Les notices


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L'Académie :

 La fondation /

 L’Académie de Lyon n’a pas eu une fondation, mais deux. Vers 1700, quelques notables ont commencé à se réunir informellement pour discuter de toutes sortes de sujets : « la Physique, l’Histoire civile, et l’Histoire naturelle, les Mathématiques, la Langue, les Lettres humaines, etc. », dit Brossette à Boileau. En 1700, ils ont décidé de s’appeler « Académie » des sciences et belles-lettres ; cette compagnie est tombée en sommeil à la fin de 1701 pour renaître, grâce au nouvel intendant Trudaine entre 1705 et 1709. Puis elle s’est mieux structurée, a tenu des registres à partir de 1714. Parallèlement, en 1713, s’est créée une Académie des beaux-arts, à l’initiative d’autres notables, d’abord pour organiser des concerts et promouvoir la musique. Les deux Académies ont obtenu en 1724 des lettres patentes conjointes. La première Académie est devenue plutôt littéraire ; la seconde s’est transformée en une véritable Académie des sciences en 1736 ; elles ont fusionné en 1758.

 Les fondateurs /

 La première Académie a eu une petite dizaine de fondateurs, dont le président de la Cour des monnaies Laurent Dugas, l’avocat Claude Brossette, et le médecin Camille Falconnet. Parmi les autres premiers membres il y eut des ecclésiastiques comme Jean Saint-Bonnet, fondateur de l’observatoire de Lyon, ou le cartésien Philippe Villemot, ainsi que des personnalités possédant bibliothèques et cabinets de curiosité : Aubert, Bottu de Saint-Fonds, Louis de Puget, etc. Ils furent jusqu’à une vingtaine dès 1705-1710. Quant à l’Académie des beaux-arts, elle fut lancée par le prévôt des marchands Camille Perrichon, Nicolas Bergiron et Jean-Pierre Christin, inventeur du « thermomètre de Lyon ». Petit à petit, en plus de ceux qui étaient strictement musiciens, s’agrégèrent des savants érudits comme Grollier de Servières, Bollioud-Mermet ou J. Mathon de la Cour. Galerie d'images.

 Académiciens et académiciennes /

 Les nouveaux membres de l’Académie sont élus par les académiciens, au fur et à mesure que des sièges sont vacants dans les diverses disciplines. Les 52 membres titulaires (24 en sciences et 28 en lettres et arts) doivent résider dans la métropole. Le recrutement est assez local : depuis 1700, 55% des 830 académiciens sont nés à Lyon même. Et très masculin : jusqu’en 1987, l’Académie ne comptait qu’une poignée de femmes artistes ou poétesses, admises seulement comme associées. Avec quelques années de retard sur l’Académie française et l’Académie des sciences de Paris, celle de Lyon s’efforce désormais de viser la parité. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, l’origine sociale des académiciens est variée : l’Académie a compté et compte dans ses rangs de nombreux enfants d’artisans, d’ouvriers et de petits commerçants lyonnais.

 Les lieux /

 Pendant les premières années, les académiciens se réunissaient chez eux. En 1717, l’archevêque Villeroi mis à leur disposition une salle de son palais, à côté de la cathédrale. Dès 1726, « Les frais de l’écritoire, du feu et de la lumière » furent assurés à l’Académie des Sciences et Belles-Lettres dans une petite salle de l’Hôtel de Ville.

 L’Académie des Beaux-Arts se réunissait quant à elle dans le bâtiment du Concert qu’elle avait fait construire entre les Cordeliers et le Rhône (détruit en 1856).

 Après la fusion des deux sociétés, c’est la grande salle des Portraits de l’Hôtel de Ville qui accueille les séances. À partir de 1777, le pavillon à l’angle de la place de la Comédie et de la rue Puits-Gaillot abrite la bibliothèque et les collections, ouvertes au public tous les mercredis : c’est le premier vrai musée lyonnais.

 Après la Révolution, l’Académie se voit d’abord octroyer un asile provisoire au Grand Collège, puis quatre salles au sein de l’ancien couvent des dames de Saint-Pierre, qu’elle occupera de 1824 à 1975.

 Depuis, par un beau retour aux sources, elle est logée dans le palais Saint-Jean Voir .

 Les activités /

 Comme la plupart des académies de province nées au xviiie siècle, et plus ou moins conçues sur le modèle des académies parisiennes, l’Académie de Lyon a eu – et conserve – plusieurs fonctions, dont l’importance relative a varié depuis 1700 :

 - organiser la discussion et le travail intellectuel dans la ville, avant que d’autres institutions ne soient créées pour cela au milieu du xixe siècle ;

 - répondre à des demandes d’expertise émanant des pouvoirs publics ou de particuliers ;

 - distribuer des prix encourageant la science et la création, ou bien récompensant le mérite et soulageant la misère ;

 - diffuser la connaissance, lors de séances publiques ou par des publications ;

 - se perpétuer et se renouveler en élisant de nouveaux membres, lors de séances privées ;

 - conserver et mettre en valeur son patrimoine (manuscrits, œuvres d’art) ;

 - accueillir des chercheurs dans sa bibliothèque

 Au service de la ville /

 En 1723, la distribution ponctuelle par la Ville de jetons au Bureau de Santé manifeste sa reconnaissance pour les efforts déployés face à la menace de l’épidémie de peste venue de Marseille. C’est au tour, en 1736, de l’Académie des Sciences et Belles-Lettres d’être ainsi remerciée pour ses exercices désintéressés, mais aussi pour les services rendus. Assez limitée au cours de ses premières années, l’implication de l’Académie dans la vie de la cité prend de plus en plus d’importance. Elle attire régulièrement l’attention sur des questions d’utilité publique et son avis est parfois sollicité expressément par la municipalité. Elle s’efforce alors de proposer les solutions les plus faciles et les moins dispendieuses. Des académiciens se retrouvent souvent désignés afin de siéger dans les commissions constituées par le maire ou le préfet pour étudier tel ou tel problème d’intérêt général.

 Patrimoine et recherche /

 Dès 1736, Jean-Pierre Christin convainc l’Académie des beaux-arts que tous les discours et mémoires lus en séance doivent être remis au secrétaire et conservés. Cette mesure est à la base de l’exceptionnelle richesse des fonds patrimoniaux de l’Académie. C’est ainsi, par exemple, qu’elle possède la seule copie retrouvée de la circulaire envoyée aux contributeurs de l’Encyclopédie Diderot-D’Alembert pour leur indiquer comment travailler. En 1960, l’Académie, a remis à la bibliothèque municipale de Lyon la grande collection du bibliophile Pierre Adamoli (1703-1769). La compagnie possède aussi des tableaux, bustes, médailles et autres œuvres d’art, présentés dans cette exposition. Elle reçoit des chercheurs du monde entier et les guide dans leurs travaux. Elle met aujourd’hui progressivement en ligne ses inventaires, la numérisation et la transcription de ses manuscrits.

