Jean Marie Roland de la Platière a été baptisé le 19 février 1734, paroisse Notre-Dame à Thizy (Rhône), fils de Jean Marie Roland (1692-1747), vicomte de La Platière conseiller au bailliage du Beaujolais, et de Thérèse Bessie de Montauzan (1699-1790), mariés en la chapelle du château de Montauzan (paroisse de Lacenas) le 28 novembre 1720. Parrain : Jean Marie Gacier, prêtre curé de Denicé, docteur en théologie ; marraine : Marie Anne Gacier, épouse de Me Michon, avocat au parlement. Les Roland n’ont jamais réussi à faire authentifier leur prétendu titre de noblesse. La famille étant désargentée, les quatre frères aînés de Jean-Marie sont entrés dans les ordres : Dominique (1722-guillotiné en 1793), conseiller au bailliage et chanoine de l’église Notre-Dame-des-Marais à Villefranche, membre de l’académie de Villefranche en 1752 ; Laurent (1728-1782), prêtre à Villefranche ; Jacques-Marie (1731-1807), bénédictin, prieur de Crépy-en-Valois ; Pierre (1732-1789), bénédictin, prieur d’Ozayet, curé de Longpont.
Après un passage chez les jésuites de Roanne, lui-même quitte la maison familiale à 19 ans. Il séjourne brièvement chez un soyeux lyonnais, puis chez un armateur nantais, avant d’entrer dans l’administration des manufactures à Rouen, où il reste dix années en tant qu’élève-inspecteur. Il est sous-inspecteur à Clermont-Lodève [act. Clermont-l’Hérault) en 1764, puis, à partir du 16 juillet 1766, inspecteur général des manufactures de Picardie, à Amiens. Il est avocat en Parlement (avant 1780). Il passe ses hivers à Paris où, en décembre 1775, il rencontre Jeanne Marie – Manon – (née à Paris le 17 mars 1754, baptisée à Sainte-Croix le 18), qui a vingt ans de moins que lui, fille de Gratien Philipon, maître graveur place Dauphine, et de Marguerite Bimont. Après un long voyage en Italie (1776-1778), il l’épouse le 4 février 1780, dans l’église Saint-Barthélemy, à Paris. Le 4 octobre 1781, naît Marie Thérèse Eudora (Amiens paroisse Saint-Michel, 1781- Rozière 1858), qui épousera en 1796 Léon (1777-1864), le fils de Luc Antoine Donin de Rosière de Champagneux (1804-1807), maire de Bourgoin, député du Tiers, vieil ami des Roland.
En 1784, Mme Roland obtient le transfert de son mari à Lyon. Par souci d’économie – le salaire d’un inspecteur du commerce et des manufactures ne dépasse pas 5 000 livres par an –, le couple habite l’appartement familial de Villefranche, 181 Grande Rue (toujours visible au 793 rue Nationale), et la maison du Clos, commune de Theizé, à 10 km de Villefranche – le chanoine Dominique la lui cède à l’automne 1787, le domaine de la Platière à Thizy ayant été, quant à lui, vendu en 1752 – ; Jean Marie se contente d’un pied-à-terre à Lyon, place de la Charité.
Il embrasse la Révolution avec enthousiasme. Le 28 décembre 1790, il est nommé officier municipal ; le 1er février 1791, il est chargé d’aller à Paris demander l’effacement de la dette de Lyon. Il séjourne sept mois à l’Hôtel britannique, rue Guénégaud, où le salon de Mme Roland accueille notamment Brissot, Pétion, Buzot et Robespierre. De retour à Lyon en août, il fonde un club affilié à celui des jacobins de Paris.
En décembre il repart pour Paris faire valoir ses droits à une retraite (les inspecteurs des manufactures ayant été supprimés). Brissot lui propose d’entrer dans le nouveau ministère (23 mars 1792). À la suite de la lettre du 10 juin rédigée par sa femme, demandant au roi de revenir sur son veto, Roland est renvoyé. Après la journée du 10 août 1792, il est rappelé au ministère de l’intérieur et fait partie du conseil exécutif provisoire. Il poursuit la Commune de Paris devant l’assemblée et réclame en vain sa dissolution. Le département de la Somme le nomme député à la Convention, mais il préfère rester ministre. Son caractère irascible et opiniâtre lui vaut un grand nombre d’ennemis ; girondin, « Coco Roland » subit les attaques du parti de la Montagne. Il démissionne le 23 janvier 1793, fuit Paris après la journée du 31 mai, se réfugie dans la vallée de Montmorency chez le naturaliste Bosc, puis à Rouen chez les demoiselles Malortie pendant cinq mois. Ayant appris l’exécution de sa femme (8 novembre 1793, jugée le matin, guillotinée le soir même), il prend la route de Paris et se suicide de deux coups d’une « lance en forme de lame de couteau », le 21 brumaire an II [11 novembre 1793] dans l’allée du château de Coquetot, sur la commune de Radepont (rattachée plus tard à Bourg-Beaudouin, Eure), « comme plusieurs de ces Romains qu’il aimait tant à citer » (Michaud).
