Né à la Guillotière, faubourg dauphinois de Lyon, le 27 octobre 1687, dans une famille de petits marchands, il est baptisé le 30 à l’église Notre-Dame de la Guillotière ; parrain : son oncle maternel Guillaume Carrier, futur secrétaire de l’archevêque de Lyon.
Philippe Villemot* (1651-1713), curé de la paroisse se charge de l’élever et de l’instruire ; astronome et mathématicien, membre de la première académie de Lyon, c’était un cartésien acharné ; dans l’article « Cartésianisme » de l’Encyclopédie, D’Alembert dit poliment : « La nouvelle explication du mouvement des planetes, par M. Villemot curé de Lyon, imprimée à Paris en 1707, est le premier & peut-être le meilleur ouvrage qui ait été fait pour défendre les tourbillons. » G. Rey fait ses études de médecine à Montpellier, s’installe en 1715 à Vienne où il épouse, le 21 mai 1716, Françoise Ballet, veuve Daltemare, de Seyssel (Haute-Savoie), dont il a cinq enfants. Puis il vient à Lyon en 1723. Veuf, Rey se remarie en 1744 avec Marie-Anne Buyet, fille d’un ancien maire de Saint-Chamond. À la fin de 1744, il se retire dans cette ville où il séjourne dix années. L’éducation de ses enfants et d’autres affaires le rappellent à Lyon, où il reprend ses occupations ordinaires. Bollioud le décrit ainsi : « Studieux par habitude, franc, vif par temperament, empressé à servir le public, amateur de l’ordre, de la Règle il continue à s’acquitter de ses devoirs aux dépens même de sa santé et meurt le 10 février 1756 » à Lyon.
Se destinant à la médecine, Rey s’est inscrit en novembre 1711 à l’université de Montpellier, où il obtient le baccalauréat le 14 juillet 1714, la licence le 3 décembre, et son doctorat le 25 janvier 1715, avec une thèse (n° 170, 78 p.) [Dulieu] portant sur Les causes du délire. Il est nommé « associé correspondant » de la Société royale des sciences de cette ville. Revenu à Lyon, il est agrégé au collège des médecins ; il s’installe en 1715 à Vienne, puis en 1723 à Lyon paroisse de Saint-Nizier. Il est médecin de l’hôpital de la Charité de 1727 à 1740. Mais « s’il est médecin par etat, il est encore plus philosophe par inclination, physicien, mathematicien et algebriste, il embrasse le cercle des sciences, aucune érudition ne lui est étrangère », dit Bollioud*. C’est en effet le moins qu’on puisse dire ; Rey fait preuve d’un éclectisme inimaginable : le mouvement des planètes, l’aurore boréale, le mot volupté, Socrate, la sympathie, la religion, le paganisme éclairé, les vampires de Hongrie, l’infini mathématique, la solitude, les vapeurs, l’eau dans les caves, les maladies héréditaires, etc. Sa curiosité intellectuelle est indéniable, mais ses raisonnements parfois étranges : par certains côtés, il combat les superstitions (par exemple l’existence de démons et de génies, l’influence de l’imagination des femmes enceintes sur les fœtus) ; par d’autres, il fait preuve d’une étonnante naïveté. Dans son Discours sur les negres, il affirme et distingue, sans explication complémentaire, « ... six sortes [d’hommes] qui sont. L’homme blanc. L’homme negre d’affrique. L’homme sauvage d’Asie ou de l’isle de borneo. L’homme sauvage d’Amerique ou le paresseux. L’homme marin a deux jambes. Et L’homme marin a queüe de poisson, […] dont l’existence ne peut etre contestée ». Il se demande s’il y a eu deux Adams et deux Èves pour expliquer l’existence des nègres, et affirme finalement ailleurs : « Mais comme l’Ecriture nous dit que tout le Genre humain vient de deux Blancs, Adam et Eve ; on doit reconnoître qu’Eve dans son ovaire contenoit les deux Espéces, et que les premiers œufs négres ne sont éclos, qu’après le Déluge, et dans un coin de l’Afrique ». À propos de la génération, de la digestion, de la circulation du sang, ses théories sont dépassées, même pour son époque. Ses idées sur le cerveau, la mémoire et « l’imagination humaine » sont plus proches de celles de son temps et marquées par la philosophie de Malebranche. Il procède lui-même à des observations. Rey s’est aussi intéressé à l’hérédité et à ce que nous appellerions les maladies neuropsychiatriques. Son style est souvent catégorique, mais nous n’oserions affirmer qu’il ait raison. G. Rey a indéniablement des connaissances mathématiques non négligeables, ce qui a dû faire illusion sur quelques académiciens. Mais cela n’en fait pas un géomètre original, car il n’en a pas la méthode ; pour démontrer l’existence de l’infini mathématique, il procède ainsi : l’existence de Dieu est indéniable, or Dieu, c’est l’infini dans toutes les dimensions, donc l’infini mathématique n’est (dans nos termes) que la projection sur une seule dimension d’une réalité évidente et qu’on ne saurait contester. CQFD. En 1744, s’il rejette Ptolémée et Tycho-Brahé au profit de Copernic, il condamne aussi Newton et souhaite revenir à Descartes, comme trente-cinq ans auparavant, au temps où il soutenait Villemot. Aucune des œuvres de cet académicien n’est passée à la postérité, mais elles donnent une bonne représentation des idées que pouvait avoir un notable mélangeant le fruit de son imagination avec une certaine aspiration aux Lumières.