La ville au passé et au présent :

 Urbanisme /

 L’Académie revient régulièrement sur différents projets d’agrandissement du territoire de la ville. Dès 1738, plusieurs de ses séances sont consacrées à la discussion du plan de Delorme, qui reprend l’idée d’Hardouin-Mansart du rattachement de l’île Mogniat à la Presqu’île. C’est à l’Académie que Perrache présente en 1771 un nouveau projet, et débat avec Delorme de ses modalités techniques. Enfin, le sujet choisi pour concours du prix Christin-Ruolz de 1826 porte sur les moyens d’assainir la presqu’île de Perrache. Au nord-est, Soufflot, dix ans après sa réception à l’Académie, souhaite en 1749 allier extension et embellissement de la ville avec son projet d’immeubles aux façades imposantes sur les terrains du quartier Saint-Clair gagnés sur le lit du Rhône. Après s’être intéressée à la lutte contre les inondations qui frappent la rive gauche du Rhône, l’Académie se penche (1826) sur son aménagement afin de favoriser la prospérité industrielle et commerciale de la ville.

 Académiciens architectes /

 Au 18e siècle, trois architectes, Delamonce, Delorme et Soufflot, participent activement aux travaux de l’Académie des Beaux-Arts, tout en étant pleinement engagés dans leur vie professionnelle : Delamonce termine le dôme de Saint-Bruno des Chartreux, Soufflot dessine un projet pour l'Hôtel-Dieu et Delorme aménage à Oullins les jardins en terrasses de la résidence de l'archevêque. Ils présentent à l’Académie de nouveaux projets qui intéressent particulièrement l’avenir de la ville : Delorme propose une extension sur le confluent, Soufflot les plans de son théâtre et Deville de nouveaux projets routiers.

 Les académiciens architectes participent aussi à des travaux relevant de problèmes techniques et mécaniques pouvant concourir aux progrès de l'hygiène et du confort.

 Après la Révolution, d’autres architectes sont élus à l’Académie : Cochet, Chenavard et Dupasquier. Le discours académique se cantonne alors surtout à la théorie et à l’histoire de l’architecture. Il revient désormais aux sociétés spécialisées, d'agriculture, de médecine et d'architecture, de traiter des aspects matériels et pratiques des disciplines étudiées précédemment par les académiciens-architectes. C'est d’ailleurs à d'autres titres que les architectes Claude-Émile Perret de La Menue, historien, et Clair Tisseur, homme de lettres et philologue, siègent à l'Académie aux côtés de Gaspard André. Galerie d'images.

 L’archéologie /

 L’archéologie a trouvé naturellement sa place à l’Académie dès le premier siècle de son existence, à travers l’étude des inscriptions et des médailles antiques. Diverses découvertes (un autel taurobolique, une jambe de cheval en bronze) passionnent Colonia puis La Tourrette, Pernetti et Delorme, tandis que Clapasson se demande si le rétablissement du système des quatre aqueducs est envisageable.

 Le siècle d’or de l’archéologie à l’Académie fut le xixe siècle. C’est la période des recherches de François Artaud, et de la prise de conscience qu’il faut rassembler tous les objets de fouilles et documents d’archives. On pose ainsi les bases d’un musée qui aboutiront à la réalisation en 1975 du musée gallo-romain de Fourvière.

 Au xxe siècle la recherche archéologique, s’est administrativement organisée, et professionnalisée. Mais, au sein de l’Académie de Lyon, à côté des universitaires, des amateurs devenus spécialistes – tel l’imprimeur Amable Audin – ont continué et continuent à jouer un rôle essentiel dans la connaissance de l’histoire de la ville.

 Amable Audin, un archéologue académicien /

 Amable Audin (1899-1990), issu d’une famille d’imprimeurs lyonnais, devient archéologue, spécialiste du monde gallo-romain de Lyon.

 Les fouilles menées par Audin enrichissent le patrimoine de Lyon de plusieurs monuments majeurs : l'odéon, le théâtre, l'ex-temple de Cybèle et l'amphithéâtre des Trois Gaules.
Il recueille également des renseignements archéologiques fournis par de multiples découvertes fortuites dans les quartiers de Vaise et du 5e arrondissement. Ses notes et plans sont parfois la seule documentation sur des vestiges détruits ensuite par les travaux urbains.

 En 1952, il succède à Pierre Wuilleumier à la tête de l’atelier de fouilles archéologiques de la Ville de Lyon, créé en 1935 sous l’impulsion d’Édouard Herriot à l’occasion du dégagement du théâtre et de l’odéon de Fourvière.

 Amable Audin est aussi conservateur des collections gallo-romaines de la ville de Lyon. Il convainc le maire Louis Pradel de la nécessité de construire un musée lyonnais de la civilisation gallo-romaine : le musée gallo-romain de Fourvière voit le jour en 1975 et Amable Audin en est le premier conservateur.
Amable Audin est élu en 1957 à l'Académie, où, dans la lignée de Chenavard et Artaud, il poursuit la transmission de la connaissance de l’histoire du Lyon antique.Voir.

 L’aménagement de la cité /

 L’agrandissement du site urbain comme les aménagements destinés à améliorer la vie quotidienne ou à embellir la ville sont fréquemment abordés et examinés au cours des séances hebdomadaires de l’Académie. Grâce à une large audience qui s’étend hors des frontières, les concours que celle-ci organise lui offrent l’occasion de rechercher des contributions hors de ses rangs. Les candidats sont ainsi invités à répondre à une question posée, parfois à la demande ou avec les encouragements de la Ville, comme en 1763 avec un sujet concernant les améliorations à apporter aux moulins pour diminuer la gêne à la navigation, qui inspira 15 mémoires. Analysés en commission, les mémoires reçus nourrissent des discussions résumées dans un rapport présenté et débattu en séance. Mémoires et commentaires sont, le cas échéant, transmis aux autorités municipales. L’Académie remplit ainsi une véritable fonction d’expertise au service de la Ville.

 L’aménagement des rues /

 Répondant à la question « Quels sont les moyens les moins dispendieux et les plus durables d’entretenir le pavé de la ville de Lyon », le lauréat du concours de 1780, l’abbé Bertholon, souligne l’intérêt du sujet en remarquant que « l’art de paver est encore dans le néant ». Son mémoire retrace l’évolution des techniques utilisées depuis l’antiquité et mobilise diverses disciplines scientifiques pour aboutir à un véritable traité. Il conclut cependant que les cailloux roulés par la Saône et le Rhône restent « la matière la plus simple, la plus solide, la plus commode et la moins coûteuse de paver les rues ». En 1807, face à l’insalubrité née de l’accumulation de la boue dans les rues, le maire consulte l’Académie sur l’utilisation des pavés de basalte et soumet des échantillons à son expertise. L’Académie réexamine le sujet. Elle recommande d’adopter des pavés de granit taillés en cube et de veiller à la pente des rues. Elle propose plus tard d’aménager des trottoirs avec du bitume.

