Dictionnaire historique des académiciens de Lyon

Préface
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BAROU DU SOLEIL Pierre Antoine (1742-1793)

par Christian Bange .

 Pierre Antoine Barou du Soleil serait né à Lyon le 1er avril 1742 d’après Bréghot du Lut et Péricaud, le 2 avril 1742 d’après Thiou, ou le 2 août 1742 d’après Jouvencel (p. 435, v° Durand de Chatillon) ; Boissy d’Anglas, son premier biographe, se borne à dire « autour de 1740 », et la Biographie universelle de Michaud indique 1741. L’acte de baptême n’a pas été retrouvé dans les registres paroissiaux catholiques lyonnais. Il était fils d’Antoine Barou, négociant et agent de change à Lyon, protestant décédé à Lyon le 29 octobre 1786 à l’âge de 87 ans – fils d’Antoine Barou né à Annonay le 19 juillet 1667 et de Marie Léorat mariés le 16 février 1696 –, et d’Étiennette Garnier ; sa famille paternelle est originaire d’Annonay ; depuis le xvie siècle, ses ancêtres y sont établis en qualité de marchands et y accèdent à des charges de procureur du roi en la sénéchaussée ; un cousin germain de son père, Jean Barou (1690-1763), anobli en 1760 par une charge de secrétaire du roi près la chancellerie du parlement de Pau et mort en charge, est à l’origine de la famille Barou de la Lombardière, toujours subsistante, alliée au xviiie siècle aux Montgolfier, et héritière de la famille de Canson qui porte écartelé au 1 et 4 d’argent à trois molettes de gueules, au 2 et 3 d’argent à la quintefeuille de gueules (Séréville 1, 149) ; Poidebard attribue aux Barou du Lyonnais des armes similaires : écartelé, aux 1 et 4 d’azur, à trois molettes d’or, aux 2 et 3, d’argent à une rose de gueules, qui pourraient être celles de notre académicien ; Tricou (2, 66) a rattaché par erreur Barou du Soleil à la famille Baroud, originaire de Savigny en Lyonnais, anoblie par l’échevinage à Lyon en 1785.

 Licencié en droit de la faculté de droit de Paris en avril 1765, Pierre Antoine Barou acquiert de Jean-François Tolozan, en mars 1766, l’une des deux charges d’avocat général à la cour des monnaies, sénéchaussée de Lyon et siège présidial de Lyon, et reçoit des lettres de dispense d’âge, n’ayant pas les trente ans exigés ; puis il est pourvu de la charge de procureur du roi à la même cour par lettres de provision du 24 octobre 1770, succédant à Jean-Philibert Peysson, mort en charge en avril précédent. Après la suppression de la cour des monnaies en 1771, il conserve la charge de procureur du roi à la sénéchaussée et au présidial ; dans son acte de mariage (mars 1770), il est également qualifié de conseiller et avocat du roi en la juridiction des traites de la même ville ; d’après Eric Thiou, il aurait été pourvu de la charge de substitut du procureur général en la juridiction des traites de Lyon par provision du 24 octobre 1770. Pierre Antoine Barou est devenu seigneur du Soleil, fief sis en la paroisse de Beynost en Bresse qu’il acquiert le 4 mars 1767 au prix de 134 400 livres de Roch Fourrat, écuyer, secrétaire du roi, lequel l’avait lui-même acquis de la famille Grollier en 1747. Mis en vente après la mort de Barou (1793), le domaine fut racheté en 1795 par sa veuve, et passa par héritage à la famille de Chaponay, qui le conserva jusqu’au milieu du xixe siècle. Il épouse à Lyon (paroisse Sainte-Croix, et contrat du 3 mars 1770 par Me Étienne Laurent Berthon du Fromental, notaire à Lyon), le 9 mars 1770, Jeanne Marie Durand de Châtillon, née à Lyon le 14 mars 1749, baptisée le lendemain (paroisse Saint-Nizier) et décédée à Lyon en son hôtel, 4 rue Saint-Joseph (act. rue Auguste-Comte) le 9 janvier 1832, fille de Paul Durand de Châtillon – d’abord fabricant veloutier, puis secrétaire du roi, seigneur de la baronnie de Châtillon d’Azergues, Bayère, La Flachère et autres lieux – et de Marie-Anne Vial ; elle est connue pour sa participation active aux œuvres charitables. Faute de descendance, l’héritier de Barou du Soleil sera son cousin Jacques Jean-Baptiste Barou de Canson (1748-1820), petit-fils de Jean Barou de la Lombardière.

