Anne Claude Georges Cohendy est né le 15 juin 1886 à Lyon 2e. Les témoins que l’on retrouve présents pour tous les actes importants de la famille sont ses deux grands-oncles maternels Raymond Tripier (Bourgoin 11 janvier 1838-Lyon 1er 15 novembre 1916) et Léon Tripier (Bourgoin 7 mars 1842-Lyon 2e 6 décembre 1891), tous deux médecins des hôpitaux et professeurs à la faculté de médecine de Lyon (Léon en 1881, Raymond en 1884), tous deux célibataires, avec comme seule famille les Cohendy. Le père de Georges est Joseph Marie Émile Cohendy (Grenoble 28 avril 1851-Lyon 3e 1er oct. 1920) ; sa famille est originaire de Ceyrat, au lieudit Boisséjour (Puy-de-Dôme). Après de premières études à la faculté de droit de Grenoble, Émile Cohendy est venu passer son doctorat dans la nouvelle faculté de droit de Lyon, puis y a fait toute sa carrière, au début comme professeur de procédure civile, puis de droit commercial, tout en s’occupant parallèlement d’enseignement professionnel et technique (dont 25 ans à La Martinière). Il s’est marié avec Anne Augustine Louise Marthe Sarrazin (née à Lyon 2e, 30 janvier 1858) fille de Jean-Marie Anselme, joailler et de Louise Tripier, la sœur de Raymond et Léon (tous trois enfants de Joseph, médecin à Bourgoin). Georges Cohendy, élevé par un père juriste, est entouré de médecins. Tout naturellement, le 15 juin 1912, à St-Pierre-la-Noaille (Loire), il épouse Marie Antoinette Rollet (Paris 8e 6 janvier 1892-Lyon 1er 25 mai 1985), fille de Jean Baptiste Étienne Rollet, professeur d’ophtalmologie à la faculté de médecine de Lyon, et de Jeanne Henriette Audiffred ; Antoinette est la petite-fille de Joseph Rollet*, lui aussi professeur de médecine à Lyon, et d’Honoré Audiffred, qui a une propriété à Saint-Pierre-la-Noaille (Loire) ; ancien député, puis sénateur de la Loire, membre de la Fédération républicaine, ce dernier soutient le développement des caisses d’assurance et de prévoyance sociale ; il est l’un des témoins de ce mariage. Les autres témoins sont Alexandre Lacassagne*, oncle de l’épouse (il a épousé Magdeleine Rollet, fille de Joseph Rollet) ; Charles (dit Adrien) Audibert, professeur à la faculté de droit de Paris, ami d’Émile Cohendy depuis leurs années d’études à Grenoble ; Justin Godart*, beau-frère de Georges Cohendy, qui a épousé, en 1903, sa sœur Suzanne (Lyon 2e 12 décembre 1884-Lyon 1er 19 avril 1910). Georges Cohendy et Justin Godart resteront toujours très proches, animés par les mêmes préoccupations politiques et sociales, et habiteront plus tard le même immeuble 46 quai Saint-Vincent. G. Cohendy a une fille Marie Aline (1920-1994) qui épouse, à Saint-Pierre-la-Noaille le 1er juillet 1944, René Bourbonnais, ingénieur de l’École centrale de Lyon ; un fils Pierre, né en 1922, avocat, figure célèbre du barreau lyonnais ; une fille Georgette, née en 1932, mariée avec René Bujadoux, fils d’Antoine Bujadoux (1892-1946), ophtalmologue et d’Yvonne Bonnamour. Outre sa sœur Suzanne, épouse de Justin Godart, Georges Cohendy a un frère aîné, Paul (Lyon 2e 17 octobre 1882-Lyon 3e 7 septembre 1945), d’abord artiste peintre, puis fondé de pouvoir, époux de Raymonde Cumin, et une sœur cadette Léonie (Lyon 5e 23 janvier 1892-Lyon 2e 25 septembre 1972), mariée (Lyon 7e, 28 mars 1914) avec Émile Brumm, ingénieur des Arts et Métiers, né à Roubaix et dont l’oncle maternel est Frédéric Wengen, industriel lyonnais.