 Ponts et quais /

 En 1766, Jean-François Lallié présente un mémoire détaillant ses propositions pour améliorer la solidité de la digue de la Tête d’Or en détournant le courant du Rhône en son centre afin de mieux protéger les Brotteaux du risque d’ouverture d’un bras du fleuve. Après les graves inondations de 1801, 1812 et 1820, la question, plus ambitieuse, de mettre les Brotteaux, territoire de la Guillotière à l’abri des inondations, et de faire servir, en même temps, les travaux d’art qu’on pourrait y faire, à la prospérité industrielle et commerciale de la ville de Lyon est posée pour les concours de 1826 et 1827. En 1803, au moment où l’on construit à Paris la Passerelle des Arts, l’Athénée se penche sur un projet de pont non suspendu en fer fondu. Tout en estimant qu’il serait à même de supporter les plus grands fardeaux, les académiciens incitent à la prudence et relèvent divers problèmes, aggravés par l’imperfection des matériaux, pouvant entraîner l’altération de sa solidité.

 La navigation fluviale /

 L’exploitation de l’axe fluvial Rhône-Saône se heurtait à des difficultés pour lesquelles l’Académie s’efforça de trouver des solutions. Afin de faciliter la traversée de la ville, elle se penche sur la lutte contre les dépôts alluvionnaires dans le cadre des concours de 1778-79 et de l’An XI et l’An XII. Un mémoire soumis par M. de Bonneville en 1761 propose d’utiliser des cabestans pour haler les bateaux sans endommager les moulins amarrés aux rives. En 1812, un autre mémoire reprend l’idée plus ambitieuse d’un canal latéral au Rhône de la Méditerranée à Genève. En juillet 1783, l’Académie prend une part active à la validation de la démonstration réussie sur la Saône du tout premier bateau à roues à aubes entraînées par une machine à vapeur, le Pyroscaphe de Jouffroy d’Abbans. Son avis élogieux ne suffit malheureusement pas à convaincre l’Académie des Sciences de Paris, qui refuse l’année suivante à l’inventeur le droit de naviguer sur la Seine. Voir

 Le chemin de fer /

 Le sujet proposé pour le Prix Christin-Ruolz de 1844, Quels sont les avantages et les inconvénients qui peuvent résulter pour Lyon de l’établissement des chemins de fer, traduit bien les interrogations de l’Académie devant cette question qui anime les Lyonnais depuis dix ans. Le mémoire couronné d’encouragements étudie une éventuelle ligne Lyon-Avignon et insiste sur ses aspects négatifs : il souligne que le train risque de porter un coup fatal à la batellerie à vapeur en plein progrès et de priver Lyon de la plupart de ses activités. Le rapporteur, Louis Bonnardet, salue ces « vues saines ». Quelques mois plus tard, il présente un long mémoire pour développer ses opinions sur la ligne Paris-Marseille imposée par la loi de 1842. Il rappelle son hostilité à la traversée de Lyon sans solution de continuité et persiste à promouvoir l’installation de la gare entre les Terreaux et Bellecour. Ces idées sont diversement reçues à l’Académie qui semble par la suite délaisser ce sujet clivant.

 L’hygiène /

 Dès le xviiie siècle, l’attention portée à l’hygiène et à l’environnement dans de nombreux domaines s’impose à l’Académie. Le courant « aériste », qui insiste sur l’importance de la qualité de l’air et de sa circulation pour lutter contre la diffusion des maladies, conduit les académiciens à se pencher sur les zones marécageuses et à s’interroger sur les conséquences de leur éventuel asséchement. Leurs relevés météorologiques quotidiens fondent leurs choix pour l’aménagement des rues ou l’implantation des cimetières. La nécessité du nettoiement des rues, qui s’impose peu à peu, conduit à proposer des solutions pour fournir l’eau nécessaire. La lutte contre les effets néfastes de la vidange des fosses d’aisance mobilise l’Académie pendant quatre ans. Enfin, une attention nouvelle portée à l’hygiène corporelle se manifeste au travers de rapports sur l’utilité des établissements de bains publics et la préconisation de bains chauds.

 L’hygiène urbaine /

 En 1786, l’abbé Bertholon publie une étude intitulée De la salubrité de l’air des villes. Il reprend son Mémoire de 1780 sur les pavés, puis, s’appuyant sur l’exemple des villes romaines ou étrangères, il formule de nombreuses recommandations. Ainsi, il prône la généralisation à Lyon des égouts recueillant les eaux souillées, l’élargissement des rues et leur orientation dans l’axe des vents dominants. Il insiste sur l’obligation de nettoiement incombant aux riverains ; propose la plantation d’arbres, car « rien ne sert mieux à purifier l’air » et la distribution de l’eau des rivières pour nettoyer la voirie et remplacer celle des puits souvent souillée. L’attention sur ces questions est à nouveau attirée en 1802 avec la lecture en séance par Martin l’aîné du premier chapitre de son projet de Traité sur la police de salubrité. Vingt ans plus tard, de nombreux académiciens participent activement au Conseil de salubrité institué par le préfet.

 Les cimetières /

 Le manque de place dans les cimetières lyonnais et l’ordonnance royale du 10 mars 1776 qui, au nom de la salubrité de l’air, limite considérablement le droit d’inhumation dans les églises, amène les sociétés savantes à étudier cette question. L’Académie réagit vite avec, le 4 décembre, l’examen de l’étude de l’abbé Antoine de La Croix, publiée sous le titre Réflexions sur les sépultures dans la ville de Lyon. S’appuyant sur ses observations météorologiques depuis 1764, qui établissent la prédominance des vents d’ouest, il préconise le choix d’un site à l’est de la ville. Un mois plus tard, la question est une nouvelle fois débattue avec vivacité après lecture des conclusions du Collège des Médecins et de celles du médecin Jacques Petetin qui ne les approuve pas et qui propose de placer le cimetière entre la Guillotière et les Brotteaux. En 1807, la Municipalité choisit finalement d’installer à Loyasse le premier des trois cimetières dont elle vient de prévoir la création.

 Les bains publics /

 Jusqu’au milieu du xixe siècle, la faible quantité d’eau disponible a favorisé le développement d’établissements de bains privés, ouverts au public, installés sur ou à côté de la Saône et du Rhône.

 Des « bêches » ou barques couvertes, amarrées au Pont de pierre sur la Saône, accueillaient depuis longtemps les Lyonnais désireux de se baigner ou de nager, lorsque Louis Gence, contournant le refus du Consulat, demanda au pouvoir royal un privilège exclusif pour l’installation à Lyon, sur le Rhône, d’un bateau fermé abritant des cabines de bains chauds. En 1767, avant d’enregistrer les lettres-patentes, le Parlement de Paris sollicite l’avis de l’Académie. Dans un rapport favorable, celle-ci suggère de prévoir des douches minéralisées propres à dissiper les engourdissements, les paralysies et les rhumatismes. Gence peut amarrer son « bateau de bains » quai St-Clair en 1776. Il ouvre la voie à d’autres établissements qui prospérèrent jusqu’à l’orée du xixe siècle.

 Les fosses d’aisance /

 L’augmentation de la population de Lyon au xviiie siècle rend plus aiguë la question des fosses d’aisance. Leur nombre est alors évalué à 4 000 et leur vidange entraîne des accidents et des nuisances, tant pour la santé que pour l’économie, car les gaz méphitiques provoquent la corrosion des métaux.

