchée par le départ d’un corps de gendarmerie, et reçu les félicitations de Savary, duc de Rovigo, alors ministre de la police. Invité ensuite à se replier avec l’armée après la bataille de Leipzig (16-19 octobre 1813), il est fait prisonnier, puis libéré sur l’intervention de Bernadotte qui dirige les affaires de Suède avant de devenir roi. Revenu à Paris, il est écarté du Conseil d’État à la chute de l’Empire, mais est aussitôt nommé conseiller à la cour royale de Lyon. Confirmé dans ses fonctions au retour de Napoléon, il conserve son poste après les Cent-Jours et, en 1815, préside à plusieurs reprises les assises. C’est alors que, jouissant d’une belle fortune – accrue par son mariage, à Lyon le 31 janvier 1820, avec Marie-Françoise Péclet, née à Lyon le 11 juillet 1799, fille d’un négociant plusieurs fois conseiller municipal, Jean Baptiste Péclet, et de Marguerite Perochier, dont il n’aura pas d’enfant –, il commence à constituer une très importante bibliothèque, pour laquelle il aménage la propriété des Brosses, à Caluire, qu’il a reçue en héritage de son père. Il y recevra de nombreux visiteurs, d’une part des érudits qui viendront se documenter dans ses collections, d’autre part des invités dont certains illustres comme la duchesse de Nemours, Victoire de Saxe-Cobourg, belle-fille du roi Louis-Philippe. La demeure est restée jusqu’à aujourd’hui la propriété des descendants de son frère. À Lyon, Louis Coste demeure d’abord 1 place de la Douane (sur l’emplacement de l’actuel palais de Bondy). Il déménage ensuite 11 rue Saint-Dominique (act. rue Émile-Zola), puis 14 place Bellecour où, dit-on, son appartement était encombré de fiches à l’origine du catalogue de sa bibliothèque. Louis Coste est en effet de plus en plus absorbé par son activité bibliophilique. Son projet essentiel est de réunir aussi bien de beaux livres et de belles reliures que des documents de toute nature sur l’histoire de Lyon et des régions avoisinantes : Lyonnais, Forez, Beaujolais, Dombes, Bugey. Il achète dans les ventes publiques, à Lyon, à Paris, mais aussi en Angleterre, en Écosse, en Italie. Il négocie lors des héritages (souvent par l’intermédiaire de ses amis, Péricaud ou Breghot du Lut), est en correspondance avec de nombreux libraires auxquels il adresse des cahiers de desiderata. Il échange avec d’autres collectionneurs. On lui a reproché certaines de ses acquisitions, notamment des documents en provenance des communautés religieuses supprimées à la Révolution, et sur l’origine frauduleuse desquels on s’est interrogé, pouvant le faire accuser de « recel » (Gérard Bruyère). Il ne s’est jamais consolé, selon Charles Fraisse, de n’avoir pu acquérir le Compendium Lotarii, premier livre imprimé à Lyon en 1473, mis en vente à Chambéry et qui lui échappe au profit du roi de Sardaigne. Il participe à l’édition de plusieurs éditions de luxe d’ouvrages des xvie et xviie siècles, comme celle des œuvres de Louise Labbé par Louis Perrin*, pour laquelle il prête comme modèle son exemplaire de l’édition de Jean de Tournes de 1555. Il collationne un magnifique exemplaire de l’Histoire de Lyon de Clerjon et Morin, qu’il orne de dessins originaux de Fleury Richard*, de Révoil* et d’Edme-Camille Martin-Daussigny*, ainsi qu’un exemplaire non relié « choisi feuille à feuille » (Ch. Fraisse) de l’Histoire de Lyon de Monfalcon*, avec là aussi des lettrines de Martin-Daussigny. Réunissant des documents pour illustrer ou compléter certains ouvrages de sa collection, il en confie la reliure aux meilleurs artisans de l’époque et fait restaurer par Martin-Daussigny un certain nombre de reliures anciennes. Soucieux de mettre de l’ordre dans ses collections, il a recours aux services d’un archiviste, Sudan. Il entreprend ensuite de faire établir un catalogue d’abord par un ancien libraire, Joseph Janon, puis à la mort de Janon, en 1837, par Claude Charles Chelles (1807-1848), archiviste aux Archives départementales. Celui-ci ayant succombé à une affection psychiatrique à la Clinique Champvert, il engage comme bibliothécaire Aimé Vingtrinier* (1812-1903) qui, après maintes tribulations, publiera un catalogue posthume orné du portrait de Coste, chez Louis Perrin, en 1853.

 Dominé par sa passion de bibliophile qui lui acquiert une renommée internationale et lui vaut de faire partie, en 1837, des vingt-quatre membres titulaires de la Société des bibliophiles français (fondée à Paris en 1820), Louis Coste est aussi un notable lyonnais. Membre de la Société d’émulation, de la Société d’encouragement de l’industrie nationale, de la Société d’agriculture, de la Société littéraire, il est nommé par le préfet membre de la commission de la statistique du département du Rhône. De 1818 à 1827, il est administrateur du Dispensaire de Lyon dont il assure deux ans le secrétariat. De 1823 à 1828, il est administrateur des hôpitaux de Lyon et devient conseiller municipal en 1828, dans la municipalité de Jean de Lacroix-Laval qui est renversée à la révolution de 1830. Il semble avoir partagé les opinions légitimistes de son maire et continué à espérer le retour au pouvoir de la branche aînée des Bourbons. Il est également administrateur de la compagnie du canal de Givors. En 1835, il renonce à son poste de magistrat et devient conseiller honoraire. Tout le reste de sa vie sera consacré à sa bibliothèque. Louis Coste n’a rien publié de son cru. Il avait été fait chevalier de la Légion d’honneur, le 22 mai 1825 (LH/598/109).

