Dictionnaire historique des académiciens de Lyon

Préface
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La recherche est faite par sous chaîne, insensible à la casse et aux accents.

JAMBON Philibert (1741-1809)

par Maryannick Lavigne-Louis.

 Chirurgien prothésiste, Philibert Jambon est né dans une famille de vignerons du petit village d’Émeringes (actuellement dans le département du Rhône) à 18 km de Mâcon. Fils de Benoît et de Marie Margerand, il a été baptisé le jour même de sa naissance, le 26 octobre 1741 ; parrain : Philibert Margerand, de Jullié, marraine : Marie Chalendar, de Charlieu (Loire). Instruit par le curé du village, il a eu la chance de se faire remarquer à l’âge de 12 ans par le châtelain, l’avocat lyonnais Benoît Goy* (1704-1784), qui le fait venir à Lyon dans le but de lui faire entreprendre des études de droit. Mais très vite Philibert a manifesté son goût pour la mécanique au service de l’humanité. Après avoir été placé par Goy dans une « maison de commerce de quincaillerie », il a entrepris une formation d’expert dentiste ce qui lui a permis d’être reçu le 19 décembre 1788 dans la Communauté des chirurgiens de Lyon. Il a alors décidé de fabriquer des prothèses pour les amputés et les handicapés. Aidé de son jeune frère Jean-Baptiste, né à Émeringes le 20 juillet 1754, également doué en mécanique et passionné d’agronomie, il a acquis rapidement une grande réputation : « Pendant plus de 40 ans, il fabriqua avec un de ses frères un nombre prodigieux de machines de toute espèce, parmi lesquelles on a remarqué des mains factices dont il perfectionna le mécanisme […] au moyen du mécanisme inventé par Jambon un manchot peut avec ses deux mains factices satisfaire les besoins ordinaires de la vie animale, se servir d’une épée, exécuter tous les mouvements pour l’usage d’une arme à feu, jouer aux cartes, etc. Il fabriqua une jambe avec son genou, susceptible de tous les mouvements de cette articulation, de ceux du pied et de la cheville ; il fit des atèles de plusieurs genres, les unes mouvantes et flexibles pour redresser les articulations du genou, les autres pour redresser les pieds et les jambes, et il les employa avec beaucoup de succès, surtout pour les jeunes personnes et les enfants. Il fabriqua des nez, des lèvres factices, dont la ressemblance et l’application produisaient une illusion complète ; il simplifia le mécanisme des fauteuils roulants, pour des personnes absolument privées de l’usage des jambes ; il inventa un nouveau genre de lit, au moyen duquel le malade, dont l’état ne lui permet pas le mouvement, peut être placé dans toutes les positions convenables pour ses remèdes et ses besoins : l’on en fabriqua en France, en Italie, en Angleterre et en Espagne d’après les modèles qu’il avait envoyés » (Fortis). Philibert Jambon était membre de la commission des pompes à incendie de la ville de Lyon. Il habitait place Louis-le-Grand (act. place Bellecour) le 15 avril 1791, au moment de son acquisition (15 000 livres) du tènement de 30 bicherées dit de l’Obéance situé à Craponne, terrain saisi comme bien national au prévôt de Saint-Just de Lyon (Charléty). Sans doute voulait-il ainsi agrandir un domaine que les deux frères célibataires possédaient au Pont d’Alaï : « Ayant acheté un domaine médiocre, ils surent en doubler la valeur en y établissant des moulins, une tuilerie, en y inventant ou perfectionnant des instruments aratoires, y multipliant les moyens d’économiser le temps et les bras. Ils ont vu adopter, autour de leur domaine, deux de leurs inventions agronomiques ; l’une est une herse à rouleau denté, propre à la préparation des terres en labour ; l’autre consiste en une machine cannelée, avec laquelle on teille le chanvre plus promptement que par les moyens connus. » Les frères Jambon ont développé également sur ce domaine un élevage de moutons d’Espagne. Pendant la tourmente révolutionnaire, fuyant Lyon, ils s’y sont établis de façon permanente jusqu’en 1797, date à laquelle ils se sont installés 34 rue Vaubecour (Journal de Lyon, n° 216, 15 juillet 1797). L’appartement situé au 1er étage était « composé de huit pièces agencées et ornées de glaces, cabinet, lavoir, cave et grenier » (Le Moniteur judiciaire, annonce de la mise en vente de l’appartement ; sur la même page on peut lire ce petit encart : « Béliers et brebis de race pure espagnoles, de la plus grande beauté, âgés depuis six mois jusqu’à deux ans : s’adresser à MM. Jambon, rue Vaubecour, n°34 »).