 L’Académie se retrouve mêlée à une controverse opposant Cadet et Lavoisier à Janin de Combe Blanche, lequel pense que le vinaigre neutralise les effets nocifs du méphitisme. À la demande de Vergennes et de l’intendant Flesselles, des expériences conduites en 1781, en présence d’académiciens et même de la Compagnie toute entière, semblent valider cette approche. Un accident mortel lors d’une expérience à Paris poussent l’Académie à s’emparer du sujet. François Tissier conclut à l’inefficacité du vinaigre. Élu à l’Académie en 1784, il consacre son discours de réception au Méphitisme des fosses d’aisance.

 La distribution de l’eau /

 Depuis le xviie siècle, le Consulat étudie les moyens d’augmenter la quantité d’eau fournie à la ville. Au xviiie siècle, on se préoccupe aussi d’en améliorer la qualité. Malgré ses réserves sur la salubrité des puits, l’Académie cherche le moyen d’améliorer les pompes à main. Elle examine aussi la mise en œuvre de machines élevant l’eau du Rhône destinée aux fontaines.

 Puits et sources ne pouvant fournir l’eau nécessaire à la population et à l’activité économique, le concours de 1772 porte sur les moyens les plus faciles et les moins dispendieux de procurer à la ville de Lyon la meilleure eau et d’en distribuer une quantité suffisante. Un mémoire qui propose de capter l’eau du Rhône en amont de Lyon est primé, mais rien n’est fait ; et le sujet proposé en 1810 et 1811, à la demande du maire, n’apporte pas de solution nouvelle. En 1823, Eynard, conscient de l’état des finances municipales, soutient à l’Académie l’idée d’une distribution de l’eau par une société d’actionnaires. Voir

 L’approvisionnement en farine /

 La lutte contre la pénurie ou la cherté du pain est une préoccupation constante des échevins soucieux d’éviter toute crise sociale ou économique. La création du Grenier d’abondance en 1728 doit assurer la constitution de réserves de grains. Reste à sécuriser leur mouture. La farine utilisée à Lyon provient alors de moulins amarrés sur le Rhône gênant la navigation et soumis aux aléas : crues, basses-eaux et glaces.

 À plusieurs reprises, le Consulat sollicite l’expertise de l’Académie pour préserver les moulins des gelées et plus généralement Déterminer les moyens les plus convenables pour moudre les blés nécessaires à la subsistance de la ville de Lyon (concours de 1769). Certains des 35 mémoires reçus proposent d’améliorer les roues à aubes, de les remplacer par des hélices, d’utiliser la force du vent, des chevaux ou, comme le lauréat, de machines à vapeur. Le choix novateur de l’Académie reste sans suite jusqu’en 1827, quand sont construits à Perrache les Moulins à vapeur. Voir

 Les inondations /

 L’impétuosité du Rhône, surtout au printemps, et le gonflement alarmant des eaux de la Saône, surtout en automne, ont attiré l’attention des académiciens depuis le milieu du xviiie siècle. Des ingénieurs comme Nicolas François Deville (1708-1770) et Jean-François Lallié (1725-1798) ont travaillé à construire des digues pour stabiliser le cours du fleuve. L’Académie a lancé un prix sur les « atterrissements » du Rhône (1803-1804), c’est-à-dire sur toutes sortes de dépôts nuisant à la navigation et aux moulins, et favorisant les errements du fleuve ; Ampère en a été l’un des commissaires. Elle a aussi proposé deux autres prix en 1826-1827, l’un pour « assainir la presqu’île Perrache » reliée à Ainay depuis peu, l’autre « pour mettre les Brotteaux à l’abri des inondations ». Ces deux concours ont eu peu de succès : un seul mémoire reçu pour chacun d’entre eux, mais d’assez bonne qualité. Elle avait aussi organisé un autre concours sur la salubrité des eaux, qui n’a pas été décerné.

Médecine :

 La médecine /

 Des établissements dévolus aux sciences médicales – médecine, pharmacie, arts dentaire et vétérinaire – se sont implantés successivement à Lyon. En lien avec les hôpitaux de la cité, ils se sont adaptés à des contraintes pédagogiques, scientifiques ou pratiques. Dans ce contexte institutionnel, durant plus de trois siècles, l’Académie est intervenue à plusieurs niveaux : protection de la santé publique, développement de la médecine légale, enseignement biomédical. Elle soutint notamment le courant hygiéniste qui s’attachait à développer l’hygiène hospitalière et la prophylaxie sanitaire. L’enseignement médical s’est longtemps appuyé sur des « collèges » de médecins, de chirurgiens et de pharmaciens. La création tardive (1821) d’une école de médecine explique que l’Académie ait été le lieu privilégié des débats scientifiques. C’est grâce à l’engagement de quatre académiciens (Petrequin, Lortet, Ollier et Chauveau) que la faculté mixte de médecine et de pharmacie fut créée en 1874. Galerie d'images.

 L’épidémiologie /

 À Lyon, jusqu’au début du xxe siècle, l’absence d’hygiène ainsi que les conditions environnementales (brouillards, inondations fréquentes, pollution industrielle) favorisent le développement des épidémies (peste, typhus, choléra, variole, typhoïde, tuberculose…). De nombreux académiciens se sont impliqués pour améliorer les conditions d’hygiène et pour développer une prophylaxie sanitaire. Jean François Terme, convaincu des bienfaits qu’apporte la distribution d’eau potable à chaque foyer, s’attache à améliorer l’adduction d’eau dans la ville ; Isidore de la Polinière renforce la surveillance sanitaire des hôpitaux, des abattoirs, des prisons, des cimetières… Président des Hospices, il développe son travail d’hygiéniste en améliorant sans cesse les conditions d’hébergement dans les hôpitaux. Gabriel Roux puis Joseph Tessier, s’appuyant sur la découverte du rôle des microbes dans les maladies infectieuses, préconisent des mesures destinées à prévenir et à limiter les épidémies.

 La chirurgie /

 Au xixe siècle, les chirurgiens lyonnais, dont plusieurs sont académiciens, ont fait progresser leur art, notamment dans le domaine de l’orthopédie. Ainsi Léopold Ollier, après avoir mis en évidence le rôle du périoste dans la formation de l’os, réalise des greffes osseuses et met au point des techniques de chirurgie orthopédique réparatrice qui évitent un grand nombre d’amputations ; cette technique fut particulièrement utile pour soigner les blessés de la guerre de 1870. Un autre académicien, Charles Pravaz, met au point des procédés orthopédiques pour traiter la scoliose et la luxation congénitale de la hanche. Son nom est aussi attaché à l’amélioration des seringues à injection grâce à la mise au point des aiguilles creuses dont la pointe se termine en biseau.