 Il s’éteint à son domicile, place Bellecour, le 5 mai 1851. Son décès est déclaré le 6 par son frère Victor et son beau-frère Pierre-Auguste Faure-Péclet, conseiller municipal. Après un service à l’église Saint-François, il est inhumé à Caluire dans une chapelle qu’il avait fait édifier en bordure du cimetière. Louis Bonnardet*, président de l’Académie, et Edme-Camille Daussigny représentant la Société littéraire prononcent son éloge. Quelques jours plus tard, dans un des angles du Palais des Arts occupé par la Société d’horticulture, est édifié un monument de verdure entouré de cyprès, avec son nom.


Académie

En 1832, Péricaud* avait suggéré à Louis Coste de présenter sa candidature à l’Académie. Très occupé alors par les aménagements de sa résidence des Brosses, Coste avait décidé de remettre cette candidature à plus tard. Le 12 mai 1841, l’Académie décide de créer une nouvelle catégorie d’académiciens dits « libres ». Ces membres auront voix consultative sur toutes les délibérations de la Compagnie, pourront participer à toutes les réunions, mais ne pourront faire partie du bureau. Par lettre du 18 mai, Coste demande d’échanger la candidature au titulariat qu’il venait de déposer contre une candidature au poste d’académicien libre. Il est élu à la première élection, le 8 juin 1841. Il vient à la séance qui suit son élection, mais semble ensuite avoir très peu participé aux séances, et les procès verbaux n’ont pas gardé trace d’interventions de sa part.

Bibliographie

Ch. Fraisse, Notice historique sur J.L.A. Coste, publiée par la Société littéraire de Lyon, Lyon : Léon Boitel, 1851. – F.Z. Collombet, « Jean Louis Antoine Coste », RLY, (2), 2, 1851, p. 432‑433. – A. Vingtrinier, Catalogue de la bibliothèque lyonnaise de M. Coste, Lyon : Louis Perrin, 1853. – G. Bruyère, « Pro patria colligit. Le bibliophile Louis Coste (1784-1841) et sa “Bibliothèque lyonnaise” », Actes des journées d’études, XXVI, Caluire-et-Cuire et sa région, USHR, 2013, p. 57‑93, ill.

Bibliothèque

La bibliothèque Coste était, selon Ch. Fraisse, composée de quatre classes : ouvrages de droit ; ouvrages sur l’histoire de France avec de nombreux mémoires sur la Ligue, les guerres de religion et la Fronde ; récits de voyages ; et surtout ouvrages et documents concernant l’histoire de Lyon et de ses environs. Cette « bibliothèque lyonnaise » constituait la plus grande richesse de la bibliothèque Coste, c’est elle qui est décrite dans le catalogue de Vingtrinier où elle comporte dix mille imprimés et brochures : notamment toutes les histoires de Lyon, anciennes ou modernes, presque tous les ouvrages qui ont parlé de la ville, de nombreux ouvrages d’auteurs nés ou ayant résidé à Lyon, des ouvrages d’imprimeurs lyonnais dont la plupart des éditions du xve siècle, la bible in-folio de Sébastien Gryphe, toutes les éditions de Louise Labbé et de Maurice Scève, des journaux, des affiches, des estampes, des plans et des vues de la ville, des portraits, un millier de manuscrits anciens dont le cartulaire d’Ainay, deux cent cinquante recueils de pétitions, proclamations et lettres de la période révolutionnaire. Coste avait longtemps laissé penser qu’il souhaitait léguer sa bibliothèque lyonnaise à sa ville natale. Il avait un projet de cartouche avec son nom suivi de la devise : Pro patria colligit. Néanmoins, en 1849, il institue son frère seul légataire universel. Charles Fraisse évoque « des circonstances inutiles à rappeler ici ». Monfalcon a répandu l’idée selon laquelle la révolution de 1848 et l’avènement de la république auraient heurté la sensibilité royaliste d’un homme, par ailleurs décrit comme « religieux » . Il semble que le remplacement brutal à la tête de la bibliothèque municipale de son ami Péricaud par Monfalcon ait aussi amené Coste à modifier « ses généreuses intentions ». Quoiqu’il en soit, la bibliothèque fait l’objet d’une première vente à Lyon le 23 janvier 1854, après que le directeur de la sûreté au ministère de l’intérieur a demandé au préfet Vaïsse de faire saisir les pièces susceptibles d’être revendiquées par l’État. Une deuxième vente se tient à Paris, du 17 avril au 13 mai 1854, où un certain nombre de livres et de documents concernant Lyon sont dispersés. Mais l’essentiel de la bibliothèque lyonnaise est préservé. Expertisée par Monfalcon selon une procédure qui apparaît aujourd’hui comme contestable (G. Bruyère), elle finit par être achetée, non sans difficulté, par la ville pour la somme de 40 000 francs, et constitue désormais ce qu’il est convenu d’appeler le Fonds Coste. Des pièces ont été soustraites de l’ensemble. Elles resteront propriété de la famille jusqu’en 1975 : Louis Chaine*, dont l’épouse Colette Longin est descendante de Victor Coste, les transmet alors aux Archives municipales.

Iconographie

Portrait en tête du catalogue de Vingtrinier.