Dès 1780, il demande à être reçu comme associé : lettre de Paris le 12 janvier ; lettre de Villefranche le 2 novembre (en présentant ses deux premiers « Arts » et une lettre manuscrite sur ses voyages en Suisse et en Italie, sous le couvert de Jean François Tolozan*, intendant du commerce à Paris ; le 6 janvier 1782, il envoie de Paris ses Lettres écrites de Suisse, d’Italie… Le 25 mars 1783, il postule à nouveau depuis Amiens en envoyant un autre ouvrage. Élu comme titulaire le 3 mai 1785 dans la classe des sciences, il remercie le 5 depuis Villefranche, annonçant son arrivée à Lyon « dans le courant du mois prochain » (Ac.Ms268-IV f°10, f°49, f°89, f°133 et f°239). Le 14 juin 1785, il prononce en effet son discours de réception « Sur l’avantage des lettres et des arts relativement au bonheur de ceux qui les cultivent et de leur influence sur les mœurs » (repris en séance publique le 6 décembre et publié sous le titre De l’influence des lettres dans les provinces…).
En 1786, un différend oppose Roland et l’Académie : le 12 avril, il envoie le discours qu’il compte mettre en tête de la seconde partie de son Dictionnaire des manufactures (Ac.Ms268-IV f°269 et Ac.Ms182 f° f°283-318). Le 15 avril, ayant appris que l’Académie ne souscrit pas à l’Encyclopédie méthodique, il lui offre les volumes relatifs aux questions d’art qu’il y a traitées (Ac.Ms268-IV f°270). Le 11 juillet, l’Académie s’émeut que le discours prononcé par Roland en séance publique ait été imprimé avec la mention « membre de cette Académie », sans son aveu. Le 14 juillet, Roland écrit à l’Académie pour demander si, n’ayant reçu d’elle ni témoignage flatteur ni reproche, il peut continuer d’user de son titre d’académicien de Lyon pour la suite de son œuvre encyclopédique (Ac.Ms268-IV f°287). Le 18 juillet, Bory* est chargé d’écrire à M. de la Platière que l’Académie ne peut se départir de l’observation exacte de l’article 27 de ses règlements : « les ouvrages approuvés pour être lus dans les séances publiques n’ont jamais été réputés dans le cas d’être publiés par les auteurs avec leur titre d’académicien » sans une nouvelle autorisation. Il peut continuer d’user de ce titre pour l’Encyclopédie méthodique, mais est prié de retrancher du discours préliminaire dont il a envoyé le manuscrit, le paragraphe touchant le prix de 1776 sur la teinture des soies (voir le passage litigieux : f°317v).
Le 19 décembre 1786, Roland lit un avis motivé sur la nécessité de déclarer vacantes les places d’académiciens titulaires absents depuis plusieurs années et obligés de résider loin de Lyon ; l’Académie se contentera de prévenir les membres concernés (Ac.Ms263 f°210). Le 7 décembre 1787 il demande à passer de la classe des belles-lettres à celle des sciences (Ac.Ms268-IV f°332), ce qui lui est accordé le 12 février 1788, Montluel* faisant le chemin inverse. Le 6 avril 1792, il remercie l’Académie de la confiance qu’elle lui a témoignée lors de sa nomination comme ministre de l’Intérieur (Ac.Ms268-IV f°438).
Il est en outre, comme son frère aîné Dominique, membre de l’académie de Villefranche (« une pucelle qui n’a jamais fait parler d’elle », selon le mot de Voltaire rapporté par Mme Roland dans une lettre du 22 décembre 1785) ; membre honoraire de la société économique de Berne, correspondant des académies des sciences de Paris, Montpellier, Turin, Bologne, associé des académies de Rouen, de Dijon, des Arcades de Rome, de la société d’émulation de Bourg ; membre de la société royale d’agriculture de Lyon.
Œuvres de J. M. Ph. Roland, femme de l’ex-ministre de l’intérieur, précédées d’un Discours préliminaire par L. A. Champagneux, éditeur, Paris : Bidault, an VIII, 2 t. – Lettres de Madame Roland, éd. Claude Perroud, t. 1, 1780-1787, 1900 ; notamment les Avertissements qui précèdent chaque année et l’Appendice H : Les Académies travaux académiques de Roland (t. II, p. 644-655). – Mona Ozouf, « Madame Roland », in F. Furet et M. Ozouf (dir.), La Gironde et les Girondins, Paris : Payot, 1991, p. 307-327. – Siân Reynolds, Mariage and Revolution, Monsieur et Madame Roland, Oxford Univ. Press, 2012.