Rey est élu d’abord à l’Académie des sciences et belles-lettres le 7 janvier 1727, à la place du P. Lelievre* de l’Oratoire, probablement en tant que disciple de Villemot ; il y lit son remerciement de réception à l’assemblée publique du 18 février, où il ajoute sa Dissertation sur l’aurore boréale (Pernetti, Ac.Ms301 f°405). Il est élu à l’Académie des beaux-arts le 4 août 1738, dans la classe de physique, section d’anatomie, et lit son remerciement le 11. Il lit de nombreuses dissertations dans les deux académies, parfois deux fois la même, ce qui lui vaut un rappel à l’ordre à l’Académie des beaux-arts le 29 avril 1744, à propos du Mémoire sur l’imagination des femmes enceintes. Le 6 mai, son discours académique « où il s’agit des Negres » est jugé « trop metaphisique, pour entrer dans les matieres que traite nôtre Academie [des beaux-arts] ». Retiré à Saint-Chamond à la fin de 1744, il adresse sa démission de membre ordinaire des deux académies et demande à passer « associé » à l’Académie des beaux-arts (lettre du 14 janvier 1746, séance du 26, il est remplacé par Martiny*), et « honoraire » à l’Académie des sciences et belles-lettres (séance du 18 janvier 1746, il est remplacé par Basset*). Une lettre de Rey à Christin, datée de Saint-Chamond le 21 octobre 1745, donne son avis sur le nouveau règlement (AcMs264 f° 71-72). Pendant son absence, il maintient quelque contact avec l’académie par des voyages à Lyon ou par des correspondances ; on a plusieurs mémoires de ces années-là ; il assiste parfois aux séances. Sa mort est annoncée dès la séance du 13 février 1756 de l’Académie des beaux-arts – alors appelée Société royale –, et le 24 février à l’ASBL par Pernetti, où celui-ci lit immédiatement un mémoire sur sa vie et ses ouvrages en séance privée. C’est à la séance du 13 février 1756 que la Société royale décide qu’elle prononcera aussi l’éloge historique des académiciens « qui après avoir été ordinaires auront été mis au Rang des vétérans, & qu’à l’égard des autres associés de l’académie [...] Il suffira que M. le Directeur annonce leur décès & fasse mention des faits principaux qui intéresseront leur mémoire dans son discours qui sert d’ouverture aux séances publiques ». L’éloge de Rey a été prononcé par Bollioud à la Société royale (n° 1173) le 7 mai 1756 [non retrouvé]. Les 14 et 21 mai, le fils de G. Rey a présenté à l’académie divers ouvrages de son père. Il a aussi été membre de la Société royale de Montpellier.
Bollioud, p. 57-60 et 113. – Pernetti, p. 396-401. – Paul Miraillet, « Guillaume Rey. Praticien lyonnais au xviiie siècle », Cahiers lyonnais d’histoire de la médecine, 1 (4), 1959, p. 3-28 [la référence principale]. – Michaud. – Louis Dulieu, La médecine à Montpellier, t. 3, 2e partie, 1986.