G. Cohendy a fait ses études au lycée Ampère, puis à la faculté de droit de Lyon. Directeur de conférences dès 1909, il s’inscrit au barreau de Lyon en 1910 et a l’honneur d’être chargé du discours d’ouverture de la conférence des avocats (6 décembre 1910) ; il choisit un thème historique et littéraire qui dénote sa culture et son goût pour la littérature : Une juridiction gracieuse au Moyen Âge : les cours d’amour (Lyon, 6 décembre 1910, 32 p.), discours qui est aussi publié en feuilleton dans le Lyon universitaire (mars 1911) ; il y souligne la physionomie changeante du droit qui se cache derrière l’apparence et la théâtralité des cours d’amour où les femmes tenaient la première place. En 1910, sous la direction du doyen Louis Josserand*, il soutient à la faculté de droit de Lyon, une thèse pour le doctorat de sciences juridiques sur « l’invention » de la note de jurisprudence par Labbé et la construction de la théorie de la responsabilité : La méthode d’un arrêtiste au xixe siècle : Labbé, son application aux questions de responsabilité, (Paris : A. Rousseau, 1910, VIII-206 p.). En 1912, sa seconde thèse pour le doctorat de sciences politiques et économiques porte aussi sur la question de la responsabilité, mais à propos de celle de l’État et des collectivités locales en matière d’accidents et de maladies du travail : Le Risque professionnel et les ouvriers et employés de l’État, des départements et des communes (Paris : Rousseau, 1912, 129 p.). Il présente le concours d’agrégation des facultés de droit en 1912, mais sans succès. Mobilisé pendant la guerre de 1914-18, il est sur le front de Champagne, attaché à l’état-major ; à son retour, il reprend sa fonction de directeur de conférences. Agrégé en 1920 (droit privé et sciences criminelles), il est tout de suite attaché à Lyon (arrêté du 13 février 1920, effet au 1er février), et chargé du cours de droit commercial complémentaire, puis du cours de droit commercial général (arrêté du 6 novembre 1920), deux cours dans lesquels il prend la succession de son père qui, malade depuis une année, après avoir eu la joie de voir son fils attaché à Lyon, décède le 1er octobre 1920. Il est rapidement nommé professeur dans la chaire de droit commercial de son père (décret du 18 juil. 1921, effet au 1er nov.). Il dirige la Revue des sociétés, revue de droit commercial, à partir de 1925, y publie un certain nombre d’articles ; il rédige des notes de jurisprudence dans le Recueil Dalloz et dans le Recueil Sirey. Il est membre du jury d’agrégation des facultés de droit. Il préside les examens de la faculté de droit de Beyrouth. Il conserve la chaire de droit commercial jusqu’à sa retraite (1er octobre 1957). L’honorariat lui est accordé en août 1957. Albert Chavanne*, l’un de ses étudiants, raconte combien ses cours, clairs, émaillés d’anecdotes et d’humour, lui ont laissé un souvenir agréable ; sa bienveillance au moment des examens complète le portrait de ce professeur apprécié de tous.
Parallèlement, il poursuit une carrière d’avocat ; il est l’avocat du département et de l’enregistrement, et il est souvent chargé des affaires d’expropriation. Ceux qui ont entendu ses plaidoiries font les mêmes commentaires que ceux qui on suivi ses cours : des arguments solides et souvent nouveaux, « de l’esprit sans méchanceté », une grande clarté qui donne « une apparence de simplicité aux choses les plus compliquées », une « courtoisie parfaite, jamais un mot blessant pour l’adversaire » (Pierre Roland*). Estimé au barreau, il est élu bâtonnier en 1949-1950. Lorsque, atteint par la limite d’âge, il prend sa retraite de professeur, il ne s’arrête pas de plaider et continue d’aller au Palais jusqu’à l’âge de 90 ans. Soucieux d’aider ses jeunes confrères en début de carrière, il crée une fondation pour les aider à s’installer.
C’est en outre un homme politique engagé au service de la cité. Tête de file du parti radical à Lyon, ami d’Édouard Herriot, il est son premier adjoint avant la Deuxième Guerre mondiale. Lorsque l’on apprend que le maréchal Pétain a demandé l’armistice, Édouard Herriot est retenu à Bordeaux ; le préfet Émile Bollaert et G. Cohendy ont alors la responsabilité de Lyon, déclarée ville ouverte comme Paris. Lyon subit une première occupation le 19 juin 1940, et G. Cohendy fait partie des six otages désignés par les Allemands en garantie du maintien de l’ordre. Lyon est évacué le 6 juillet. En septembre 1940, Vichy suspend la municipalité de Lyon et nomme une « délégation spéciale » de sept membres, chargée de gérer la Ville avec Cohendy comme président. Ce dernier s’efforce de défendre quelques libertés contre le nouveau préfet Angeli. En juin 1941, Lyon obtient d’avoir une municipalité (nommée) et Cohendy se retire. Au procès d’octobre 1942 – où comparaissent les résistants du mouvement Combat dont Emmanuel Mounier, Berty Albrecht et Henri Frenay (par contumace) – Georges Cohendy est chargé par ses confrères (dont Emmanuel Gounot*) de présenter la défense collective ; pour préparer sa plaidoirie, il reçoit l’aide du doyen de la faculté de droit, le pénaliste Pierre Garraud*. G. Cohendy insiste sur le patriotisme des prévenus, accusés de diffuser des nouvelles anti-nationales, inspirées par l’étranger. Heureusement, Lyon est encore en zone libre et le procès se déroule devant un simple tribunal correctionnel ; les peines sont relativement légères sauf pour les contumaces. Plus tard, membre du Coq enchaîné, né d’une dissidence de Franc-Tireur, Cohendy assure la défense de ses membres, témoigne en faveur de résistants devant la section spéciale du tribunal militaire de Lyon. Par la suite, averti qu’il était désigné comme otage en cas d’attentat contre des collaborateurs, il demande un congé pour raison de santé (1943-1944). Son fils Pierre milite dès 1942 dans la Libre France, puis dans les Forces unies de la Jeunesse et raconte comment dans les vestiaires de la faculté de droit, avec la complicité de l’appariteur Darfeuille, les étudiants cachaient des armes.