 La pharmacologie /

 La tradition pharmaceutique de Lyon résulte de la convergence d’un riche tissu scientifique (médical et vétérinaire) et d’un environnement industriel particulièrement actif. Aux confréries médiévales d’apothicaires ont succédé les propres apothicaireries des hôpitaux. Au xviiie siècle, Rast de Maupas, académicien particulièrement actif, s’appuyant sur ses connaissances en botanique et sur les progrès de la chimie, propose une nouvelle pharmacopée lyonnaise. C’est surtout à la fin du xixe siècle que l’industrie pharmaceutique lyonnaise se développe, prenant le relais d’une soierie déclinante, aidée en cela par l’implication du corps professoral de la faculté mixte de médecine et de pharmacie dans les diverses branches des sciences pharmaceutiques.

 La vaccinologie /

 La découverte du rôle des microbes dans la genèse des maladies infectieuses, dans la seconde moitié du xixe siècle, conduit vétérinaires et médecins à rechercher les moyens de s’en protéger en proposant des méthodes de vaccination. Chauveau et Arloing, qui sont à la fois vétérinaires et médecins, apportent une contribution importante dans la mise au point et l’utilisation de vaccins, notamment contre la variole et le charbon. Au xxe siècle, le phtisiologue Despierres développe la vaccination contre la tuberculose et dirige le centre de vaccination antituberculeux du Rhône. Enfin Charles Mérieux, succédant à son père le pastorien Marcel Mérieux, développe la fabrication industrielle de nombreux vaccins humains et animaux, faisant de Lyon une référence mondiale dans ce domaine.

 La médecine légale /

 Deux membres de l’Académie, le professeur Lacassagne et son élève le professeur Locard fondèrent la célèbre école lyonnaise d’anthropologie criminelle. Alexandre Lacassagne, professeur de médecine légale, élabore une théorie criminologique qui associe l’influence du milieu social à des particularités du fonctionnement cérébral. Il est aussi connu pour sa contribution décisive à la résolution d’énigmes dans des faits divers tragiques (identifications du cadavre calciné du Pr Jaboulay décédé dans un accident ferroviaire ; et du cadavre de l’huissier Gouffé dans l’affaire de la malle sanglante de Millery). Edmond Locard poursuit l’œuvre de son maître et crée à Lyon l’un des premiers laboratoires de police scientifique, ce qui lui valut le qualificatif de « Sherlock Holmes lyonnais » ; c’est lui qui découvre et formule le « principe d’échanges » : « Tout individu, à l’occasion de ses actions criminelles en un lieu donné, dépose et importe à son insu des traces et des indices ».

 Les sciences vétérinaires /

 La première école vétérinaire au monde fut créée à Lyon par Claude Bourgelat en 1762. Dès lors, elle est un lieu de recherches sur les maladies animales mais aussi un lieu d’échanges pour les médecins de la cité. C’est ainsi que Chauveau et son élève Arloing, professeurs à l’école vétérinaire et à la faculté de médecine contribuent aux immenses progrès réalisés dans le domaine médical dans la deuxième moitié du xixe siècle. Chauveau s’illustre en réalisant les premiers cathétérismes cardiaques chez le cheval et en promouvant la vaccination contre différentes maladies humaines ou animales (variole, charbon). Chauveau et Arloing montrent que la tuberculose est transmissible de l’animal à l’homme par ingestion de viande contaminée. La présence dans la même ville d’une faculté de médecine et d’une école vétérinaire fait de Lyon une référence dans le domaine de la biopathologie comparée, comme le souhaitait Bourgelat et comme Chauveau, Arloing, Grognier et enfin Mérieux l’ont confirmé. Galerie d'images.

Sciences et techniques :

 La botanique /

 La botanique se développe particulièrement au xviiie siècle et Lyon n’est pas en reste. De nombreux académiciens sont botanistes et participent aux progrès de la discipline : Marc Antoine Claret de la Tourrette, Jean Emmanuel Gilibert, l’abbé François Rozier, puis, au siècle suivant, Nicolas Charles Seringe, Ernest Faivre, Alexis Jordan ou Jacques Louis Hénon constituent des herbiers, créent des jardins botaniques, communiquent à leurs confrères le résultat de leurs recherches et rapportent de leurs excursions des échantillons. Jean Beauverie met en valeur l’herbier du prince Roland Bonaparte, donné par sa fille Marie ; son discours de réception porte d’ailleurs sur l’histoire des grands herbiers et de leurs fondateurs.

 La physique /

 Dès 1700, Louis du Puget, l’un des fondateurs, a entretenu la première Académie de sa collection d’aimants. Les débats ultérieurs portèrent sur les systèmes d’Aristote, Descartes, Malebranche. C’est à l’Académie des beaux-arts, à partir de 1736, que l’on s’occupe de questions précises et de réalisations concrètes, tel le fameux « thermomètre de Lyon » de Christin et Casati (le premier à mercure, avec échelle centésimale). L’Académie a participé, notamment grâce à des concours, aux recherches sur l’électricité. Peu après 1800, il y eut une nouvelle effervescence : avec la « découverte de Lyon » sur la combustion par compression de l’air (briquet pneumatique de Joseph Mollet) ; avec la participation de Volta à la « consulta de Lyon » de 1802 ; et bien sûr avec Ampère. Au xxe siècle, c’est surtout par la création de l’Institut de physique atomique en 1931 par Jean Thibaud (le premier hors de Paris) et le prix créé à sa mort (en 1960) que l’Académie lyonnaise a marqué la physique.

 L’industrie /

 Dès le xviiie siècle, Lyon est une ville industrielle, essentiellement tournée vers le textile et plus précisément la soie. L’activité se diversifie peu à peu ; la teinture appelle un développement de la chimie. Dans les provinces du Lyonnais, du Forez et du Beaujolais, l’exploitation des mines de fer et de charbon prend de l’importance. Viennent ensuite la métallurgie, la biologie, la mécanique. L’Académie est fortement impliquée : nombre des notables qui la constituent sont des ingénieurs, des entrepreneurs et des banquiers. En outre elle lance des concours de nature économique et technique, comme les médailles du Prince Lebrun (1805-1913) ou sur divers sujets liés aux transports, à l’agronomie.

 Le textile /

 L’industrie de la soie constitue une filière complète très riche : culture du mûrier, éducation du ver à soie, tissage, métiers mécaniques, dessin, teinture, commerce au loin, banque. Aux xviiie et xixe siècle, des académiciens comme Mathieu Thomé, spécialiste du mûrier, ou Camille Pernon, peintre et innovateur pour le tissage et le commerce, ont illustré cette branche. Le grand industriel Joseph Gillet a prolongé cette tradition avec les textiles artificiels. L’Académie a lancé de nombreux concours pour améliorer ces secteurs, par exemple sur le « décreusage de la soie » ou sur « l’histoire de la fabrique ».

 La chimie /

 La chimie à Lyon, c’est à la fois une science et une industrie. Elle a attiré l’attention des académiciens dès le xviiie siècle, surtout pour la teinture (de la soie) et pour la pharmacie. Dans les années 1740, le père Castel, célèbre jésuite parisien, sollicitait l’Académie des beaux-arts de Lyon pour réaliser ses travaux sur les couleurs. Au xixe siècle, les bleus de Jean-Michel Raymond (substitut de l’indigo) et Jean-Baptiste Guimet (outremer) ont connu la gloire. La chimie se développe plus tard avec des personnages comme Joseph Gillet, Jean Coignet, Victor Grignard (prix Nobel 1912). Jules Raulin (élève de Pasteur) et Léo Vignon sont à l’origine de la fondation de l’École de chimie industrielle de Lyon en 1883. La chimie se diversifie ensuite, par exemple avec la biochimie, comme l’a montré Charles Mérieux. L’Académie n’ayant pas de laboratoire, l’élection de tous ces savants et industriels a plutôt été la reconnaissance d’une carrière qu’une stimulation de leurs recherches.