Outre les dix lettres évoquées ci-dessus, Ac.Ms268-IV :
Mémoires et discours : Recherches historiques sur la préparation des peaux et des cuirs, la fabrication des huiles et des savons et les procédés des teintures anciennes, avril 1786 (Ac.Ms182 f°283-318) ; Discours sur les femmes, 8 août 1786 (Ac.Ms131 f°55) ; Discours sur la connaissance de ses semblables, 27 fév. 1787 (Ac.Ms145 f°65) ; Recherches sur les moyens de marquer les toiles d’une manière inaltérable, 17 avril 1787 (Ac.Ms189 f°21) ; Réflexions sur les sujets les plus convenables à traiter dans les séances publiques des académies de province (ce sont ceux de morale), 20 nov. 1787 (Ac.Ms131 f°97) ; Des causes de la décadence des commerces et de la population de la ville de Lyon et aperçu des moyens de les ramener peut-être à leur première splendeur, adressé le 30 mars 1788 (Ac.Ms110 f°17-34) ; Réflexions sur les seuls moyens efficaces contre le venin de la vipère et celui de la rage, 10 fév. 1789 (Ac.Ms154 f°2849) ; Aperçu des causes qui peuvent rendre une langue universelle et observations sur celle des langues vivantes qui tend le plus à la devenir (Roland prédit la domination universelle de l’anglais des habitants des États-Unis), lu le 20 avril 1789 à la société d’émulation de Bourg (Ac.Ms151 f°178) ; Recherches historiques et critiques sur divers animaux dont la dépouille entre dans le commerce de la pelleterie, 27 fév. 1790 (Ac.Ms223 f°105).
Rapports : relatif à des métiers inventés par le sieur Fleury Dardois, 28 juin 1785, avec Montluel* (Ac.Ms189 f°184) ; sur le concours de 1786 : des lichens (Ac.Ms176 f°10, Ac.Ms211 f°148 et f°220) ; sur le concours de 1789 : cuirs imperméables, 1er mai 1789, avec Willermoz* et Tissier* (Ac.Ms236 f°26) ; sur le mémoire de M. Thévenard, de Mornant, sur la nature des impositions et la manière de les répartir, 1790, avec Rozier* et Campigneulles* (Ac.Ms141 f°6) ; sur le concours de 1791 : manufacture des lainages, 20 nov. (Ac.Ms236 f°20) et 24 nov. 1791, lettre envoyée de Villefranche à Willermoz* et Tissier* par « JMRoland » juste avec son départ pour Paris (Ac.Ms236 f°18).
« Lettre sur un projet relatif à la matière tinctoriale, lue dans l’Académie de Rouen le 17 novembre 1780 », J. de physique, jan. 1781, p. 49-51). – Mémoire sur l’éducation des troupeaux et la culture des laines, in-4°, 1779-1783. – Trois descriptions pour les Arts et métiers approuvées par MM. de l’Académie des sciences, Paris : Moutard, in-folio : L’Art du fabricant d’étoffes de laine rases et sèches, unies et croisées, 1780 (62 p., 11 pl.) ; L’Art du fabricant de velours de coton, 1780 (52 p., 12 pl.) ; L’Art du tourbier, 1782 (90 p., 4 pl.). – Arts et métiers mécaniques, manufactures et des arts, faisant partie de l’Encyclopédie méthodique ; les t. I et II (Paris : Panckoucke, 1785), consacrés aux manufactures d’étoffes, contiennent des pages intéressantes sur l’industrie lyonnaise (bonneterie, broderie, gaze, dessinateurs, dentelle, blanchiment des soies, parasols) ; en 1789, l’éditeur Panckoucke rassure les souscripteurs sur la continuation du Dictionnaire des manufactures, « fruit de trente années de travaux » et de « peines incroyables » ; le t. III (peaux et cuirs, huiles et savons, teinture) paraît en 1790. Dans son Discours préliminaire de 1785, Roland n’est pas tendre avec le Dictionnaire de Diderot et d’Alembert, « colosse sans proportion, compilation indigeste, où les Arts mécaniques sont traités avec une inexpérience dont aucun autre ouvrage ne donne l’idée ; l’Encyclopédie m’a donné un travail prodigieux, toujours sec, aride, dégoûtant et toujours sans fruit ; si quelquefois je me suis laissé allé à copier quelques-unes de ses phrases, c’est que je croyais abréger ; mais la nécessité de les éclaircir, sans pouvoir leur ôter la sécheresse et la dureté, a constamment augmenté mon travail et l’a rendu plus pénible » (p. xxxiv). Le Journal des savants déplore que l’auteur critique « sans ménagement toutes les personnes qui ne sont pas de son avis » (septembre 1788, p. 1981). – Lettres écrites de Suisse, d’Italie, de Sicile et de Malte en 1776, 1777 et 1778, 6 vol., Amsterdam, 1782 (datés de 1780) ; avec description de Lyon, t. VI, p. 480-487. – De l’influence des lettres dans les provinces, comparée à leur influence dans les capitales ; Discours lu à la séance publique de l’académie de Lyon le 6 décembre 1785, par M. Roland de Laplatière ; membre de cette Académie, 43 p. (ce discours, d’abord lu à l’académie de Lyon, le fut à celle de Villefranche lors d’une séance dont Mme Roland rend compte dans une lettre du 27 août 1785 : « il y avait beaucoup de choses sur les femmes dont plusieurs se sont mouchées, et peut-être m’arracheraient les yeux si elles s’imaginaient que j’y eusse quelque part »).