 Philibert Jambon est décédé à cette adresse le 10 juin 1809. Il a été enterré dans le cimetière de Loyasse qui venait d’être créé, et cette inhumation est actuellement la plus ancienne du cimetière (Hours). Jean Aimé Ange Régny* (qui n’était pas encore membre de l’Académie de Lyon) a rédigé et lu sa notice nécrologique le 7 juillet à la Société des amis du commerce et des arts. Jean-Baptiste Jambon, son frère, est mort le 25 janvier 1816 au n°2 rue Vaubecour (à l’angle de la place Saint-Michel), chez son neveu et filleul, Jean-Marie Bouchard-Jambon, mécanicien-dentiste, avec lequel il s’était associé, comme il en est fait l’annonce dans le Bulletin de Lyon du 21 juin 1809 : « MM. Jambon frère et neveu, après la perte qu’ils viennent de faire du chef de leur maison, M. Jambon l’aîné, auteur de La mécanique industrielle, spécialement appliquée à l’art de guérir etc. à laquelle ils doivent une réputation étendue qu’ils se sont toujours efforcés de justifier par leur activité et leurs soins assidus, croient devoir informer le public et tous ceux qui les ont honorés de leur confiance, que leur intention est de continuer sous les mêmes rapports l’exercice de leur art et de leur connaissances acquises. » Jean Marie Benoît Bouchard, né le 27 janvier 1784 à Grézieu-la-Varenne, a été baptisé le 29 janvier à Craponne ; il était le fils d’Alexandre Bouchard et de Benoîte Jambon. Membre de la Société royale d’agriculture, histoire naturelle et arts utiles de Lyon, il a possédé des tuileries à Francheville, commune dont il a été maire entre 1834 et 1840. Il avait constitué à Lyon, un cabinet de curiosités montrant les prothèses réalisées par ses oncles : « Les curieux vont ordinairement sur la place Saint-Michel visiter le cabinet de M. Bouchard-Jambon, héritier de la réputation de M. Jambon son oncle… » (Fortis), et le public y allait encore au milieu du xixe siècle (Ogier). Jean-Marie Bouchard est décédé le 7 avril 1856 en son domicile lyonnais et il a été enterré à côté de ses oncles au cimetière de Loyasse.


Académie

Membre de la Société libre de médecine de Lyon et de celle d’agriculture et arts utiles, Philibert Jambon figure comme membre ordinaire sur la liste du 24 messidor an VIII et comme titulaire sur la liste du 15 frimaire an XI. Les 2 et 9 pluviôse an XIII, il fait part de son Mémoire sur les avantages pour le département du Rhône et la ville de Lyon de l’éducation des moutons d’Espagne, 9 pl. an XIII (Ac.Ms139 f°54), et le 30 suivant il fait avec Tabard un compte rendu sur l’appareil de Gensoul pour la filature. Il présente le 29 juillet 1806 le Modèle d’une échelle à incendie. « Membre de la commission administrative des pompes de Lyon, il était excité à quelqu’invention en ce genre, non seulement par l’amour de l’humanité, mais encore par une sollicitude particulière à sa position. Son échelle est une machine simple, solide, peu embarrassante, propre à sauver les habitants des étages supérieurs d’une maison, lorsque le feu s’est déclaré dans le bas et s’est emparé de l’escalier. Les montants sont en cordes et les traverses en bois. Le poids de l’échelle n’excède pas 46 livres ; un homme peut la porter facilement sur son dos ; elle est dressée en un instant. Des seaux, qui réunissent la légèreté à la solidité, servent à faire descendre les femmes, les enfants et tous ceux qui craindraient de se confier à cette échelle » (Dumas) ; Amélioration des machines de secours qui ont pour objet les incendies (Ac.Ms159 f°192). Le 24 mars 1807, il montre deux pièces de drap fabriquées chez lui avec de la laine de mérinos ; le même jour, Jambon lit sa communication Il faut oser pour réussir (Ac.Ms159 f°197) ; et le 17 novembre suivant, il annonce le décès de Loyer*. Il aurait publié La mécanique industrielle spécialement appliquée à l’art de guérir (édition non trouvée).

Bibliographie

Le Moniteur judiciaire, 1806, p. 22. – Régny, Notice nécrologique de Philibert Jambon, Bulletin de Lyon, n° 55, 12 juillet 1809. – « Notice sur M. Jambon [Jean-Baptiste] », Annales de la Société d’agriculture, sciences et industrie de Lyon, 1817, p. 113-116. – François-Marie de Fortis, Notice biographique, Le Conservateur lyonnais, n° 13, 18 mars 1818, p. 206-209. – Fortis, Voyage pittoresque et historique à Lyon, vol.1, Paris, 1821, p. 176-178. – Dumas II. – S. Charléty, Documents relatifs à la vente des biens nationaux, Lyon, n° 622, 1906. – Th. Ogier, La France par cantons et par communes, t. 3, 1856, p. 452. – Hours Loyasse, n° 174, p. 254-256.