 Les mines et la métallurgie /

 Si Lyon n’est pas une capitale de la métallurgie, la ville et son Académie ont néanmoins joué un rôle pionnier dans la minéralogie et la géologie. Dès avant la Révolution, les travaux collectifs sur le sous-sol du Lyonnais, du Beaujolais et du Forez, sous l’impulsion d’Alléon-Dulac et de La Tourrette ont mis en valeur les gisements de divers métaux, par exemple les mines de Saint Bel et de Chessy pour le fer et le cuivre. D’autre part, l’exploitation minière du charbon par les frères Jars ou par Keir de Blumenstein, en particulier à Rive-de-Gier, a suscité des mémoires et des expériences d’académiciens. Mais l’activité industrielle se déplaça plutôt vers le bassin de Saint-Étienne. Ensuite, la tradition géologique et minéralogique prit à l’Académie un tour plus universitaire, de Joseph Fournet à Louis David, directeur du Musée Guimet et pilier de l’Académie au tournant du xxie siècle.

La conquête du ciel :

 Météorologie /

 À partir du milieu du xviiie siècle, les académiciens et autres amateurs de France et d’Europe, échangent des observations météorologiques. Dès 1743, le thermomètre centésimal à mercure, inventé par Christin, fondateur de l’Académie des beaux-arts, s’impose presque partout et facilite ces communications. L’intérêt pour le climat et sa prévision s’étend, avec des objectifs variés (urbanisme, agriculture, démographie, colonies, statistiques), donnant lieu à de multiples publications. L’abbé Lacroix commence en 1764 des relevés quotidiens, qu’il présente chaque année à ses confrères. En 1801, Mollet expose l’importance de la météorologie avant de lancer le combat de l’Académie pour la restauration de l’observatoire. Le moyen de rendre les observations météorologiques uniformes et précises et de les rassembler fait l’objet d’un concours en 1824. L’Observatoire de Saint-Genis-Laval, créé notamment par l’académicien Charles André (1878) eut souvent la météorologie comme tâche première.

 Astronomie /

 Dès ses débuts, l’Académie a partie liée avec l’astronomie. C’est l’un de ses fondateurs, le père Jean de Saint-Bonnet, qui fit construire l’observatoire du collège de la Trinité au tout début du xviiie siècle ; il mourut d’ailleurs en 1702 après être tombé d’un échafaudage. Cet observatoire eut son heure de gloire au milieu du siècle avec le père Béraud, professeur de Lalande et de bien d’autres savants. Ce jésuite participa aux grandes observations collectives, notamment pour le passage de Vénus sur le disque du soleil en 1761. L’abbé Cayer rédigea ce qu’on pourrait appeler le premier cours d’astronomie populaire dans l’Almanach de Lyon à partir de 1742. L’astronomie lyonnaise s’est doucement assoupie au cours du xixe siècle, mais elle a repris vigueur vers 1900 avec l’académicien Charles André et la construction de l’observatoire de Saint-Genis-Laval, dont l’important astrophysicien Jean Dufay fut directeur au milieu du xxe siècle. Galerie d'images.

 Lyon, capitale de l’aéronautique /

 Le troisième vol aérien de l’histoire fut réalisé à Lyon, le 19 janvier 1784. Plus gros que ses deux prédécesseurs parisiens, le ballon Le Flesselles (du nom de l’intendant de la ville, académicien) quitta les Brotteaux avec sept personnes à bord, dont Pilâtre de Rozier et Joseph Montgolfier. Il retomba non loin, après avoir présenté « aux yeux de cent mille spectateurs, la masse la plus imposante et la plus majestueuse qu’on puisse voir ».

 Le 4 juin, une nouvelle montgolfière, construite sous la direction d’un autre académicien, le comte de Laurencin, s’élevait aux Brotteaux. Le Gustave conduisit jusqu’à la Duchère deux passagers, dont la Lyonnaise Élisabeth Tible, la première voyageuse aérienne, triomphalement reçue à l’Académie.

 Ce qui place aussi l’Académie de Lyon au centre de l’actualité aéronautique en cette année 1784, c’est le prix extraordinaire qu’elle propose dès le 9 décembre 1783, à qui indiquera « la manière la plus sûre, la moins dispendieuse et la plus efficace de diriger à volonté les machines aérostatiques ». Mais, accablés par les cent propositions reçues, jugées vagues ou délirantes, les rapporteurs renoncèrent à attribuer le prix: voir.

Les questions sociales et politiques :

 Le travail /

 Au cœur de la principale ville industrielle de France, l’Académie s’est forcément penchée concrètement sur le travail : son organisation, ses absences (les crises de la fabrique et le chômage), la vie des ouvriers, la formation des travailleurs (avec La Martinière), le Mont-de-Piété (longtemps administré par Achard-James), le logement, le salaire des femmes, l’épargne et la vieillesse. Elle est impliquée dans le conseil des prud’hommes de Lyon (le premier de France en 1806) et à la Chambre de Commerce. Elle a lancé des concours sur la plupart de ces sujets et a donné des points de vue sur l’économie politique.

 Les conditions de la vie ouvrière /

 Aucun ouvrier n’a jamais été membre de l’Académie, mais quelques académiciens sont issus de ce milieu. La condition ouvrière a donc toujours été considérée sous l’œil des classes aisées et des dirigeants d’entreprises. Cela ne signifie pas désintérêt. L’Académie a eu une préoccupation constante au sujet des ouvriers et des pauvres, souvent selon un paternalisme d’inspiration catholique (Édouard Aynard, Joseph Gillet, Auguste Isaac) ; Frédéric Ozanam est un des inspirateurs de la doctrine sociale de l’Église. L’Académie a soutenu les sociétés de secours mutuel, les habitations à loyer modéré, etc. En revanche, jusque tard dans le xxe siècle, elle a presque toujours condamné les grèves ouvrières et toutes les options socialisantes.

 Caisse d’épargne et de prévoyance /

 L’Académie a toujours porté un grand intérêt à des institutions pouvant soulager les maux des classes inférieures sans pour autant bouleverser l’ordre social : sociétés de secours mutuel, monts de piété, caisses d’épargne ; ces dernières devaient encourager les plus pauvres à la prévoyance, leur éviter des dépenses « immorales » et permettre à toute personne, quels que soient son âge, son sexe et sa fortune, de faire un dépôt à vue rémunéré (depuis les années 1950, leur vocation a beaucoup évolué). À l’initiative notamment du baron de Gérando (lauréat de l’Académie, puis associé) et de Benjamin Delessert (pour l’éloge duquel l’Académie a lancé un concours en 1847), la première a été fondée à Paris en 1818. À Lyon, en 1822, sous la houlette du préfet et du baron Rambaud, maire de Lyon et académicien, les souscripteurs fondateurs créèrent la Société anonyme de bienfaisance de la Caisse d’épargne et de prévoyance du département du Rhône. Plusieurs académiciens ont étudié l’action de la Caisse d’épargne ; d’autres, comme Jean Perrin, en furent dirigeants.