 Barou du Soleil exerce ses fonctions judiciaires à la sénéchaussée jusqu’en 1789. Il est en outre administrateur des collèges de Lyon, ainsi que de l’Institut de bienfaisance en faveur des pauvres mères nourrices (1784). En 1787, il est appelé à assumer les fonctions de procureur syndic de la commission intermédiaire de l’Assemblée provinciale établie par Calonne, et il prend une part très active à ses travaux. Lorsque, en 1788, Loménie de Brienne tente de réaliser des réformes administratives et fiscales et se heurte à l’opposition du Parlement de Paris refusant d’enregistrer certains édits – ce qui vaut aux parlementaires d’être exilés –, Barou du Soleil s’associe aux protestations des corps supprimés (la sénéchaussée, mais aussi le bureau des finances, auquel appartient en qualité de trésorier de France son beau-frère, Simon-Jean Durand de Châtillon), tout en s’efforçant de rester discret. S’étant rendu à Paris, député par le bureau de l’Hôtel-Dieu pour soutenir des affaires importantes, il est sommé par Lamoignon, garde des sceaux, le 13 juillet 1788, de quitter Paris dans les vingt-quatre heures et de regagner son poste ; il revient à Lyon, mais c’est pour renouveler personnellement et par écrit ses protestations, enregistrées par un notaire de Villeurbanne et adressées au garde des sceaux, et il refuse d’exercer les fonctions de procureur du roi au Grand Bailliage nouvellement établi. Cet éclat lui vaut d’être exilé en août 1788 par une lettre de cachet au fort de Brescou, près de l’embouchure de l’Hérault (à 1 km d’Agde). Il y est traité avec égards ; à la suite des suppliques de sa femme et de ses collègues, qui font valoir son talent comme administrateur et son zèle comme protecteur des pauvres, et grâce au retour de Necker aux affaires après la démission de Brienne, il est autorisé dès le 31 août à regagner sa terre du Soleil, puis à reprendre ses fonctions à Lyon. Il peut requérir à la Sénéchaussée, le 4 octobre 1788, l’enregistrement de la déclaration du roi du 23 septembre précédent annonçant le rétablissement des cours et des tribunaux et convoquant les États généraux. Dans le discours qu’il prononce à cette occasion, il exalte la liberté : « C’est dans le cœur de l’homme que la nature a tracé, en caractères ineffaçables, la grande charte de la liberté civile ». Mais il démissionne le 26 mars 1789 et n’assiste pas aux assemblées préparatoires des États généraux ; ses fonctions sont remplies par le premier avocat du Roi, Thomas Rambaud.

 Au début de la Révolution, il s’installe à Paris. Mais, inquiet de la tournure prise par la Révolution, il quitte la capitale au début de 1793 et projette de se retirer à Annonay, où il fait dans ce but l’acquisition d’une maison à Charmenton-les-Annonay. Revenu à Lyon pour régler quelques affaires, au moment où Lyon se révolte contre la Convention, il accepte les fonctions de président de sa section, ce qui entraîne son arrestation après la prise de la ville. Il est condamné à mort le 23 frimaire an II (13 décembre 1793) par la commission révolutionnaire présidée par Collot d’Herbois, et guillotiné le même jour place des Terreaux avec quarante-quatre autres Lyonnais.

 Fort cultivé, Barou du Soleil a un goût prononcé pour les lettres et les arts aussi bien que pour les sciences. Selon Boissy d’Anglas, « la considération dont il jouissait était due principalement à l’amabilité de son esprit, à la douceur de ses mœurs, à l’étendue de ses lumières dans plusieurs genres et à son caractère noble, généreux et élevé » ; il aurait participé (aux côtés de Claret de la Tourrette) à l’édition des œuvres de Louise Labbé en 1762 à Lyon chez les frères Duplain, sur une commande d’Adamoli* (c’est la première réédition depuis 1556). Il est lié à de nombreux artistes et écrivains auxquels il rend visite à Paris et qu’il reçoit à Lyon, et il écrit lui-même avec beaucoup d’aisance. Boissy d’Anglas vante son don de rendre ses idées avec élégance. Son éloge de Prost de Royer*, auteur d’un volumineux Dictionnaire de jurisprudence dont les quatre premiers volumes ont été publiés entre 1781 et 1784, lu à la séance publique de rentrée des corps de magistrature en 1785, suscite l’admiration de ses contemporains. Ami de Marc-Antoine Claret de la Tourrette*, qu’il a accompagné en Sicile de novembre 1768 à mai 1769, il cultive également l’histoire naturelle : il profite de ses séjours en Bresse au château du Soleil pour herboriser ; Gilibert* a noté la découverte par Barou du Soleil, sur la Côtière, d’une orchidée rare, Orchis papillonacea, ainsi que de plusieurs plantes aquatiques peu fréquentes dans les étangs de Dombes (par exemple Pilularia globulifera). Avec Jean-Antoine Regnault de Parcieu*, il est l’un des organisateurs de la première ascension aérostatique organisée à Lyon, le 19 janvier 1784.