Comme son père, G. Cohendy s’intéresse à l’enseignement professionnel. Comme son père, il préside notamment le conseil de La Martinière ; lorsqu’il inaugure un monument au Major-Général Martin, à Charles Henri Tabareau* et Alphonse Dupasquier*, fondateurs de La Martinière, il souligne combien l’Académie de Lyon a su, avec un siècle d’avance, développer l’enseignement professionnel et choisir l’homme qui saurait mener à bien cette nouvelle institution. Il s’occupe aussi à l’asile de la Samaritaine, destiné aux jeunes femmes enceintes et mères célibataires. Il est en outre président de Sauvegarde et embellissement de Lyon.
Ayant gardé jusqu’au bout l’esprit vif, G. Cohendy décède presque centenaire le 4 mai 1985 ; sa femme ne lui survit que trois semaines. Ils sont inhumés à Saint-Didier-au-Mont-d’Or. Dans son éloge, le bâtonnier Pierre-Antoine Perrod* souligne que l’enseignant, l’avocat, l’homme politique, l’homme de culture a vécu « comme chacun demande au Ciel, dans le tréfonds de lui-même de vivre ».
Légion d’honneur : chevalier le 11 août 1936, officier, le 26 janvier 1953. Commandeur de l’ordre du Mérite national, le 7 décembre 1971.
Une plaque est apposée 46 quai Saint-Vincent : Ici vécut Georges Cohendy (1886-1985), professeur à la faculté de droit, avocat et bâtonnier de l’Ordre, premier adjoint au Maire de Lyon. À côté, se trouve celle qui commémore son beau-frère Justin Godart. Dans le palais de justice historique de Lyon, construit par Louis Pierre Baltard, et rénové récemment (2008-2012), une salle de réunion porte le nom de Georges Cohendy, bâtonnier de l’ordre des avocats de Lyon (1949-1950), notamment en souvenir de son action pendant la guerre.
Sur un rapport du premier président Pierre Roland*, il est élu le 13 décembre 1960 au fauteuil 5, section 3 Lettres, siège libéré par le décès d’Emmanuel Gounot*, avec lequel il avait assuré la défense des membres de Combat et auquel, le 10 janvier 1961, il rend un vibrant hommage, saluant à la fois sa tolérance et sa haute valeur morale. Le 28 février 1961, il relate ses Souvenirs d’un otage, disant comment, le 19 juin 1940, il est chargé d’aller à la rencontre de l’armée allemande qui arrive armes à la main dans le cabinet du préfet Bollaert ; comment tous deux avec le cardinal Gerlier*, Paul Charbin, président de la chambre de commerce de Lyon (frère d’Alexandre Charbin*), Maurice Vicaire, secrétaire général des Anciens combattants, et Marius Vivier-Merle, secrétaire des syndicats confédérés du Rhône, sont désignés comme otages et assignés à résidence à la préfecture ; il raconte les rapports difficiles avec l’occupant, la réplique du cardinal Gerlier : « la parole d’un cardinal français vaut bien celle d’un officier allemand » ; après l’exécution des tirailleurs sénégalais, les subterfuges pour réussir le sauvetage des soldats nord-africains et de ceux de la Légion étrangère ; les premières fausses cartes d’identité dont l’une qu’il remet au commandant Marcel Descour (le résistant de l’Armée secrète, futur général et futur gouverneur militaire de Lyon) ; l’idée de faire croire que la statue d’Henri IV sur l’hôtel de Ville est fragile et que les occupants ne peuvent pas, sans danger, prononcer un discours du haut du perron situé au-dessous, etc. Le 10 février 1962, en même temps que le doyen de la faculté des sciences Henri Gauthier*, au cours d’une séance solennelle à l’Hôtel-de-Ville de Lyon, dans le salon Henri IV, il prononce son discours de réception : Balzac, juriste malgré lui ; grand lecteur de Balzac, il rappelle que celui-ci a commencé par apprendre le métier de juriste chez un avoué, connaissance qui lui a servi dans ses démêlés avec ses créanciers. Dans La Comédie humaine, il plaide pour une application moins rigoureuse du droit et pour une humanisation de la procédure. Le 11 décembre 1962, il prononce une nouvelle communication, la « Défense des juristes », dans laquelle il démontre qu’un juriste doit avoir une bonne culture générale, du bon sens, de l’indépendance et fournir beaucoup de travail pour aboutir à une juste synthèse et « pour faire régner la justice entre les hommes qu’ils soient de bonne ou de mauvaise volonté » (MEM 27, 1971). Le 18 février 1964, le sujet est : Les Bons mots du Palais : il s’amuse des problèmes de préséance, des juges qui trouvent les avocats trop bavards, des justiciables qui estiment leurs défenseurs incompétents (ibid.). Le 14 février 1967, dans Cours d’amour et cours de justice, il illustre le raffinement et la solennité des débats, l’emprunt des formes judiciaires par ces « cours » médiévales (ibid.). Le 16 décembre 1969, dans Beaumarchais, un plaideur impénitent, il rappelle que son art de la chicane a permis à Beaumarchais d’éliminer un puissant confrère et de devenir horloger du roi, de gagner un procès contre un juge devant le Parlement d’Aix, etc. : seul, Mirabeau réussit à l’emporter sur Beaumarchais (ibid.). L’année suivante, il s’intéresse aussi aux nombreuses irrégularités trouvées dans le procès conduit par la Genève de Calvin lors du Procès d’un contestataire, Michel Servet (MEM 28, 1975). Le 4 décembre 1973, il choisit comme sujet quelqu’un qu’il a bien connu, Édouard Herriot, un homme d’État qui demeura un élu local exemplaire (MEM 29, 1975) et explique, que malgré ses lourdes responsabilités nationales, il a toujours consacré son temps et son énergie à la ville dont il était le maire. Il est élu président pour 1968 ; en 1979, à 93 ans, il demande à devenir émérite. Son éloge est prononcé par un de ses anciens élèves, collègue de la faculté de droit de Lyon, Albert Chavanne.
A. Chavanne*, « Georges Cohendy », MEM 40, 1986. – Pierre-Antoine Perrod*, Le Tout Lyon, 6 mai 1985. – Catherine Fillon, Le barreau de Lyon dans la tourmente, de l’occupation à la Libération, Lyon, Aléas, 2003, 479 p., ill. – Bruno Permezel, Résistants à Lyon, Villeurbanne et alentours, 2 824 engagements, éd. BGA-Permezel, 2003.
De la restitution de la dot et des actions qui la garantissent. Droit romain, Paris : A. Rousseau, 1912 (concours d’agrégation des facultés de droit). – Le pacte de constitut. Paris : s.n., 1919 (concours d’agrégation des facultés de droit). – Dans la Revue des Sociétés : « Le vote privilégié dans les sociétés de capitaux » [à propos du livre de Henri Mazeaud qui lui demandera une préface pour la 2nde édition], 1924, janvier p. 51‑60. – « La dévalorisation monétaire et l’illusion du bénéfice », août-septembre 1926, p. 349-369. – « Reprise facultative du fonds de l’associé survivant sur les bases du dernier inventaire et la rescision pour lésion », novembre 1927, p. 381‑394. – « Compte rendu de P. Roubier, Les conflits de lois dans le temps, 1929 », 1930, janvier p. 388-390. – « Faut-il réglementer légalement les groupes d’obligataires ? », 1930, janvier p. 233-240. – « La réforme de la comptabilité commerciale ». – « Les nationalisations », etc.
Distributions des prix des lycées de Lyon : le 13 juillet 1929, Lyon : Soulier, 1929, 18 p. – « Beaumarchais, plaideur », Rev. de l’Université, Lyon, 1934. – La technique de la profession d’avocat. L’Art de la plaidoirie, Lyon : Riou, 1944, 95 p. ; Paris : L.G.D.J., 1944, 112 p. ; Pichon et Durand-Auzias, 1946 ; L.G.D.J., 1948, 120 p. Préfaces à : Henri Mazeaud, Le vote privilégié dans les sociétés de capitaux, 2e éd. Paris : Dalloz, 1929, XV + 454 p. ; Francisque Seignol, Clauses destinées à parer à l’instabilité monétaire. L’option de change et l’option de place, Paris : Sirey, 1935, VIII + 332 p. ; Maurice Chavrier, Évolution de l’idée de commercialité, Lyon : Riou- Paris : L.G.D.J., 1935, IV + 172 p. ; Georges Coutellier, Évolution des principes concernant la responsabilité civile des administrateurs des sociétés anonymes, Lyon : Riou, Paris : Pichon et Durand-Auzias, 1939, XI + 184 p.