 La sécurité alimentaire /

 La forte croissance de la population lyonnaise au xviiie siècle rend plus cruciale la nécessité de garantir sa sécurité alimentaire afin de prévenir les disettes.

 L’importance du pain dans l’alimentation focalise l’attention sur les moulins, dont l’approvisionnement est assuré depuis la création du Grenier d’Abondance (1728). Mais la difficulté de stocker longuement la farine impose de trouver les moyens de s’affranchir de la menace des glaces qui pèse sur les moulins installés sur des bateaux amarrés sur les rives du Rhône. La Ville fait appel à l’Académie en 1769 pour résoudre ce problème. Autre problème récurrent, la fourniture d’une quantité suffisante d’eau salubre. Tous les aspects de la question, de la captation à la distribution, sont examinés sans relâche par les académiciens à partir de 1775. L’importance des dépenses à engager repousse la décision jusqu’à la signature de la concession entre la Ville et la Compagnie générale des Eaux en 1853.

 Les prisons /

 Sous l’Ancien Régime, beaucoup d’académiciens se sont prononcés en faveur des « idées nouvelles » de Voltaire et des philosophes. Certains approuvaient le traité Des délits et des peines de Beccaria (1764), le premier grand ouvrage contre la peine de mort ; d’autres, comme l’avocat Goy (1704-1784), le combattirent. Les réflexions sur la prison ont également rythmé les interventions académiques, surtout jusqu’au milieu du xixe siècle. Ce fut l’objet du prix visant à remédier à « la qualité nuisible que l’air contracte dans les prisons et les hôpitaux » (en 1764 et 1767). Un autre concours important fut lancé pour 1825 sur le meilleur lieu possible à Lyon pour une maison de détention : il concernait aussi la santé et l’utilité des prisonniers. Un troisième a concerné « la graduation des délits et des peines » (1831). Voir.

 L’enseignement /

 Ville de commerçants et de banquiers, Lyon na pas une longue tradition d’enseignement supérieur. Du xvie au xixe siècle la ville a surtout connu le collège de la Trinité, devenu lycée de Lyon en 1804 puis lycée Ampère en 1888. Dans les faits, l’université de Lyon n’a été créée qu’en 1835. Au cours de la seconde moitié du xviiie siècle, l’Académie s’est déjà interrogée sur les méthodes éducatives souhaitables. L’abbé Lacroix préconise de former une élite, les autres étant renvoyés à la charrue ou à l’artisanat de leur père. Perrache, en revanche, critiquant l’enseignement des langues mortes, souligne le manque d’artisans qualifiés. Le rôle de l’Académie se révèle primordial face à la municipalité, dans la mise en place d’un enseignement technique offert au plus grand nombre, ainsi que dans le développement des matières scientifiques au service d’une industrie naissante. Le testament du major général Martin lui offre l’occasion de créer l’école de La Martinière.

 L’Académie et La Martinière /

 Claude Martin, né à Lyon en 1735, a fait fortune aux Indes où il est décédé en 1800. Dans son testament, il lègue une forte somme à la ville de Lyon pour la création d’une « institution » laissée au choix de l’Académie. Le manque de précision sur ses volontés sera source de difficultés avec les élus lyonnais, qui voulaient la création d’un internat de garçons réservé à une élite, alors que certains académiciens, dont Arlès-Dufour, se montrent favorables à un externat ouvert au plus grand nombre, garçons et filles. La Martinière des garçons, dont les statuts seront modifiés à plusieurs reprises, voit le jour en 1831 ; celle des filles (École professionnelle et ménagère), sera créée seulement en 1879, après l’ouverture de cours dix ans auparavant. De grands professeurs – Tabareau, Eynard, les frères Dupasquier – ont contribué au succès et à la renommée de la Martinière garçons. Galerie d'images.

 Émancipation des femmes /

 Les questions sociales ne se limitent pas à la condition ouvrière ; elles regardent celle de femme. Certes, les deux premières académiciennes titulaires (Myriam Bros et Danielle Gautheron) n’ont été élues qu’en 1987 et la première présidente (Marguerite Yon) en 2015 : en cela, Lyon n’a pas à être plus fière que les autres villes. Il y eut cependant des académiciennes associées ou correspondantes, toutes littéraires, du milieu du xviiie siècle à celui du suivant... puis plus rien ! L’Académie de Lyon s’est en revanche distinguée dans deux occasions. D’une part, elle a milité, contre la municipalité, pour faire respecter le testament du major général Martin, c’est-à-dire pour étendre aux filles l’enseignement technique de La Martinière. D’autre part, elle a lancé trois prix sur la condition féminine (1859, 1870 et 1878), à l’initiative d’Arlès-Dufour ; le premier fut remporté par Julie-Victoire Daubié, première bachelière quelques années plus tard.

 Bienfaisance /

 L’Académie, marquée par les idées chrétiennes, a d’emblée été préoccupée par les questions dites de bienfaisance, de philanthropie et de charité. Elle a même proposé, en 1818-1819, un concours de réflexion sur l’aumône, dont le lauréat fut le célèbre baron de Gérando. Mais c’est surtout à partir de 1882, avec le prix Lombard de Buffières, que furent créées une vingtaine de fondations de bienfaisance venant au secours de gens en difficulté, voire franchement dans la misère, ou de personnes méritantes, souvent à condition qu’elles pratiquent la religion catholique. La seule fondation qui n’a pas été ruinée par l’inflation comme ses devancières, et subsiste aujourd’hui est la Fondation Rosa, qui distribue chaque année environ 50 000 € par an, provenant des revenus d’un immeuble.

 Morale et politique /

 Les statuts de 1758 stipulent que les académiciens doivent « être de bonnes mœurs, professer la religion catholique ». Aucune mention de ce genre n’apparaît dans les règlements de 1833, ni dans les suivants : la compagnie reconnaît de droit et de fait la diversité des opinions philosophiques, religieuses et politiques. Les registres lissent les différences ; les contradictions affleurent rarement. Jusqu’au xxe siècle, l’Académie accompagne largement l’Église et les pouvoirs en place ; un peu moins la République. Les questions mises au concours, sur l’amour de la patrie et du roi (1818), sur le soutien des peuples de la Chrétienté à la cause des Grecs (1826-1827) le montrent bien. Les rapports des prix de bienfaisance sous la IIIe République contiennent souvent un brûlot contre les lois laïques. Mais les points de vue deviennent de plus en plus divers, surtout depuis quelques décennies.

Langue, littérature et arts :

 Lettres et arts /

 Avant que d’autres institutions culturelles et médiatiques ne prennent le relais, les académies lyonnaises furent pendant plus d’un siècle le centre de la vie des idées à Lyon. « Messieurs de l’académie » eurent la responsabilité premier musée et de la première bibliothèque publics de la ville.