Sauf mention autre, les dates sont celles de présentation à l’ASBL (pour lesquelles on a souvent un résumé dans les registres et non le manuscrit complet) et non à l’Académie des beaux-arts (où le manuscrit est en principe déposé et conservé ; dans ce dernier cas, nous l’avons précisé et avons ajouté le n° de la pièce). Observations sur l’aurore boréale de la nuit du 19 octobre 1726, 18 février 1727 (Ac.Ms205 f° 176-180, autre version f°174-175). – Sur l’explication d’une tumeur osseuse au doigt [exostose], 10 juin 1727. – Discours sur le véritable sens du mot volupté, 12 juin 1727 (suivie d’une dispute à l’académie). – Remarques sur l’introduction des eaux de rivière dans les caves à Lyon, 3 février 1728. – Sur la chaleur et le froid de la fièvre, 13 avril 1728. – Réflexions détachées sur la liberté de l’homme, 7 septembre 1728 (voir aussi discussion du 8 février 1729). – Examen analytique de deux discours sur le démon de Socrate, 17 mai 1729, et Discours sur les genies familiers en général, 24 mai 1729 (probablement repris dans le mémoire lu à l’Académie des beaux-arts le 22 mai 1743). – Objections à ce dernier [probablement au discours sur l’homme et sur les opérations de Cheinet lu le 19 juillet 1729], 9 août 1729. – Dissertation sur la sympathie et l’antipathie qui règnent entre les corps inanimés, 3 avril 1731. – Sur les diverses secrétions opérées dans les animaux et dans les plantes, 26 juin 1731. – Dissertation sur les dissolutions, les suspensions, et les précipitations des corps solides dans les fluides, 27 mai 1732 à l’ASBL, et 19 janvier et 13 avril 1739 aux beaux-arts (n° 138). – Discours latin sur le Rapport de l’étude de la religion et de sa pratique avec la profession de médecin, 16 juin 1733. – Sur l’humeur, 5 janvier 1734. – Apologie du paganisme eclairé contre la raison seule, 1er mars 1735. – Dissertation sur les vampires de Hongrie, 15 janvier 1737 à l’ASBL, 8 juin et 13 juillet 1746 aux beaux-arts (Ac.Ms136 f° 52-58, n° 503) (voir aussi le Mercure historique et politique d’octobre 1736, p. 403-411 : Vampires découverts à Kisilova [un des premiers emplois des mots vampire et vampirisme en français]. – Sur un(e) hermaphrodite, 5 août 1738. – Sur trois maladies, 12 mai 1739. – Sur les envies des femmes enceintes, et sur l’influence puissante de l’imagination, 24 novembre 1739 à l’ASBL (assemblée publique) et 29 avril 1744 (beaux-arts). – Discours sur le mécanisme de l’imagination humaine, 10 mai 1740, et 11 août 1740 à l’Académie des beaux-arts (n° 228) (Ac.Ms229 f° 225-232). – Dissertation sur la cause des frissons et de la soif ardente qu’on ressent tout à la fois dans le commencement de plusieurs fievres, 5 juillet 1741 (Ac.Ms 262 f° 217-229, bx-arts n° 287). – Sur la possibilité de l’infini arithmetique, et de l’infini géometrique, considérés séparement et combinés entre eux, 13 juin 1741 à l’ASBL et 23 mai 1742 aux Beaux-Arts (Ac.Ms180 f° 40-49, bx-arts n° 322). – Sur la nature des nègres, 5 juin 1742 à l’ASBL et 6 mai 1744 aux Beaux-Arts. – Sur une maladie épidemique appelée Grippe, 30 avril et 11 juin 1743. – Réflexions physiques contre le système des esprits anciens [le copiste de la 2e version a écrit « aériens » par erreur] que la philosophie platonicienne a appelés des démons ou des génies, ou « Mémoire sur l’inutilité des génies dans le système du monde qui se soutient par des forces mouvantes imprimées par le Créateur » (AcMs154 f° 78-83 et AcMs158 f° 44-51, 22 mai 1743, Ac. bx-arts, n° 368). – Sur l’astronomie physique, 25 février 1744. – Réfutation de quelques principes de Newton, 28 avril 1744, (v. aussi bx-arts ? 1745). – Sur la maladie appelée vapeurs ou affection du genre nerveux, 9 juin 1745. (Ac.Ms262 f° 1-8, bx-arts n° 463). – Plan d’un traité sur la raison humaine considérée selon les causes et effets physiques, 13 juin 1745 [apparemment ce traité ne sera jamais mené à bien]. – Discours sur les avantages de la solitude, 26 avril 1746. – Dissertation sur la transmission des maladies héréditaires, 21 mai 1749. (Ac.Ms262 f° 31-40, bx-arts n° 651) [pièce ayant concouru au prix de l’Académie de Dijon pour 1748].
Défense du système du mouvement des planetes de M. Villemot contre la critique de M. Malezieu, Lyon, 1709 (cote Acad. Lyon: 50110) ; voir extrait d’un écrit intitulé « Réflexions sur la démonstration que N. de Malezieu a pretendu donner de la règle de Kepler », Journal de Trévoux 9, 1726, p. 1436-1441. – Dissertatio philosophico-medica de causis delirii in genere, Montpellier : H. Pech, 1714 (thèses de médecine, université de Montpellier). – Dissertation sur la peste de Provence, Lyon, 1721, sous le pseudonyme de M. Agnez (cote Acad. Lyon: 50212). – Dissertation sur l’origine des Négres, Lyon, 24 p. [non trouvé ; compte rendu critique : Mémoires de Trévoux, janvier 1744, p. 167-177 ; parle aussi de l’imagination des femmes enceintes, de la dissolution et de l’infini mathématique].