Académie.

Admis le 3 juillet 1770, classe des belles-lettres et arts, en remplacement d’André Clapasson*, Barou du Soleil prononce son discours de remerciement en séance publique le 4 décembre de la même année. Il est directeur en 1776, ce qui lui vaut de prononcer plusieurs éloges ; Dumas, Pézenas, Grollier de Servières, Le Clerc de la Verpillière, d’Aubenton, Goiffon, le P. Ferri et Genève (cf. Delandine, Ms 1389). Il fait partie des commissions nommées pour encourager les tentatives d’aérostation des frères Montgolfier, ou pour juger les mémoires présentés au concours ouvert à l’initiative de l’abbé Raynal sur les conséquences de la découverte de l’Amérique. Il lit un certain nombre de mémoires, les uns originaux, les autres consistant en traductions (en prose et parfois en vers) d’ouvrages anglais : Réflexions sur les qualités et les vertus sociales (5 mai 1774, 2 mai 1775) ; Discours sur les rapports qui lient les fonctions de l’homme d’état avec les occupations de l’homme de lettres (25 avril 1776) ; Dissertation sur la sensibilité dans les arts, la littérature et les divers emplois de la société ; Traduction de l’épisode de Tristam Shandy sur la mort du lieutenant Le Fevre (5 avril 1781) ; Traduction de quelques fragments du cours de belles lettres de Sir Hugh Blair (14 février 1786, cf. Delandine, n° 711) ; Traduction d’un conte moral extrait du Craftsman et intitulé « La Science humaine » (1er août 1786) ; Discours sur l’esprit public (15 janvier 1788) ; Éloge historique de l’abbé Mongez (8 avril 1788, cf. Delandine, Mss Lyon, 3 : 331) ; Traduction en vers français d’une fable de Gay intitulée Le philosophe et le pasteur (17 novembre 1789).

Bibliographie

Dumas I, p. 313. – Gilibert, Histoire des plantes d’Europe, 2e éd., Lyon : Leroy, 1806, t. 3, p. XXXII. – F. A. Boissy d’Anglas, « Biographie lyonnaise. Notice sur Pierre Antoine Barou du Soleil », AHSR 12, 1830, p. 26-34 (extr. Études littéraires et poétiques de feu M. le comte Boissy d’Anglas, Paris, 1825, 6 vol., t. 3, p. 377-387). – A. Magnin, Prodrome d’une histoire des botanistes lyonnais, Lyon : Assoc. Typogr., 1906. – H. Lévêque, « L’assemblée provinciale de la généralité de Lyon et sa Commission intermédiaire (septembre 1787-juillet 1790) », RLY, 1909, 8, p. 325-346. – E. Leroudier, « Une œuvre lyonnaise de puériculture au xviiie siècle », RLY 8, 1909, p. 429-445. – P. Metzger, Contribution à l’étude de deux réformes judiciaires à Lyon au xviiie siècle. Le Conseil supérieur et le Grand Bailliage de Lyon, (1771-1774, 1788), Lyon : Rey, 1913. – Eric Thiou, Les magistrats de la Cour des monnaies de Lyon (1704-1771), Aix-en-Provence, Mém. et Docum., 2014, p. 59-60. – Marc Gauer, Histoire et généalogie de la famille Barou de la Lombardière et de ses alliances, Collection « Cahiers ardéchois » (en ligne).

Publications

Éloge de M. Prost de Royer, ancien échevin et lieutenant général de police de […] Lyon [...] prononcé le 30 novembre 1784, par M. Barou du Soleil, s.l., 1785, 68 p. – Récit de ce qui s’est passé au grand bailliage de Lyon lors de sa rentrée en sénéchaussée et siège présidial, le 3 octobre 1788. Discours prononcé par M. Barou du Soleil, procureur du roi en la sénéchaussée [...] de Lyon, en présentant à l’enregistrement la déclaration qui annonce les états généraux et rétablit les cours et tribunaux au même et semblable état qu’ils étaient avant le 8 mai, s.l., 1788, 11 p. (réimpr. AHSR 12, 1830, p. 429-434).