 Curieusement, l’Académie des Sciences et Belles-Lettres s’occupait peu de sciences (domaine de prédilection de l’Académie des Beaux-Arts) et beaucoup de littérature et d’art.

 Avant et après leur réunion en 1758, les deux académies participèrent au progrès des Lumières, notamment par les liens qui les unissaient à l’Encyclopédie de Diderot et D’Alembert, à Voltaire et à Rousseau.

 Au cours des deux siècles suivants, l’Académie a continué à encourager les arts, notamment la poésie. Elle accueillit aussi en son sein un nombre croissant de musiciens, de peintres, de sculpteurs, qui lui léguèrent certaines de leurs œuvres. Aujourd’hui, l’Académie s’attache à conserver et à mettre en valeur son patrimoine littéraire et artistique.

 L’Académie et les Lumières /

 Les Lumières du xviiie siècle n’ont pas été qu’une affaire parisienne. Les académies de province, qui se multiplient alors, y ont participé. Celles de Lyon (l’Académie des Sciences et Belles-Lettres et l’Académie des Beaux-Arts) ont puissamment contribué à l’élaboration et la transmission du savoir, dans une ville alors dépourvue d’université. On peut noter les liens de Lyon avec l’Encyclopédie de Diderot et D’Alembert, dont l’abbé Jean Antoine La Serre dirigea une réédition ; avec Jean-Jacques Rousseau, qui dialogua avec Charles Borde sur les avantages des sciences et des arts ; ou avec Voltaire, qui fut élu correspondant des deux Académies lyonnaises en 1745, et leur rendit visite en 1754.

 Charles Borde /

 Charles Borde est un homme de lettres lyonnais. Après ses études au Collège de la Trinité à Lyon, il vit quelques années à Paris où il fréquente des hommes de lettres et des philosophes de son époque (Bernis, Mably, Bernard, Condillac, Voltaire). c’est après son retour à Lyon en 1740 qu’il se lie à Rousseau lors du séjour lyonnais de celui-ci en 1740-1741.
Borde s’acquiert une réputation nationale en réfutant le «Premier discours» de Rousseau : le 22 juin 1751, il prononce dans l’assemblée publique de l’Académie des sciences, belles-lettres et arts de Lyon son «Discours sur les avantages des sciences et des arts», puis publie une réponse à la réponse de Jean-Jacques Rousseau, qui lui valut l’approbation… de Rousseau lui-même. Voir.

 Voltaire et les associés /

 Voltaire est un fidèle correspondant de l’Académie des beaux-arts et de celle des sciences et belles-lettres, dont il fut élu membre associé (en 1745 et 1746, respectivement) et à qui il rendit une triomphale double visite à l'automne 1754.

 Les associés (dits aussi correspondants) ne participent pas régulièrement aux séances de l'Académie, soit du fait de leur éloignement, soit parce qu’aucun fauteuil n’est disponible. Mais leur rôle est important : ils communiquent avec elle par des lettres (dont beaucoup sont conservées), envoient leurs travaux, et souvent lui confèrent un peu de leur prestige personnel. La liste des associés du 18e siècle compte en effet nombre d’hommes célèbres, tels Vaucanson, Lalande, Condillac, Montgolfier, Franklin… Grâce à eux, l’Académie rayonne en dehors de Lyon. Galerie d'images.

 La poésie /

 Nombreux étaient jadis les académiciens qui taquinaient la Muse, récitant leurs vers à la fin des séances hebdomadaires. On encourageait également cette pratique dans le public : dans le cadre des Jeux Floraux de la comtesse Mathilde, instaurés en 1912, le Muguet d’or récompensait « une poésie inédite » produite localement. Mais de nombreux prix avaient déjà récompensé des œuvres versifiées célébrant tel ou tel personnage ou événement politique qui avaient marqué la ville. Malgré le talent de quelques poètes, tels Victor de Laprade, Joséphin Soulary ou Louis Pize, ou l’associée Marceline Desbordes-Valmore, il faut bien avouer que la plupart des poèmes aujourd’hui conservés dans les archives de l’Académie ont surtout un intérêt documentaire. Voir

 Le parler lyonnais /

 Comme toute Académie qui se respecte, celle de Lyon s’est attachée à la défense de la langue française, mais aussi à décrire les particularités du parler local. En 1792, le botaniste Marc Antoine Louis Claret de La Tourrette s’attaque aux tournures vicieuses de ses compatriotes. Moins puriste, l’avocat Nicolas Cochard (1763-1834) consacre les vingt dernières années de sa vie à des « Recherches sur le patois, ou idiome vulgaire, en usage dans le département du Rhône ». En 1894, l’architecte Clair Tisseur, sous le pseudonyme de Nizier du Puitspelu, publie son fameux Littré de la Grand’Côte : dictionnaire lyonnais-français que le géologue et paléontologue Louis David rajeunit et présente sous la forme inverse en 2003, avec son Littré du Gourguillon : dictionnaire français-lyonnais à l’usage de ceux qui veulent parler et écrire correctement. Voir

 La presse /

 Parallèlement aux Académies, la presse se développa considérablement au xviiie siècle. Des journaux importants furent fondés, dirigés ou rédigés par des académiciens de Lyon ; par exemple le Journal de Physique de l’abbé Rozier, ou le Journal de Lyon de Charles Mathon de la Cour. De nombreux académiciens contribuèrent à l’éphémère Feuille littéraire de Lyon. Sous la Restauration et la Monarchie de Juillet, deux académiciens (Torombert et Pétrequin) furent rédacteurs du Précurseur, journal libéral lyonnais, tandis que deux autres (Devillas et Reyre), furent à l’origine de la fondation du conservateur Courrier de Lyon, en réaction à l’agitation ouvrière. Par la suite, la participation d’académiciens à divers journaux continua à témoigner de la diversité de leurs positions politiques.

 La musique /

 L'Académie des beaux-arts, l'un des deux ancêtres de l'actuelle académie, a été fondée en 1713 comme société de concert. Elle a créé en son sein, en 1736, une véritable académie des sciences à partir de la musique et des autres « arts ». Les débats animés par Bollioud-Mermet, Mathon de la Cour, Joannon, Cheinet, Dumas, Clapasson, autour de la théorie de l'harmonie et du tempérament après Rameau, ont eu une résonance nationale. Plus tard, à la fin du XIXe siècle et au XXe, l'académie a possédé parmi ses membres des organistes, pianistes, compositeurs, maîtres de chapelle, critiques d'art, tels que l'abbé Neyrat, Martin-Witkowski, Édouard Commette, Paul et Ennemond Trillat, A. Sallès, qui ont tenu à Lyon un rôle majeur dans la création et la diffusion de la musique. Plus récemment, le physicien Maurice Jacob, réorganisateur de l'académie, a créé les Jeunesses musicales. Jean-François Duchamp chef de chœur et maître de chapelle de la Cathédrale continue cette tradition.
Quelques enregistrements.